TABLE DES MATIERES
Le Peuple
Bamiléké, situé à l’Ouest du Cameroun, dans les grassfields, est un peuple très
dynamique, organisé et représente l’une des ethnies les plus importante du
Cameroun, en terme de population et de représentation sur l’étendue du territoire
national. Le territoire qu’il occupe est situé entre le 4° et le 6° de latitude
Nord, et le 9° et 10° de longitude Est, Il couvre une superficie de 6200km².
C’est un vaste quadrilatère de hauts plateaux ondulés, bordés à l’Est de la vallée
du Noun, au Sud-ouest par la pleine d’effondrement de Mbo, au Sud-est par la dépression
du Dibum et au sud par le cours supérieure de la Makombé. Malgré leurs origines
et histoire commune, les Bamilékés parlent aujourd’hui un très grand nombre de
dialectes répartis sur une centaine de petits royaumes indépendants. Toutefois,
ces différences n’empêchent pas de retrouver des éléments présents dans toutes
les chefferies et villages Bamiléké.
Réputés dans tout
le pays pour leur sens du commerce, les Bamilékés se caractérisent aussi par
leurs tendances expansionnistes et leur propension à se reproduire très vite.
Ce qui est très souvent source de conflit dans plusieurs régions du pays. Néanmoins,
on ne peut refuser de leur reconnaitre les qualités de peuple dynamique, organisé
et solidaire. Enfin, le peuple Bamiléké est fortement attaché à ses racines. Il
respecte et entretient les traditions ancestrales, il constitue un peuple
paradoxal et surprenant : individualiste mais solidaire, matérialiste et
expansionniste, fier mais discipliné.
Notre
intention est de montrer comment ce peuple, très souvent critiqué pour être un
peuple très secret, est organisé. Pourquoi
et comment cette organisation peut contribuer à la paix et au développement au Cameroun ?
Il s’agira d’abord de comprendre leurs origines et peuplement(I), ensuite faire
ressortir les éléments poignants de leur culture(II) et enfin, savoir comment
ceci peut contribuer à la paix et au développement.
I. GENESE DU PEUPLEMENT BAMILEKE
A-ORIGINE EGYPTIENNE
La vérité
brute sur les origines et l’anthropologie du peuple bamiléké a reposé d’abord
sur la tradition orale, résultante de récits étiologiques, de récits
historiques, de souvenirs personnels, de commentaires explicatifs, de
témoignages, de notes occasionnelles, de proverbes, de l’onomastique (noms de
lieux et de personnes), de chansons populaires, de codes et symboles, et
d’assertions et autres informations d’ordre généalogique et dynastique. Une
vérité brute qui sera confirmée par la rencontre des Baladis et des écrits les
concernant, ainsi que par le parcours d’une partie de la probable trajectoire
des Bamiléké depuis l’Egypte jusqu’au pays Tikar. Mais avant, les travaux et
réflexions de l’égyptologue Moustapha Gadalla, en particulier, ont permis de
corroborer le lien entre Baladis d’Egypte et Bamiléké. En outre, des
rapprochements linguistiques ont étayé la thèse de la littérature orale sur la
trajectoire des Bamiléké au cours de leurs mouvements migratoires depuis les
berges du Nil[1].
Les Bamiléké seraient donc partis de l'Égypte
médiévale au IXe siècle de notre ère. Ils arriveront
en région Tikar vers le milieu du XIIe siècle avant de se diviser vers 1360
à la mort de leur dernier souverain unique, le roi Ndéh. Yendé, premier prince,
va refuser le trône et traverser le Noun pour fonder Bafoussam. Sa sœur ira
vers la région de Banso[2]. Deux décennies plus tard, Ncharé, le cadet, descendra dans la plaine
du Noun pour fonder le pays Bamoun. De Bafoussam naîtront quasiment tous les
autres groupements bamiléké entre le XVe siècle et le XXe siècle (Bansoa est né en 1910 à la suite de l'exil forcé de Fo
Taghe de Bafoussam)
[3].
D’autres
sources indiquent que les Bamiléké parlaient une langue unique, le bamiléké,
jusqu'à leur démembrement au milieu du XIVe siècle, à la mort de leur
souverain. Du bamiléké naîtront le Bamiléké-Bafoussam
et le Bamoun. Le Bamoun se ramifiera en une vingtaine de sous-variantes
dialectales avant de se voir unifié par le sultan Njoya au début du XXe siècle.
Pour sa part, le Bamiléké-Bafoussam continuera à se ramifier pour donner
naissance, au fil du temps, à de dizaines de variantes dialectales, elles-mêmes
possédant de sous-variantes plus ou moins négligeables. Le Bamiléké-Bafoussam
est donc la langue-mère des autres dialectes bamiléké, hormis le Bamoun.
Ainsi, les
Bamilékés sont les frères du groupe des Bamouns qui ont décidé de traverser la
rivière du « NUN », en dépit de leur connaissance du mythe de l'Egypte antique
qui disait que « L'eau de couleur noire apporte le chaos, les malheurs, la
malchance ». Plusieurs faits montrent qu'ils ont traversés cette rivière à
l'eau noire malgré tout car ils ne voulaient pas être rattrapés par les
musulmans. Contrairement aux Bamouns, qui s'identifient au Dieu Amon, les
Bamilékés s'identifient par leur origine, celle de la Haute Egypte antique. La
signification figurative des Bamilékés est la suivante : descendants des
anciens égyptiens. Le mot « Bamiléké » est une appellation moderne, pour
faciliter la lecture dans les langues occidentales. BA' Mieh Lah Ke' est l'appellation la plus proche de la prononciation
originale gutturale[4]. La signification littérale du mot « Bamiléké » son par
son est la suivante:
BA' : Les,
ceux de… (Pour designer l'origine géographique de quelqu'un)
Mieh : les
frères
Lah : le
pays, la région
Ke' : Haut, le haut, ce qui est en haut
d'un endroit, une région, d'une terre. Haut en parlant d'un pays ou d'une
région en Afrique, il s'agit de la Haute Egypte.
Rappelons que les égyptiens anciens
n'appelaient pas leur pays « Egypte ». Ils appelaient leur pays, « Haut pays »
et « Bas -pays » ou KEMET pour les égyptologues modernes.
Nous sommes fondés à penser à travers le
Bamiléké que l'on peut dire que Khe'Mieh= KEMET. Cela impliquerait donc que KEMET veut dire : Les frères du
Haut Pays, ou les frères de la région haute, renvoyant à la Haute Egypte.
Le haut chez les égyptiens anciens était le bas (dans l'entendement actuel), et
le bas désignait le haut. Le haut dans l'entendement des égyptiens anciens
désignaient donc le Sud. On sait qu'ils ont toujours désignés le Sud comme le
point cardinal originel de toute leur culture et source. La signification
actuelle de Kemet voulant dire : «
le pays des noirs, ou le pays de ceux qui sont noirs, brûlés ».
KEMET avec pour signification « les frères du haut pays ou les frères de la
Haute région, Haute Egypte, correspond mieux à l'esprit et au mode de pensée
des anciens égyptiens. Un mot égyptien ancien comme un mot africain possède
plusieurs significations dont la graphie ou son « Khe » a plusieurs
significations et interprétations selon le contexte. Khe veut dire aussi
en Bamiléké : brûlé, noircir, noir, etc[5].
Deux
hypothèses différentes, datant de l'époque de la colonisation du Cameroun,
expliquent une fois de plus l'origine de ce nom. La première affirme qu'un
interprète Douala serait à l'origine du mot Bamiléké. Selon cette version, le
mot Bamiléké vient du terme "Baboté Ba leké" qui signifierait
"les porteurs de masque au visage". La seconde soutient
que le mot
"Bamiléké" vient de l'expression de la langue Foto (région de
Dschang) "Pe me leke" qui signifie "les habitants des montagnes
et des ravins". C'est cette dernière qui est le plus souvent retenue.
Les Bamilékés
forment une communauté basée dans la région camerounaise de l'Ouest et parlent
des langues semi-bantou plus ou moins proches les unes des autres (dont le
yemba, le Ghomala’, le Fe’fe’ et le Medumba)[6].
