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DEPENSES PUBLIQUES (CAMEROUN)

Introduction

Les finances publiques sont l’ensemble des moyens qu’usent les collectivités publiques pour exécuter les dépenses liées à la satisfaction des besoins d’intérêt général[1]. Entant qu’entités publiques disposant des droits et moyens exorbitants, les institutions publiques procèdent par prélèvements obligatoires (TVA droits de douane et impôts) pour financer leurs dépenses. Jusqu'à une époque relativement récente, aucune distinction n’était faite entre dépenses de l’Etat et dépenses publiques. Or compte tenu de l’accroissement de la population, des services publiques et de la diversification[2] de celle-ci, il convient aujourd’hui de différencier dépenses de l’Etat et dépenses publiques. L’expression dépenses publiques renvoie aujourd’hui aux dépenses effectuées par l’ensemble des institutions à caractère public (collectivités territoriales décentralisées y compris) tandis que les dépenses de l’Etat se limitent quant à eux aux seules dépenses propres à l’Etat central[3]. Cette distinction faite, il convient de préciser les contours de cet exposé centré sur les dépenses publiques parce qu’on pourrait à priori s’interroger sur ce qu’est une dépense publique, la question de son enjeu se pose également. En quoi consistent les dépenses publiques ? Comment mettre en exécution l’ensemble des dépenses programmées ? Et enfin, existe-t-il un lien entre dépenses publiques et économie ? Telles sont là quelques questions sur lesquelles on pourrait mener une réflexion et dont nous tenterons d’y apporter des éléments de réponses afin de rendre la notion de dépenses publiques accessible à tous. L’intérêt d’un tel exposé ne manque pas car non seulement il nous renseigne sur la notion de dépenses publiques, mais il nous plonge également au cœur des réalités quotidiennes de la vie d’un Etat. Pour matérialiser cet objectif, nous étudierons d’une part la classification et l’exécution des dépenses publiques (I) et leurs effets sur l’économie (II).


I. CLASSIFICATION ET EXECUTION DES DEPENSES PUBLIQUES AU CAMEROUN

Les dépenses publiques au Cameroun sont définies dans l’article 12 (2) de la loi No 2007 /006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier de l’Etat.

A. Classification

Selon le même article 12 (2) de ladite loi, elle prend en considération les dépenses courantes, les dépenses d’investissement et les dépenses sur les opérations financières.

1. les dépenses courantes

Elles comprennent les consommations des biens et services. Il s’agit des dépenses courantes des services administratifs (salaires, entretien de matériel et mobilier…), Elles sont importantes au niveau de l’Etat. On peut les classer en trois catégories : les dépenses des pouvoirs publics correspondant aux dotations versées annuellement pour le fonctionnement de la présidence de la république, du parlement, de l’appareil judiciaire bénéficiant d’une plus grande autonomie financière que les administrations ordinaires. Les dépenses de personnel représentent la majeure partie des dépenses de fonctionnement. Il s’agit des rémunérations versées aux agents civils et militaires de la fonction publique, des charges sociales et des pensions. Les agents publics (A, B, C, D) sont titulaires et bénéficient de la sécurité de l’emploi, ce qui n’est pas le cas pour les contractuels. La caractéristique des dépenses de personnel est d’entrainer une très grande rigidité budgétaire. Lorsque l’Etat, ou une collectivité publique, crée un poste supplémentaire pour un agent public, il ou elle engage une dépense pour 70 ans (40 ans d’activité plus 30 ans de retraite), ce qui n’est pas le cas pour les autres catégories de dépenses qui peuvent être reconsidérées chaque années. Les dépenses liées au fonctionnement des services sont beaucoup moins élevées. Elles n’en sont pas moins essentielles, il s’agit des achats de services de matériels et de fournitures, des travaux de réparation et d’entretien des bâtiments affectés aux différentes administrations.

2. Les dépenses d’investissement et les dépenses sur les opérations financières

La loi des finances de 2011 prévoit 26,6% du budget de l’état pour cette catégorie. Elle est importante au niveau de l’état, mais est encore plus élevées au niveau des collectivités locales et surtout régionales. Pourtant, ces dépenses sont particulièrement dignes d’intérêt car elles se traduisent par la création d’une nouvelle richesse et elles ont souvent un effet positif sur l’économie. On distingue d’une part, les investissements directement productifs comme la construction d’une nouvelle route, d’une nouvelle ligne de chemin de fer, et, d’autre part, les investissements collectifs non directement rentables tels que la construction d’un hôpital ou d’une université. Dans le premier cas, c'est-à-dire les investissements directement productifs, le financement de l’opération ne soulève guère de problème puisque l’investissement réalisé générera des ressources supplémentaires qui couvriront généralement, largement le coût de la dépenses. Dans le second cas, l’investissement se traduira par une meilleure santé publique, ou une meilleure formation; mais la question de financement ici reste très difficile parce que ne générant pas toujours immédiatement de nouvelles recettes. On note également des subventions d’investissement et les achats d’actions et prises de participations (article 12(2,2) de la loi No 2007 /006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier de l’Etat.