Ils représentent environ 20% de la population du Cameroun. Comme mentionné plus
haut, les langues Bamilékés présentent plusieurs similitudes avec la langue de
l'Égypte Pharaonique. Les toitures des chefferies Bamilékés sont
obligatoirement en structure pyramidale[7].
Ils sont particulièrement impliqués dans la vie économique du Cameroun et ont
émigré en masse vers les deux grandes villes camerounaises Douala et Yaoundé.
B-PEUPLEMENT
Il existe cinq
sous-groupes dialectaux bamiléké: le Ghom'a-lah (grande Mifi); le Medumba
(département du Ndé); le Fè-fèè (Haut-Nkam); le Yemba (Menoua) et le Ngombaa (Bamboutos).
Ces cinq sous-groupes sont cependant divisés en chefferie tel que nous allons
vous présenter.
Les chefferies supérieures du HAUT NKAM : Arrondissement de BAFANG
BANKA (Nka') signifie Lumière, la lumière qui éclaire les gens, qui
permet aux gens de voir.
BAFANG (Fa') vient de mfat (frère) et fut mal compris par le colon. Donc Fa' signifie frère (poomaa). Le 1er roi de bafang s’appelait DJATCHOUA (1645-1685), NGANJUI Gaston, le 11 ème et depuis 1962 KAMGA NGANJUI RENE, le 12ème.
BAFANG (Fa') vient de mfat (frère) et fut mal compris par le colon. Donc Fa' signifie frère (poomaa). Le 1er roi de bafang s’appelait DJATCHOUA (1645-1685), NGANJUI Gaston, le 11 ème et depuis 1962 KAMGA NGANJUI RENE, le 12ème.
BANFELOUK (Mvilooh) Vhi est un quartier du village Bafang. Les Vhi et
les Bafang se livraient habituellement les guerres, jusqu´à ce que les Vhi
capitulèrent et devinrent esclaves des Bafang. Un enfant du chef Vhi le nommé
Nga'bi n´a pas voulu accepter ce statut et s´est dirigé vers Lok où il devint
chef. Lok veut dire endroit plein de pierres et les gens qui y vivaient étaient
solide comme le fer. C´est ainsi que l´on les a appelé les Mvilok (les Vhi qui
sont partis s´installer sur les pierres et sont solides et durs comme la pierre
et le fer.
BANA (Nee) Bana en fe´efe´e veut dire Nee qui signifie insister, harcèlement, poursuivre, quand ils ont besoin de quelque chose.
BANA (Nee) Bana en fe´efe´e veut dire Nee qui signifie insister, harcèlement, poursuivre, quand ils ont besoin de quelque chose.
BATCHA En Bamiléké Batcha (Tcha') veut dire terre ou visiter. Tcha'
était une terre fertile. On y rencontrait beaucoup de gibier et les gens
aimaient s´y rendre pour visiter et s´approvisionner.
BANDJA (Ndjeu), Le village Fondjomekwet fait partie de Bandja. situé à l’est de l’arrondissement, le groupement que dirige le Chef KAMGA David, compte quelques 10.000 habitants, et les principales Sous-Chefferies sont : LA’ACHEU DJIFO, DEUMCHANG, TOULA, BAKOUOCHA. Le Café robusta et le Cacao sont les principales cultures industrielles de cette localité
BANDJA (Ndjeu), Le village Fondjomekwet fait partie de Bandja. situé à l’est de l’arrondissement, le groupement que dirige le Chef KAMGA David, compte quelques 10.000 habitants, et les principales Sous-Chefferies sont : LA’ACHEU DJIFO, DEUMCHANG, TOULA, BAKOUOCHA. Le Café robusta et le Cacao sont les principales cultures industrielles de cette localité
BABOUANTOU
Autres villages du HAUT NKAM : Foutouni, Fondjomekwet, Fondat, Mbeobo, Folentcha, Babouantou, Foyemtcha, Fongoli, Badounka, Babouate, Balembo, Fondjomeko, Baboutcha Nitcheu, Fonkouankem, Bafenko, Bapoungue, Fombele, Kekem, Fonti, Babone, Bassap, Fontsi, Bakassa, Bakondji, Baboutcha Ngaleu, Badoum Kassa, Fomessa I, Bakou Fotsinga, Fondjati, Bamako, Bankambe, Fopouanga, Baboutcha Fongam, Balouk.
Autres villages du HAUT NKAM : Foutouni, Fondjomekwet, Fondat, Mbeobo, Folentcha, Babouantou, Foyemtcha, Fongoli, Badounka, Babouate, Balembo, Fondjomeko, Baboutcha Nitcheu, Fonkouankem, Bafenko, Bapoungue, Fombele, Kekem, Fonti, Babone, Bassap, Fontsi, Bakassa, Bakondji, Baboutcha Ngaleu, Badoum Kassa, Fomessa I, Bakou Fotsinga, Fondjati, Bamako, Bankambe, Fopouanga, Baboutcha Fongam, Balouk.
Chefferies supérieures ou
principaux groupements NDE
BANGANTE Banganté en Bamileké Magha (je refuse) Gha'ntua' qui refuse de
se soumettre.
BANGOUA Comme Batoufam il fut fondé par un chasseur venu de Badrefam. Il est aussi peuplé des gens venus de Fongo-Tongo et de Badoundja (quartier Mvú).
BANGOUA Comme Batoufam il fut fondé par un chasseur venu de Badrefam. Il est aussi peuplé des gens venus de Fongo-Tongo et de Badoundja (quartier Mvú).
BAMENA En Bamiléke Meno ou Meneu, fut fondé par un chasseur venu de
Baloum( dans la Menoua).
BANGOULAP En bamiléké Ngoulap, est une fille de la chefferie de Bangou.
Autres villages de la NDE
BANGOULAP En bamiléké Ngoulap, est une fille de la chefferie de Bangou.
Autres villages de la NDE
Batchingou, Balengou, Bangang Fokam, Bazou, Bakong, Bahouoc, Bassamba,
Badounga, Maha, Bagnou.
Chefferies supérieures MIFI
ou principaux groupements de BAFOUSSAM
BANDJOUN En bamiléké Djo signifie acheter ou acheteur. Ce nom tire son origine de son fondateur qui achetait tout (vivres et esclaves) pour enrichir son peuple.
BANGOU Le vrai nom de ce village tel que ses habitants et ses voisins l’appellent, est Niep.
BAYANGAM (Yonguem) qui a vu les sauterelles les premiers.
BANDJOUN En bamiléké Djo signifie acheter ou acheteur. Ce nom tire son origine de son fondateur qui achetait tout (vivres et esclaves) pour enrichir son peuple.
BANGOU Le vrai nom de ce village tel que ses habitants et ses voisins l’appellent, est Niep.
BAYANGAM (Yonguem) qui a vu les sauterelles les premiers.
BAHAM (homme qui presse) et BAWANG (wang) sont des chefferies sœurs.
BAMENDJOU (Mendjo) Petit Ndjo a été appelé ainsi par un prince Baham.
BATIE' Te' : bousculer, pousser : ce groupement est appelé ainsi à cause de ses guerres avec les voisins.
BAMENDJOU (Mendjo) Petit Ndjo a été appelé ainsi par un prince Baham.
BATIE' Te' : bousculer, pousser : ce groupement est appelé ainsi à cause de ses guerres avec les voisins.
BAFOUSSAM.
Bafoussam-ville, fondé en 1926, Bafoussam-village, en bamaliké fù'sap (fù'sâ) -trésor de la tranchée. La terre à côté de la tranchée qui séparait Bamun et Bafoussam actuel était très riche. On appela cette terre, fù 'sap. Les premiers habitants sont venus de Bamun (précisément de la plaine Tikar) comme les Baleng dont ils sont frères.
Bafoussam-ville, fondé en 1926, Bafoussam-village, en bamaliké fù'sap (fù'sâ) -trésor de la tranchée. La terre à côté de la tranchée qui séparait Bamun et Bafoussam actuel était très riche. On appela cette terre, fù 'sap. Les premiers habitants sont venus de Bamun (précisément de la plaine Tikar) comme les Baleng dont ils sont frères.
BAMOUGOUM
A l’origine, ce sont quatre frères de même père qui se sont partagé le terrain. L'un prit une part qui est l’actuel Bameka, l’autre prit une autre part qui est l’actuelle chefferie de Bansoa, le troisième prit une part qui est l'actuelle chefferie de Bamendjou, et le quatrième prit la part qu’il nomma " Bamougoum “.
A l’origine, ce sont quatre frères de même père qui se sont partagé le terrain. L'un prit une part qui est l’actuel Bameka, l’autre prit une autre part qui est l’actuelle chefferie de Bansoa, le troisième prit une part qui est l'actuelle chefferie de Bamendjou, et le quatrième prit la part qu’il nomma " Bamougoum “.
BAMEKA Meka : Enfant de Ka (car le premier chef s’appelait Ka) qui se
promène. Ceux qui sepromènent.
BALENGSAM En Bamiléké (Leng sap) - le viseur ou le fort,
BALENGSAM En Bamiléké (Leng sap) - le viseur ou le fort,
Autres villages de la MIFI, du KOUNG KHI et des hauts plateaux :
Badeng, Bapi, Baleng et Bangang Fondji, Batoufam, Bandrefam.Bameka, Bangam, Bapa, Boandenkop, Bahouan.
Badeng, Bapi, Baleng et Bangang Fondji, Batoufam, Bandrefam.Bameka, Bangam, Bapa, Boandenkop, Bahouan.
Chefferies supérieues de la MENOUA
DSCHANG Le grand chef de ce village s´appelait Leke'ane Fo, chef Leké'=
abréviation de Leke´ane Le nom du village s´appelle : ATSAN. Prononciation
originale FOLEKE'ATSAN c´est á dire le chef LEKE de ATSAN, on avait prononcé
Foleke'atsan et l´européen allemand a entendu FOREKE-DSCHANG
BALOUM Loum en bamiléké veut dire colique, maux de ventre. Le premier
chef de ce groupement vint de Dschang. Les baloum sont reputés pour leur
extravagance leur esprit de corps. (Quand l´un d´eux est attaqué au marché,
c´est tous qui courent à son secours).
BAMENDOU En bamileké Mendou signifie faiblesse, maigreur. Les gens de ce village venus de Bagam sont appelés ainsi parce qu´ils passaient tout leur temps à danser ce qui était considéré comme l’occupation des paresseux et des faibles. Bien que Foladin fut le premier habitant de Bamendou, c´est son serviteur Ka'tsie un habile chasseur qui fonda le village.
BALESSING Lessing : qui a peur,qui tremble. Le fondateur de ce village un chasseur venu de Bagam reussit par ses ruses à conquérir beaucoup de terre. Les différents chefs : Tetapoua-(Foyonta)- Youta- Tegouatioc- Ngouana -Tiognin.
BAMENDOU En bamileké Mendou signifie faiblesse, maigreur. Les gens de ce village venus de Bagam sont appelés ainsi parce qu´ils passaient tout leur temps à danser ce qui était considéré comme l’occupation des paresseux et des faibles. Bien que Foladin fut le premier habitant de Bamendou, c´est son serviteur Ka'tsie un habile chasseur qui fonda le village.
BALESSING Lessing : qui a peur,qui tremble. Le fondateur de ce village un chasseur venu de Bagam reussit par ses ruses à conquérir beaucoup de terre. Les différents chefs : Tetapoua-(Foyonta)- Youta- Tegouatioc- Ngouana -Tiognin.
Les Balessing sont de même famille que les Bamendou, les batouni et les
bagam. Un proverbe Bamileké dit : " Quand un Balessing part, vous croyez
qu´il rentre. "
BANSOA En bamileke, Sâ veut dire Sorcellerie, magie. Au départ la
population était tres têtue et pratiquait la sorcellerie grâce à laquelle elle
était difficilement vaincue.
Autres villages de la MENOUA
Autres villages de la MENOUA
Baleveng, Bafou, Fokoue, Fomopea, Fotomena, Fontsa-Toula, Santchou,
Fombap, Fondemera, Foreke, Fossong Wetcheng, Fotetsa, Fongo Ndeng, Foto, Foto
Tongo, Fossong Elelem
Chefferies supérieurs ou
principaux groupements BAMBOUTOS
BANGANG (qui aime la vérité) Bangang est un important groupement du département de Bamboutos. IL donna naissance à quatre chefferies traditionnelles : Balessing, Batcham, Balatchuet, et Bamunoh.
BANGANG (qui aime la vérité) Bangang est un important groupement du département de Bamboutos. IL donna naissance à quatre chefferies traditionnelles : Balessing, Batcham, Balatchuet, et Bamunoh.
BATCHAM veut dire " Hospitalier ", souvent pendant des
guerres des gens allaient se réfugier à Batcham.
BABADJOU (dans le Bamboutos) Babadjou signifie conquis par les armes.
BAGAM En Bamiléké (Gang) -ngan (nie) (antilope) est un animal de chez
nous.
BAMISSINGUE - veut dire élastique. Ce village a été fondé par Fombu'ngong auquel ont succédé Folamawa, Fotoumatset, Fokelenkou, Konlak1.
BAMISSINGUE - veut dire élastique. Ce village a été fondé par Fombu'ngong auquel ont succédé Folamawa, Fotoumatset, Fokelenkou, Konlak1.
BAMETE (dans le Bamboutos) pà tùie' ngo' kà tso' "ceux qui
soulévent une pierre inamovible". Ils sont avec les Bamendjinda,
Bamenkombou, Bafounda, Bam endjo bamesso des enfants d’une même mère. D' après
la légende, ils rencontrèrent un jour une grosse pierre qu’ils s'efforcèrent
les uns après les autres de soulever et de déplacer. Les Bamete furent les
seuls á soulever et à déplacer la pierre.
BAMENKOMBOU Les Bmenkombou ne furent pas assez intelligents pour
comprendre les ruses de Bamendjinda. D' où leur nom de Menkombou. Frère des
chefs Bamesso et Bamete, il vint de la plaine de Ndop.
BAMESSO So' signifie instable.
Autres villages BAMBOUTOS:
Balatchi, Bamougong, Bafounda, Bamendjo, Bamen Njinda, Bamenyam, Bati,
Bamendjing.
II. ORGANISATION TERRITORIALE
Dans une chefferie, on peut dénombrer une centaine de
sociétés qui peuvent être réparties en deux ensembles : Les sociétés politico-administratives. Exemple : le conseil des neufs (M’kamvù), les sociétés guerrières ( Madjoung , les Kù’
gaing ) Les sociétés magico-religieuses
. Exemple : le conseil des sept (Mkamsombeù).
Les sociétés totémiques ; les Ku’gaing, police secrète en relation
avec les forces invisibles de la nature. Les principaux rôles de ces sociétés
sont de : Sécuriser l’individu en le protégeant par des pratiques guerrières
et/ou magico-religieuses, Assurer la promotion de l’individu; Permettre aux
chefs de bien diriger leurs populations. Tout individu peut avoir accès aux
sociétés secrètes, soit par succession, soit par mérite. Ainsi répartie, on
peut étudier ses différents acteurs en deux grandes parties : organisation
socio-politique et juridique, et organisation socio-économique.
A-ORGANISATION SOCIO-POLITIQUE
Dans cette partie,
nous nous attèlerons à présenter d’une part les principales autorités
politiques de la société bamilékés, suivies de leurs rôles respectifs dans la
société. Car La société bamiléké est régie par le principe hiérarchique. En
effet, c’est dans la hiérarchie naturelle que se trouve la source principale
des institutions bamiléké. Cette société est subdivisée en groupements dans
lesquels se retrouvent les quartiers et sous quartiers, les chefferies et sous
chefferies; tout ceci selon un ordre précis et bien défini, dans lequel chacun
a son rôle à jouer et reste à sa place sans toutefois s’interférer dans celui
de son voisin. Quel est donc l’autorité suprême du grand ouest ! Quel est
son rôle ! Qui sont ceux qui le secondent et l’assistent dans sa lourde
tâche de veiller au bon fonctionnement de son territoire et du peuple.
1. ORGANISATION SOCIO- POLITIQUE
Ici, nous nous
attarderons dans la présentation des autorités administratives et politiques du
village, ceux-là qui veillent à la protection de la société bamiléké.