Définies par l’article12(2,3) de la loi No 2007 /006 du 26 Décembre 2007 portant régime financier de l’Etat, les dépenses sur les opérations financières sont celles qui regroupent les souscriptions et achats d’obligations ; les prêts et avances ; les remboursements de la dette a moyen et long terme ; les remboursements des avances et emprunts à court terme a plus d’un an.

B. L’exécution des dépenses publiques

Les dépenses publiques doivent être exécutées de manière à ce qu’il y ait toujours un équilibre entre les recettes et les dépenses. Pour cela, la loi de finance de l’année prévoit dès lors l’ensemble des ressources et des dépenses permanentes pour chaque année budgétaire. Celle-ci est votée tous les mois de novembre et promulguée par le président de la république avant le 31 décembre. Les dépenses elles, sont engagées pour une période bien précise et varient selon leur nature. Il s’agit des dépenses permanentes, des dépenses éventuelles et accidentelles.

1. Les dépenses permanentes

Ce sont des dépenses engagées pour la totalité de leur montant dans chaque service pour une durée d’un an. Elles sont prises en compte lorsque le gestionnaire de crédit d’un service relève qu’il y a carence de dépense dans son service de telle sorte que ces dépenses sont directement engagées par le ministère des finances pour le service en question. Ainsi, elles peuvent être considérées comme étant le budget octroyé à chaque gestionnaire de crédit pour une période annuelle. L’engagement de la liste des dépenses permanentes est fait au début de l’exercice budgétaire et jouit d’une période complémentaire d’un mois. En effet, cette période prend fin un mois après la nouvelle année budgétaire ; c’est la période postérieure à la gestion durant laquelle peuvent être comptabilisées des opérations qui sont imputées sur l’exercice budgétaire précédent. De plus, ces dépenses permanentes sont reparties en 3 catégories : les dépenses ordinaires, les dépenses en capital et les dépenses liées aux prêts et avances de l’Etat.

- Les dépenses ordinaires concernent les dépenses relatives à la dette publique, aux pouvoirs publics, aux moyens des ministères et aux dépenses d’intervention

- Les dépenses en capital qui concernent les dépenses relatives à l’investissement, aux subventions et aux réparations des dommages de guerre

- Les dépenses liées aux prêts et avances de l’Etat, elles sont relatives aux prêts des fonds de développement économique et social, aux prêts intéressant le logement et aux prêts divers consentis par l’Etat et avances de l’Etat

2. Les dépenses éventuelles et les dépenses accidentelles

Ce sont des crédits qui permettent de financer des opérations diverses et variées. Elles sont aussi prises en compte par la loi des finances. Contrairement aux dépenses permanentes qui sont engagées pour toute l’année, les dépenses éventuelles sont engagées trimestriellement de telle sorte que son budget soit le quart du montant annuel des prévisions budgétaires. Malgré que les crédits provisionnels permettent de faire face aux dépenses il arrive souvent qu’ils sont insuffisants ; dans ce cas, des prélèvements seront fait dans le crédit global pour dépenses éventuelles ; en effet, les dépenses éventuelles sont compris comme étant un budget octroyé par la loi de finance, et ayant pour but de compléter, en cours d’année, les crédits provisionnels en cas d’insuffisance de ces derniers. Toutefois, il apparait que, certaines dépenses engagées, présentent plus un caractère accidentel qu’éventuel.

Il s’agit des crédits utilisés pour faire face à des imprévues ou à des dépenses provenant des situations accidentelles très incertaines à l’instar des calamités, des intempéries. C’est pour cela qu’on dit qu’elles ont un caractère évaluatif tel qu’expliqué dans l’article 17 (1) de la loi No 2007/006 du 26 décembre 2007 portant régime financier de l’Etat. Les crédits alloués alors aux dépenses accidentelles permettent dès lors de financer toutes sortes d’opération qui n’étaient pas prévues. Ainsi les dépenses éventuelles, aussi bien que les dépenses accidentelles constituent donc des réserves pour le gouvernement puisqu’elles sont utilisées pour de évènements qui n’étaient pas nécessairement prévus.

II. EFFETS ET LIMITES DES DEPENSES PUBLIQUES SUR L’ECONOMIE

L’augmentation ou la réduction des dépenses publiques a un impact significatif sur l’économie du fait qu’elles constituent une composante essentielle de celle-ci[4]. Ceci s’explique d’avantage par le fait que la quasi totalité des dépenses publiques à pour finalité le circuit économique national. Les effets de ces dépenses sur l’économie sont directs et indirects. Tandis que l’effet direct s’observe sur le court terme, l’effet indirect quant à lui se matérialise dans le long terme et semble plus important que le premier[5].