-
Le
Chef ou Roi « fo » ou « feu »
Il détient son
statut exceptionnel du fait qu’il représente le fondateur de la chefferie dont
il perpétue la personne. Dans les temps
anciens, le chef d’un village détenait le pouvoir religieux et
administratif. Il était même considéré comme un dieu du village, et à ce titre,
il importait qu’on l’entoure d’un mythe d’immortalité. Il n’était pas permis de
dire qu’un chef est mort mais plutôt qu’il s’est transformé.
Le chef détient son
pouvoir des ancêtres, par conséquent, il n’a de compte à rendre à personne,
sinon à eux. Il n’est ni accusé, ni jugé, et tous ceux qui tentent d’agir
autrement sont bannis ; il est le garant de l’indépendance et de
l’intégrité du village qu’il considère comme sa propriété privée ; il est
principal prêtre du culte des ancêtres. Toutefois, il ne peut procéder lui-même
aux sacrifices (offrande d’huile de palme et de sang de chèvres), tout comme
ses fils. Il exerce cette fonction par l’intermédiaire des prêtres comme le
« Wala ka », ou des membres de la confrérie des « Kougan ».
Le chef est le
maître des associations à caractère religieux et singulièrement du
« Kougan » dont il préside les assises, il intervient pour régler le
rythme des saisons. Il est le chef de guerre, même s’il ne dirige pas
personnellement les opérations ; il intronise les héritiers des sous chefs
et des notables, il est le juge suprême du groupement et le protecteur de tous
les habitants du village ; il veille sur le patrimoine du
groupement : objets de culte, terres, biens sans maître.
Le chef peut, sans
toucher aux traditions ancestrales, prendre des mesures propres à renforcer les
coutumes. Il peut ainsi prendre soit des mesures d’ordre général, soit des
mesures prohibitives, des interdits ; il peut créer des nouvelles
institutions, prendre des mesures individuelles comme le retrait du
commandement, l’octroi d’un titre de noblesse à l’occasion de son
intronisation, ou en reconnaissance des services rendus à lui ou au village.
En raison de sa
situation privilégiée, le chef a droit au respect et au dévouement de ses
sujets (prestation en nature comme les constructions des cases de la chefferie
et en espèces, pour les membres des différentes sociétés coutumières).
Le chef bamiléké
n’est pas un homme-orchestre mais
plutôt un chef d’orchestre, cela veut
dire que ce n’est pas lui qui fait tout, mais que c’est lui qui fait faire tout : cela veut dire aussi qu’il ne
décide pas de tout, mais que rien dans son groupement ne doit se faire sans
lui, malgré lui, et encore moins contre lui. Cela veut dire enfin que les
décisions qu’il prend ne sont pas et ne doivent pas être des diktats reflétant
les caprices d’un homme seul, mais plutôt les résultats des délibérations des
différentes structures de régulation qui l’entourent. Pour ce qui est de sa désignation,
nous en saurons davantage dans la partie réservée aux rites et pratiques
mystiques bamiléké.
En un mot, le chef bamiléké détient plusieurs types de
pouvoirs :
Ø Le pouvoir économique qui est la base matérielle de tous
les autres : le chef est le propriétaire éminent de la terre, unique moyen
de production
Ø
Le
pouvoir magico religieux en ce qu’il est le plus grand prêtre magicien de
toute la chefferie ; ses « pi » dits totems sont plus nombreux
et plus puissants que ceux de tous ses sujets ; il les utilise pour
protéger son territoire et son peuple.
Ø
Le
pouvoir politique et administratif, en ce qu’il découpe le territoire en
quartiers et nomme à leur tête des chefs de quartiers à qui il délègue une
partie de ses pouvoirs ; il nomme et révoque aux diverses fonctions dans
le gouvernement central ; il crée les sociétés coutumières destinées à
l’aider et à le contrôler dans l’exercice de ses tâches, suit de près leur
recrutement qui se fait par le culte du mérite et préside les réunions. La
population lui paie en travail et en nature un impôt dont la périodicité et le
montant ne sont pas fixés, mais dépendent des besoins du chef et de l’esprit de
compétition des contribuables. Parmi les procédés qu’il utilise pour s’assurer
le contrôle de la vie politique, deux (2) sont originaux et méritent d’être
cités :
·
L’échange
de femmes avec les personnages influents de la chefferie : il leur donne
ses filles et en retour épouse les leurs ;
·
Le
renouvellement systématique de la noblesse : avant de mourir, chaque chef
désigne parmi ses enfants en même temps que son successeur, un nouveau
« miaffo », un nouveau « saa », etc. pour l’assister, et ce
sont là des personnages très influents de l’état. En outre, la coutume de
distribuer continuellement les titres de noblesses à ceux qui les demandent,
les méritent et sont capables de les payer, permet au nouveau chef de
s’affranchir très vite de la tutelle de la noblesse laissée par son père pour
s’appuyer sur celle créée par lui-même.
Ø Le pouvoir judiciaire : le chef est juge suprême de
la chefferie, il juge sans appel les causes graves que lui ont transmises les
tribunaux de quartier. En effet, le chef délègue aux chefs de quartier le
pouvoir de juger les petites affaires chacun dans le territoire qui relève de
sa compétence. C’est ainsi qu’on récence 4 degrés de jurisdiction ;
·
La
juridiction du chef de famille ou échelon de base
·
La
juridiction du chef de quartier ou juridiction du 1er degré à charge
d’appel ;
·
La
juridiction du Wala au nom du chef : il statut en premier et dernier
ressort ;
·
La
juridiction du chef qui est aussi une juridiction d’appel pour les affaires
tranchées par les juridictions des chefs de quartier ou juridiction des
notables
Ø Le pouvoir militaire : après consultation des
« mékemlevou’o » ou conseil des neuf, le chef déclare la guerre ou
conclut la paix. Il n’existe pas d’armée permanente, en cas de guerre, toute la
population mâle est mobilisée dans le cadre des « mendzong » ou
sociétés de classe d’âge. Le chef ne participe pas directement au combat, mais
il participe à l’élaboration de la stratégie à suivre ; il s’assied
derrière le front et les combattants viennent lui monter leurs trophées,
notamment les têtes coupées pour être récompensés après le rétablissement de la
paix.
Ne pouvant avoir la
mainmise sur l’ensemble de leur territoire, ils nommaient des notables qui les
remplaçaient dans les différents quartiers du village. Ce sont
donc particulièrement dans le cas de Bamena:
Ø Les neuf notables ou M’kamvù: tous des
princes à qui a été attribués un fief dont ils ont maîtres. Ces notables ont au-dessus
d’eux un super conseil des notables appelés les « nkepsoba » (les
sept notables).
Ø Les sept notables ou Mkamsombeù: qui constitue et forme le haut conseil du village, il
est vrai qu’ils ont un domaine territorial sur lequel ils exercent un pouvoir,
qui est beaucoup plus mystique que visible.
Le roi est entouré
aussi d’agents exécutifs notamment : les Waladjé (sorte d’agent public) les
Wala- ntsa’à (sorte de messager et protocole), ainsi que les serviteurs dont le
chef de fil est un Defeu, suivi de Tabeu, etc....
Justice traditionnelle : La justice traditionnelle a pu être rendue au
moyen de la torture ou de Ngwe (potion médicamenteuse à effet et pouvoir
surnaturels ou maléfiques contre les malfaiteurs), ou encore au moyen du
versement de vin de raphia sur un tombeau en proposant une sanction en cas de
mensonge ou de culpabilité. Autrefois, l’animal de vérité en cas de Ngwe était
la tortue. Après les déclarations d’innocence jurées par les parties en présence,
celle - ci se dirigeait vers le menteur et sa culpabilité était ainsi
consommée.
2. L’ENTOURAGE FAMILIAL DU CHEF (ETAT-MAJOR)
Simultanément ou
consécutivement et à l’initiation du chef, certaines dignités sont conférés à quelques-uns
de ses plus proches parents et de ses épouses
Ø Le kuipou
Il est adjoint du
chef, et est en principe le second personnage de la chefferie, d’ailleurs
désigné et initié en même temps que le chef et toujours choisi parmi ses frères
consanguins. Les attributions disparaissent avec la mort du chef. Ce titre est
hérité et les noms des chefs de quartiers relèvent qu’ils sont souvent les
descendants des kuipou des chefs décédés.
Ø La « Mafoou » ou
« Mefeu »
C’est le titre
donné à la mère du chef (qui est une épouse du chef défunt) ou à son héritière
(qui se trouve ainsi être une des sœurs du nouveau chef). Ce titre est toujours
accompagné d’un complément, le nom propre de la personne en question car on ne
naît pas « Mafo ». Il vaut à une femme la possession de terrains
particuliers, le droit de choisir son mari avec qui elle ne cohabite pas.
Elle a sa concession à part et y reçoit
ses visiteurs. Son mari ne vient qu’en visite privée dans sa concession, d’où
l’adage : « la mafo n’est
la femme de personne… ses enfants n’appartiennent qu’au mari ».
Elle bénéficie
entre autre d’un statut quasi masculin, et, en l’absence du chef, il est arrivé
que le commandement de la chefferie ait été effectivement exercé par une mafo
autoritaire.
Ø
Le « souop » et les princes et princesses
Le titre de
« souop » est réservé au premier enfant du chef né avant
l’initiation. Les deux premiers nés après l’initiation reçoivent les noms de
« Toukam » et « Pouokam » et le titre de « beuh »
lorsqu’ils sont adultes, ou de « Mafo » si ce sont des filles.
Le « souop »
est l’objet d’une considération particulière ; il est membre de sociétés
importantes et le titre est héréditaire. En général, le statut des enfants du
chef est caractérisé par l’immunité dont ils jouissent dans le groupement.
S’agissant des
garçons, le chef n’avait pas le droit de mort sur eux même en cas d’adultère
avec ses femmes ; il ne pouvait qu’ordonner qu’on les chasse du village
après les avoir dépouillé de tout. Ils sont exempts des « plaidoiries sur
tortues » et certaines ordalies. En dehors des règles coutumières que nul
ne doit violer, ils ont toujours raison et ne peuvent être choisis comme
serviteurs ; ils sont exclus des réquisitions de mains d’œuvre tout comme
leur descendance mâle. Quant à la fille du chef, elle ne peut être vendue quel
que soit la faute commise ; elle ne peut qu’être vendue à son père.
Jusqu’à son mariage, elle est placée sous la surveillance d’un
« Tsofo » ou serviteur. Quel que soit le cours de sa vie, elle ne
peut être une célibataire, le chef lui trouvera toujours un mari, même contre
sa volonté.
Les filles et les
fils du chef ne quittent pratiquement jamais la famille ; les premières
femmes ou d’autres épouses des fils du chef sont données par ce dernier. Il
exerce la puissance paternelle sur les enfants issus de ces mariages car tous
ces enfants lui appartiennent. Le chef tire d’eux, tous les avantages qu’’un
père peut tirer du mariage de ses propres enfants.
De même les cadeaux
versés pour sa fille, ne sont pas considérés comme une dot, ce qui permet au
chef de pouvoir toujours la revendiquer. Les premières filles issues de tels
mariages appartiennent au chef et sont considérées comme ses filles.
C’est lui par
conséquent qui les donne en mariage ; ses fils ont leurs associations
particulière (ngnie) qui regroupe également leur descendance mâle et tient ses
assises à la chefferie. Ils ont les membres d’autres sociétés traditionnelles,
mais doivent au préalable s’acquitter des droits d’entrée.
Ø Les femmes du chef
Elles font l’objet
d’un grand respect ; par exemple : on ne s’assoit pas sur le lit avec
la femme du chef, ni sur son tabouret. Lorsqu’on la croise sur son chemin, on
lui cède la voie sans la toucher, ni la regarder de face. Elles ont le droit de
payer une dot au père d’une jeune fille, choisie par elles comme épouse d’un de
leurs fils avant de soumettre le projet au chef qui ne fait qu’entériner. Le
revers de la médaille, c’est qu’elles encourent des peines graves en cas de
fautes. Exemple : en cas d’adultère, elles sont purement et simplement renvoyées
du village.
De toutes les
femmes du chef, quatre sont liés à son règne, et quittent automatiquement la
chefferie à sa mort : (en prenant l’exemple de Batoufam, il s’agit de)
·
Mehewe-guep :
1ère épouse ; elle commande le grand quartier de femmes
·
Djuikam :
2ème épouse qui commande le petit quartier de femmes
·
Mekouokam :
elle seconde mehewe-guep au grand quartier de femmes
·
Mebekam :
elle seconde djuikam au petit quartier de femmes
B-ORGANISATION SOCIO-ECONOMIC
Avant l’arrivée des
Européens, n’importe quel village Bamiléké avait la possibilité et le loisir de
faire du commerce. Les échanges étaient en effet les seuls moyens de se
procurer les biens qu’on ne produisait pas. L’économie était dominée par le
commerce et l’agriculture, deux domaines très étroitement liés.
1. LE COMMERCE
Bien que les chefs de village, les
grands notables, et leurs épouses ne se livraient pas directement
(personnellement) aux activités sociales (à cause du prestige de leur rang
social), c’est pour eux que s’effectuaient les échanges les plus rémunérateurs
comme les ventes d’objets de valeurs tels que les peaux de fauve, le batik, les
costumes de danse, l’ivoire, les sièges sculptés, etc. Dans les chefferies, les
serviteurs dévoués faisaient le commerce pour le compte. Quant aux notables,
ils faisaient appel à des proches ou à des « garçons de marché »
appelés « nsepnta » pour écouler les marchandises qu’ils voulaient
vendre. En tant qu’intermédiaires, ils venaient périodiquement faire un rapport
de leurs activités et remettre leurs gains ou des objets d’échanges sollicités.
En contrepartie, après un certain temps, ils pouvaient recevoir en titre de
gratification par leur maître soit une femme, soit une petite fortune pour
continuer à leur propre compte ; les jeunes recevaient généralement des
terres où ils s’installaient.
M. Sourmies, dans
son mémoire sur l’émigration Bamiléké dans le Mungo, déclare : «…le
Bamiléké est un commerçant né. Dans son pays, il commence à fréquenter le
marché, empaqueté sur le dos de sa mère. Il y revient plus tard pour vendre des
poulets, des cochons et, c’est tout juste s’il n’y meurt pas »[8]. C’est dire que les Bamiléké ont appris très tôt à
commercer, principalement parce que le commerce une activité capitale pour eux
à cause de la pénurie des terres de cultures qui touchait nombre de leurs localités.
La place du
marché : L’analyse de la
carte de M. Moisel de 1912[9] révèle la présence dans de nombreux villages Bamiléké,
de plusieurs sites de marché. Ex : 3 à Bazou et Bandjoun, 2 à Balengou et
à Bana, etc. Cette présence notoire se justifie par le souci d’autonomie des
quartiers des localités, l’importance démographique de certains quartiers, mais
aussi la volonté des Bamiléké à être proches des zones d’échanges.
Avant
l’implantation européenne, la chefferie était le seul endroit de rassemblement
de la population (forte densité de la population). Les marchés des chefferies
se tenaient sur la grande place où se pratiquaient habituellement les grandes
coutumières. Cette place est généralement précédée d’une porte monumentale avec
un toit couvert de paille. Le fait que la chefferie soit proche des marchés
était une garantie de sécurité, car les serviteurs qui surveillent la chefferie
pouvaient intervenir sur le marché pour assurer la police. Le marché est un
espace organisé avec ses institutions et ses règles, que chacun des
intervenants, vendeurs, artisans, etc., maîtrisent et appliquent selon un ordre
irréversible et permanent. Le marché commence au lever du soleil, vers 6 heures
du matin. Vers midi, il commence à se décanter, et se vide habituellement vers
3 heures de l’après-midi. Les marchés Bamiléké sont un cadre où l’on découvre
les ressources, les goûts, le mode de vie et le tempérament de la population,
bref la vie profonde du pays. En effet, les hommes et les femmes s’en vont au
marché pour prendre des nouvelles, se retrouver, parler entre eux. Comme
exemples d’anciens pôles de commerce importants en région Bamiléké, nous avons
les marchés de Bandounga, et de Bazou au Sud-Est de la région, le pôle
Fopuvanga, Fotsinga, Fondjanti, Bakoudji et Bakou au Sud-Ouest, etc.