A. EFFETS

1. Effets directs

Ø Influence sur le niveau de consommation

L’augmentation des revenus ou des aides sociales stimulent de manière directe et presque immédiate la demande des biens de consommation. Le circuit économique ne peut donc être insensible à cet apport parce que le marché intérieur va connaitre soit une augmentation de la production nationale, soit alors un accroissement des importations.

Ø Influence sur la production

L’accroissement des dépenses publiques portant sur les commandes des administrations (achats de fournitures et services, travaux et entretiens, etc.) et surtout les dépenses d’investissement vont avoir un effet direct sur le niveau de production et donc sur l’emploi[6]. Les dépenses de l’Etat du Cameroun pour la construction du port de Kribi ou de l’échangeur de Longkak ont automatiquement entrainé une augmentation de la production du ciment ou encore de l’importation du fer et de nouveaux emplois.

2. Effet indirect ou multiplicateur

L’influence des dépenses publiques sur l’économie ne saurait se réduire à son effet direct parce qu’au delà de l’immédiat, elle s’inscrit dans le temps. La distribution des revenus supplémentaires, l’augmentation des dépenses d’équipement ou l’accroissement des commandes des services publiques déclenchent des réactions économiques qui dépassent largement le seul cadre des personnes ou des entreprises qui au départ bénéficient de cette mesure. Par exemple, si l’Etat décide d’effectuer un investissement supplémentaire de l’ordre de 3 milliards, les ouvriers et les entreprises vont percevoir cet argent en contre partie de leur travail sous forme de salaire et de profit. Puis, l’essentiel de cette somme va être réintroduit dans le circuit économique sous formes d’achats supplémentaires, d’investissement, etc.

B. LIMITES DES DEPENSES PUBLIQUES SUR L’ECONOMIE

1. Les limites internes

La réduction des dépenses publiques est encadrée au plan interne par de nombreuses contraintes. D’une part les dépenses de fonctionnement qui assurent la marche des services publiques ne peuvent être diminuées de peur d’entrainer des mécontentements des usagers. D’autre part, toute réduction des dépenses d’intervention se heurte à la résistance des bénéficiaires. L’Etat n’a donc plus pour seule marge de manœuvre que les dépenses d’investissement dont une réduction freinerait l’économie.

2. Les limites externes

Les limites externes auxquelles sont soumises les dépenses publiques sont essentiellement d’ordre international. D’abord la question de concurrence fiscale contraint les Etats à diminuer leurs prélèvements obligatoires de manière à éviter la délocalisation des entreprises vers des zones plus favorables. De plus, le phénomène d’intégration régionale et sous régionale contraint également les Etats à limiter leurs dépenses et à respecter le principe de l’équilibre budgétaire. L’intégration européenne, par exemple soumet les Etas membres à la limitation de leurs dépenses en raison du pacte de stabilité et de croissance par lequel chaque Etat s’oblige à une certaine maitrise de ses dépenses publiques de manière à respecter les critères de convergence posés par le « traité de Maastricht ». Face à un tel contexte national et international, il devient difficile pour les Etats de faire varier leurs dépenses dans l’un ou l’autre des deux sens. Les Etats doivent dès lors rechercher le juste milieu.

CONCLUSION

Nous avons dans cet exposé, étudié de fond en comble les dépenses publiques qui nous semble-t-il sont d’une variété exceptionnelle. L’analyse de ce sujet nous a permis de démontrer d’abord qu’il existe une classification des dépenses publiques suivant une typologie bien déterminée. L’importance de ces dépenses n’est plus à démontrer car comme nous l’avons vu, elles peuvent être d’un apport significatif dans l’économie bien qu’une mauvaise structuration de celle-ci entraine des effets néfastes pour le circuit économique national. Nous pouvons sans risque de nous tromper affirmer que, bien qu’étant soumises à des contraintes nationales et internationales qui obligent les Etats à limiter leurs dépenses et tendant à respecter le principe d’équilibre budgétaire, les dépenses publiques jouent un rôle important dans la canalisation des tensions sociales, sources d’instabilités de toute sorte. Elles sont donc d’un apport inestimable dans le processus de développement des nations et c’est en cela que résident leurs enjeux. Cependant, les leaders politiques doivent octroyer aux dépenses d’investissement, une plus grande place dans le budget national parce que non seulement elles sont des moteurs du développement économique, mais aussi elles génèrent de façon immédiate des emplois et des revenus, indispensables au bon fonctionnement de l’Etat à court et moyen terme.



[1] Roland, ATANGA. Cours de fiances publiques traditionnelles, UPAC, 2011

[2] L’avènement de nouvelles formes de services publiques telles que les collectivités locales

[3][3] Cette approche relève du débat sur le concept de dépenses publique tel qu’il se pose entre classique et moderne. Cf. Benjamin BIDIAS, les finances publiques et l’économie financière de la république fédérale du Cameroun, 1982, p55

[4] Loïc, PHILIP. Ed, op.cit. p23

[5] Op.cit. p24

[6] Op.cit, p24

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