2. LE CALENDRIER BAMILEKE
En Août 1974, les notables venus de tous les quartiers au
cours de leur assemblée hebdomadaire de « LI’NKAP », ont eu à
se pencher sur une proposition des noms des douze mois de l’année. A la fin
d’un débat houleux, voici ces noms de mois en Bamena traduits en Bamiléké
Medumba (Bagangté) depuis 1976 :
MOTS EN FRANCAIS
|
MOTS EN ANGLAIS
|
MOTS EN BAMENA
|
SIGNIFICATION
|
JANVIER
|
JANUARY
|
MOU’NKA
|
Feu de
brousse
|
FEVRIER
|
FEBRUARY
|
NKA’NGNEU
|
Labour et formation des sillons
|
MARS
|
MARCH
|
NTI’ZUE
|
Semence
|
AVRIL
|
APRIL
|
TCHIE’NO
|
Mise des animaux en enclos
|
MAI
|
MAY
|
SOU’NGNO
|
Sarclage,
désherbage
|
JUIN
|
JUNE
|
NWA’NKOU
|
Légumes (feuilles de haricot ou coki)
|
JUILLET
|
JULY
|
NJUSSE’ZUE
|
Premiers
produits champêtres
|
AOUT
|
AUGUST
|
TCHO’ZUE
|
Récolte des produits des champs
|
SEPTEMBRE
|
SEPTEMBER
|
NTSE’ZUE
|
Séchage
des produits
Récoltes
|
OCTOBRE
|
OCTOBER
|
TOUN’NDIOH
|
Déterrage
des tubercules d’igname
|
NOVEMBRE
|
NOVEMBER
|
SOUGNO’NDONG
|
Désherbage des champs des paresseux
(effet de 1ère chaleur)
|
DECEMBRE
|
DECEMBER
|
MENENGWE
|
Joli oiseau migrateur à la queue en forme
de faucille
|
Les
marchandises : Les
ressources de départ des Bamiléké dans le commerce se constituaient surtout des
produits de leur région. Dans ce terroir à prédominance agricole, les échanges
étaient essentiellement basés sur l’exploitation du bétail domestique, des
ressources agricoles et des produits de l’artisanat.
Les denrées
alimentaires : Dans chaque
groupe, on pratiquait l’agriculture avant tout pour les besoins de consommation
familiale. Une partie des récoltes était cependant échangée contre des produits
dont le groupe ne disposait pas. Comme denrées
alimentaires :
Ø
Le
maïs, l’arachide, l’igname (en particulier l’igname blanc « Nkououbaya »),
le plantain, la banane, produits à Bafoussam, Bandjoun, Baleng, Bapi,
Bamougoum, ainsi que d’autres villages des départements de la Mifi, Menoua, et
Bambouto.
Ø
Les
cultures sèches (haricots, pois, patate douce, etc.), et plusieurs variétés
d’ignames (les ignames à chair jaune « ndio » par exemple)
Ø
Les
fruits tels que le fruit noir, le safout ou prune, la kola, la noix de palme et
les condiments
L’artisanat chez
les Bamiléké : L’artisanat Bamiléké est l’un des plus florissants au
Cameroun. Rares sont ceux qui dans les villes Bamiléké, ne savent pas produire
un objet de leurs mains :
Ø
Pipes,
vaisselle en argile (marmites, récipients à eau, écuelles), produits à
Bamougoum, Baleng, Bapi, Bameka, Bamendjou, Bansoa.
Ø
Les
objets de forge tels que les houes, les plantoirs, les coupe-coupe, haches,
couteaux, flèches, pièges, produits à Bandjoun, Bana, et des villages compris
entre Bazou et Bandoumga.
Ø
Les
objets en bois d’usage courant comme les tabourets, la vaisselle, les pilons,
mortiers, tam-tams, etc., fabriqués à Bandjoun, Baleng, Badenkop, Bayangam,
Bangou et Bafou.
Les produits de
l’échange : Bien que la place de l’élevage dans les échanges et le
commerce semble modeste, ses produits faisaient l’objet d’un commerce
important :
Ø
La
chèvre, bétail le plus répandu, dont les os, les cornes et les peaux étaient
utilisés dans les secteurs artisanaux comme la literie, les instruments de
musiques
Ø Les
porcs, notamment à Dschang
Ø La
volaille
Le poulet et la chèvre sont également en dehors de
marchandises, des moyens de thésaurisation des richesses. En ce qui concerne
l’élevage, les hommes s’occupent du bétail, et les femmes de la volaille.
Le commerce des
esclaves : Cet événement présente des zones d’ombre en ce qui concerne les
Bamiléké. Les premières sources d’information écrites sur les esclaves Bamiléké
proviennent de l’étude linguistique réalisée autour de 1854 par le Révérend
S.W.Koelle[10].
Des
expressions de langage courant à
l’instar de « suis-je ton esclave ? », des attributs devenus des
noms de personnes comme « Fokwo » qui signifie chef, maître des esclaves,
sont la preuve de ces faits anciens. De nombreux villages Bamiléké étaient
impliqués dans la traite des esclaves :
Ø
Les
villages de la périphérie Sud du plateau : Bandounga, Bazou, Batcha,
Bana,…
Ø
Bagangté,
qui allait vendre à Bazou
Ø Bangoulap,
Fondjomekwet, Bamendjou
Chez les Bamiléké, la réussite économique individuelle ne
suffit pas à elle seule à assurer le prestige social. Elle doit être complétée
par une participation active aux institutions sociales. C’est en effet, à ce
niveau institutionnel de la communauté villageoise que les leaders se trouvent
consacrés dans leur promotion économique et sociale. Par exemple, un planteur
de médiocre réputation, qui postulerait la responsabilité d’une fonction sociale
importante, se verrait accusé de « faire de la politique ». Le
planteur, dont on connaît la réussite personnelle, se doit d’être le premier à
cotiser lorsqu’un deuil atteint un membre du village, quand il faut organiser
l’accueil d’une personnalité administrative, ou encourager l’équipe de
football. La générosité du planteur aisé ne sera pas une exhibition
égocentrique de sa richesse, mais essentiellement la preuve de l’intérêt qu’il
porte aux événements communautaires. Un tel planteur sera alors sollicité pour
présider le « bureau » d’une association. Ce transfert de la réussite
économique à la prise en charge de fonctions institutionnelles à l’intérieur de
la communauté villageoise explique le militantisme des pionniers : « dans chaque village, j’ai pu constater
le fonctionnement effectif de nombreuses institutions qui, dans d’autres
régions, restent souvent à l’état de simples organigrammes. », a déclaré
J.C Barbier, un chercheur, dans son étude sur les sociétés Bamilékés, intitulé Etude régionale à partir d’un cas
particulier[11].
I. LA CULTURE EVENEMENTIELLE CHEZ LES BAMILEKES
A-LES FONDEMENTS DU MARIAGE
Le mariage chez le Bamiléké n’est pas un contrat entre
deux personnes, mais entre deux familles, deux sociétés, deux peuples, avec
pour exécutants un homme et une femme qui ne sont pas consultés. Donc une femme
épouse une famille et non un homme, mais elle vivra maritalement avec un seul
membre de cette famille. Un homme épouse la famille qui lui a donné la femme,
mais ne vivra maritalement qu’avec sa femme.
La famille se comprend ici au sens de la large famille
africaine contrairement à l’assertion biblique «.L’homme quittera son père et
sa mère pour s’attacher à sa femme» (Genèse 3, verset 24), c’est la femme qui
quitte ses parents pour rejoindre la famille de son époux. Mais c’est cette
dernière qui ira demander la main de la femme à sa famille, et pas le
contraire. Les futurs époux n’ont pas besoin de se connaître avant. Ils
apprendront à le faire pratiquement. Par contre, la fille peut connaître et
apprécier certains membres de sa future
belle-famille par leur présence fréquente dans la concession et leur
gentillesse, mais sans soupçonner les causes profondes de tant de générosité,
d’autant plus qu’elle a parfois plusieurs sœurs et demi-sœurs. Ce sont les
familles qui garantissent les liens de mariage.
Le but du mariage est aussi d’avoir[12] un compagnon attentionné
et agréable à vivre, une femme docile et généreuse, un mari fort et respecté.
Fécondité et caractère sont les deux principaux critères de fiancés. La base de
l’information est la mère de la fille et sa famille. Si elle a fait beaucoup
d’enfants, sa fille fera autant. Si elle a un bon caractère, si elle est
travailleuse, on choisit ses filles les yeux fermés, parce que quelqu’un la
connaît bien, espérant qu’elles ressembleront à leur mère. C’est pourquoi, il
est difficile d’accepter une fille dont on ne connaît pas les parents. Le physique n’est pas un critère de choix.
1. LA PREPARATION AU MARIAGE
La préparation au mariage diffère selon qu’on est garçon
ou fille.
a. LA PREPARATION DU MARIAGE CHEZ LE GARÇON
Le garçon dort dans la case de sa mère, mais se
forme à l’école de la vie auprès de son père qu’il accompagne dans ses tâches
quotidiennes. Il apprend en observant, en aidant à faire et en faisant. Il
subit des tests d’intelligence. Par exemple, quand on est entrain d’attacher
quelque chose (clôture, case, bois) et qu’une liane se coupe, on l’envoie chez
un parent prendre le sac où on met les bouts de lianes coupées ou encore on
peut l’envoyer prendre la poire à chien. Ce dernier peut l’envoyer chez un
autre, ainsi de suite jusqu’à ce qu’il comprenne ou que quelqu’un lui dise que
ces choses n’existent pas. Il devient un homme dès qu’il peut faire ce que le
père fait. Mais le premier acte de préparation du garçon au mariage est la
circoncision.
On ne lui parle pas des relations sexuelles. Dès qu’il en
prend conscience, il ne doit plus dormir chez sa mère. Il fait une extension de
la case maternelle pour en faire son habitation. C’est la deuxième étape car
c’est une malédiction qu’avoir une relation sexuelle dans la maison parentale.
Cette étape est fonction de la taille de l’enfant et de son degré
d’intelligence et non de son âge. Une fois qu’il a intégré sa case à côté de
celle de sa mère, son père lui délimite une portion de terrain qui sera sa
concession, ou l’envoie en demander au chef de quartier. L’enfant commence par
y faire une clôture et le faire cultiver. Le père le presse d’y construire une
case. Une fois la case terminée, on peut lui trouver une femme.
b. LA PREPARATION DU MARIAGE CHEZ LA FILLE
La fille se forme en compagnie de sa mère qui devient son
professeur, sa conseillère et sa confidente. Elle apprend tout ce qu’une femme
doit savoir et faire, particulièrement à s’occuper de l’enfant et de la maison.
Dès qu’elle peut préparer toute seule des mets comme le « nkwi » et le taro,
elle est prête pour le mariage. La préparation de ces mets nécessite
l’identification et le dosage de douze condiments dans la calebasse de
conservation. Alors elle pourra se marier dès qu’elle aura ses premières
menstruations[13].
Une fille commence à devenir femme quand ses seins
commencent à prendre forme. S’ils poussent trop vite alors qu’elle est toute
petite de taille, on les masse pour freiner la croissance et lui laisser le
temps de grandir un peu. Si elle n’a pas vite grandi en corpulence, on la met
dans le « ndjak », sorte de quarantaine pendant laquelle elle ne sort que pour
les besoins naturels essentiels. Elle se nourrit et se repose. Pendant cette
période, on l’enduit d’une pâte végétale rouge appelée « ppe » qui nourrit les
cellules et accélère la croissance. Cette pâte serait plus efficace que les
masques d’argile utilisés par les femmes aujourd’hui pour les visages. Le «
ndjak » transforme une fille maigrichonne en une fille potelée et charmante. Ce
n’est qu’exceptionnellement qu’une même fille subit deux cures de « ndjak ».
Après cette étape, les demandes en mariage commencent à affluer.
2. LE MARIAGE : DES FIANÇAILLES A LA VENUE DU BEBE
a. LES FIANÇAILLES
Afin de choisir la meilleure femme pour son enfant, c’est la famille du
garçon qui va vers celle de la fille. Mais il y a aussi d’autres moyens de
trouver une promise :
Ø
Entre amis, une famille peut «se
réserver» une fille sans avoir choisi lequel de ses fils l’épousera.
Ø
Si la femme d’un ami est
enceinte, il est possible de lui demander la main de son enfant avant qu’il
naisse.
Ø
Lorsqu’une fille naît en présence
d’un visiteur, c’est un présage. Ce visiteur doit alors saisir sa chance et
considérer l’enfant comme sa fiancée. Il lui rendra régulièrement visite et la
couvrira de cadeaux pour entretenir une relation continue avant de décider s’il
y aura une union.
Ø
Si la femme accouche alors
qu’elle est dans un magasin, c’est pareil. Le patron peut se réserver le droit
de demander l’enfant en mariage.
Ø
Si deux pères sont amis, ils
peuvent décider d’unir leurs enfants.
Quelle que soit la méthode de choix, une fois l’accord conclu entre les
deux familles, les fiancés se rencontrent enfin le fiancé se rend chez sa
promise et il lui est présenté par le père de celle-ci. C’est à ce moment que
l’on va discuter de la dot et indiquer au futur marié quels membres de la
famille il doit officiellement rencontrer. C’est le rite des passages obligés.
Cette action consiste à se rendre chez les membres influents et à leur offrir
des cadeaux précis en fonction de leur place.
Ø
le père de la fiancée : une
grande calebasse d’huile, une petite calebasse d’huile, deux fagots de bois,
un sac d’ébène, un sac d’arachides décortiquées, et de l’argent[14].
Ø
la grand-mère maternelle de la
fiancée : une houe, un paquet de plantain préparé avec de la viande tournée à
l’huile rouge, une calebasse d’huile et de l’argent pour ouvrir ‘’ le paquet de
plantain’’. L’huile offerte est partagée par les coépouses de la grand-mère.
Ø
la grand-mère paternelle de la
fiancée : une houe, un paquet de plantain préparé avec de la viande tournée à
l’huile rouge, une calebasse d’huile et de l’argent pour ouvrir ‘’ le paquet de
plantain’’. L’huile offerte est alors partagée par les coépouses de la
grand-mère. Si la promise vit chez des oncles et/ou des tantes, le marié se
doit de leur rendre visite[15].
Entre ces visites, le fiancé a eu le temps de faire connaissance avec sa
belle-famille et se doit donc de l’entretenir
(Tabac pour le beau-père, bois pour la belle-mère, et participation
physique à la réparation saisonnière ou annuelle de l’habitation, ainsi qu’aux
récoltes.)
Ø La
concrétisation des fiançailles
Lorsque la famille du fiancé décide qu’il est temps de procéder à l’union,
celle-ci se rend chez le père de la promise. Elle lui offre alors deux
calebasses d’huile. La première pour la consommation du père, la seconde pour
bénir la jeune fille. Le mariage
sera alors bientôt célébré.
Ø La
cérémonie de marriage
·
Chez les Bamilékés, la jeune
fille se marie selon la même procédure que sa mère. Le style de cérémonie se
transmet donc de génération en génération. Il existe par conséquence différents
types de cérémonie selon les familles
·
La fuite : La jeune fille
s’enfuit pour rejoindre sa belle-famille. La fuite est plus ou moins organisée
car on lui demande de transmettre un message ou d’apporter de la nourriture.
C’est la cérémonie qui coûte le moins cher.
·
Le piège : Il consiste à
attraper la jeune fille. Après les fiançailles, la famille du fiancé débarque
«à l’improviste» chez la jeune fille et fait semblant de l’enlever. En réalité,
les deux familles ont convenu d’un jour, seule la jeune fille n’est pas au
courant.
·
la méthode classique : C’est
la méthode la plus calme et la moins théâtrale et la plus utilisée chez les
bamilékés. La fiancée est conduite par sa famille chez son promis, et une
cérémonie est organisée pour voir si le garçon reconnait sa future femme au
milieu de plusieurs femmes qui lui sont présentées tour à tour Cette
procédure est la plus chère car la famille du fiancé doit accueillir celle de
la jeune fille.
Quelle que soit la cérémonie, elle sera suivie par une fête entre les deux
familles. Au programme, repas, chants et danses. La dot chez les Bamilékés est l’ensemble des cadeaux que le futur marié
offre à la famille de sa femme. Pendant la cérémonie, il est toujours précisé
que la dot ne représente pas un achat de la femme. Il s’agit simplement de
cadeaux apportés à la famille de la femme pour la remercier d’avoir dignement
élevée la future épouse et de sceller l’alliance entre deux familles. C’est
aussi la preuve que le jeune homme est capable de subvenir aux besoins de sa
famille. Les cadeaux sont généralement des tissus traditionnels, les aliments
(huile, sel, viandes de brousse, vins et alcools traditionnels…).
b. LA CONCEPTION DE L’ENFANT CHEZ LES BAMILEKES
Chez les Bamilékés,
la naissance est vue comme étant une bénédiction. En effet, la venue d’une
nouvelle vie est considérée comme étant la réincarnation de la vie d’un de ses grands-parents
qui, si l’opportunité se trouve, aura l’occasion et l’honneur d’enseigner et de
voir face à face l’être humain qui deviendra sa continuation dans le Monde
Céleste. De ce fait et pour cela, les Bamilékés donnent à leurs enfants à leurs
enfants les noms de leurs parents sachant qu’un jour, un d’entre eux succèdera
à leur défunt parent après qu’ils en aient eu la succession si c’est la volonté
de Si, l’Être Suprême chez les Bamilékés. Lors de la naissance, le cordon
ombilical de l’enfant qui le lie à sa mère est coupé et est enterré dans la
concession de sa mère dans un lieu gardé secret afin que s’il arrive du mal à
l’enfant, des rites soient faits en ce lieu pour la protection la protection de
l’enfant, pour « Kuit’sa », comme on le dit en Pays Bamiléké dans la
région linguistique « Ghomala » qui comprend les Royaumes
Traditionnels de Baham et de Bandjoun.
Ensuite, afin de
couronner la naissance, les membres de la famille sont invités et on mange du « Nkui »,
du « Tchouk », du « Fufu », du Taro et du Koki et on boit
du Vin de Palme, les 5 mets principaux Bamilékés et la boisson traditionnelle
principale du Pays Bamiléké. Si l’opportunité se trouve et surtout si la
naissance est célébrée en Pays Bamiléké, un « Kamsi » est appelé pour
verser de l’huile rouge et du sel de mer en prononçant les prières en langue
Bamiléké. S’il s’agit du fils d’un notable ou d’une notable ou de deux
notables, le ou les notables en question doivent accomplir des rites : le
père doit donner une chèvre en sacrifice après avoir prié sur l’animal pour se
pardonner de la vie qu’il donnera en sacrifice et en priant Si durant le
sacrifice et pendant la préparation de cette viande, qui s’appelle
« Bap » dans le Royaume Baham. Cette vie symbolise celle de l’enfant
qui, si le sacrifice n’aurait pas été fait, aurait été tué mystiquement par les
pratiquants du « Famla », ou sorciers de Baham. Cette offrande
animale est aussi une demande du Père de s’occuper de l’enfant avec le respect
envers la tradition des Ancêtres. Après ce rite, la femme doit préparer des
mets pour sa famille maternelle afin de la remercier pour l’éducation et la
santé qu’elle a reçue et qui lui ont permis de mettre au Monde une nouvelle
vie. Si l’enfant est un fils de Nobles, il est présenté au Roi aux alentours de
l’âge de 7 ans pour recevoir la bénédiction des Ancêtres. Une cérémonie
particulière est aussi prévue pour les enfants de Nwala, lesquels sont les Serviteurs
du Roi. Ils sont le plus souvent initiés aux rites de la Cour afin de pouvoir,
eux aussi, servie le Roi aussi bien que leurs parents. En ce qui concerne les
enfants de « Kamsi », lesquels sont les Notables de Dieu, ils sont
présentés aux Lieux Saints pour devenir, comme leurs parents, des guérisseurs,
des voyants et des gardiens de la tradition communément appelés Chamanes dans la littérature
contemporaine. Ensuite vient le rite de la circoncision, qui sont le plus
souvent pratiqués dans l’enfance mais peuvent l’être dans l’adolescence. Il est
souvent pensé qu’un enfant Bamiléké non circoncis ne peut pas faire l’amour.
Les Bamilékés ne pratiquent pas l’excision et ces rites mentionnés ici peuvent
varier d’un Royaume à l’autre mais, d’une manière générale, ils sont communs
dans les plus de 100 Royaumes Bamilékés qui se trouvent dans le Tiers-Monde.
Il est essentiel
pour un Bamiléké d’accroître la population de son village, c’est-à-dire
d’engendrer de nombreux enfants et de former un lignage qui se perpétuera de
génération en génération. La fécondité est ainsi l’un des signes marquant la réussite personnelle, car pour entrer
et progresser dans les sociétés traditionnelles, “il faut avoir beaucoup de
femmes, beaucoup d’enfants, beaucoup de biens”[16]. De plus, puisqu’il est important de faire durer le plus
possible le lignage crée, tout
adulte fondateur de lignage aura intérêt à avoir de nombreux enfants males,
afin d’augmenter la probabilité d’en avoir un qui ait suffisamment de qualités
pour lui succéder valablement à sa mort. Pour l’homme bamiléké, la fécondité
apparait donc comme un moyen d’affirmation de soi au sein de la société et une
voie d’entrée dans la cosmogonie puisqu’il est important pour lui d’avoir des
descendants qui lui feront des sacrifices après sa mort. Seulement, une
descendance nombreuse ne représente
pas un objectif absolu, mais plutôt un moyen d’accroître la probabilité d’avoir
un héritier valable de sexe masculin. Il ne faut cependant pas oublier
l’importance économique d’une famille nombreuse. La relation entre fécondité et
statut de la femme en pays Bamiléké est
essentiellement liée au culte
des ancêtres et à l’héritage. Ainsi, en cas de
stérilité définitive, la femme n’aura pas droit au sacrifice après sa mort ; son crâne ne sera pas
recueilli, parce qu’on considère qu’elle aura vécu pour rien. Dans une famille
polygamique, la femme est d’autant plus valorisée aux yeux de son mari qu’elle
est féconde, puisque les enfants sont indispensables à la visibilité, au
prestige social du mari. Ce sont donc les femmes qui sont responsables de la
qualité de la succession de leur mari. La femme dont le fils est désigné comme
successeur du mari acquiert ainsi une position supérieure par rapport aux
autres, puisqu’elle aura donné naissance au “meilleur’’ d’entre les enfants du
chef de famille. Ce statut particulier des mères de successeurs est illustré
par la position des mères de chef (“mafo”), qui reçoivent du chef une portion
de terre, un champ de bambous et quelques filles de serviteurs à marier sous le
régime “ta nkap”, et président dans leurs quartiers les sociétés de femmes[17].¨
En l’absence d’un système patronymique, le papa possède en principe le
droit de donner à son enfant le nom de son choix. Cette liberté est cependant
tempérée par plusieurs exceptions liées aux statuts des enfants, au jour de
leur accouchement et aux évènements survenus avant ou pendant leur naissance.
Les exemples choisis chez les Bandjoun pour l’illustrer ne sont pas
généralisables à l’identiques chez toutes les tribus bamiléké mais ils
permettront de mieux éclairer le principe de base unanimement admis chez les
Grassfields.
Les noms dictés par les conditions
particulières de naissance :
Nous rangeons dans cette catégorie les jumeaux, les enfants qui les
suivent immédiatement dans la lignée maternelle et les enfants arrivés en
position de siège au moment de leur venue au monde
Dans le cas des jumeaux, le premier dans l’ordre d’arrivée reçoit un
nom royal commençant par « Fo » (roi) tel que Fokam, Foba, Fotso,
Fotué ou tout autre nom ayant appartenu à un roi de la dynastie régnante ;
Le second dans l’ordre d’arrivée portera un nom prélevé dans un
répertoire de noms se terminant par « gne » qui signifie jumeaux.
Ce principe connaît cependant une dérogation quand les deux nouveau-nés
sont de sexe différent, la primauté du rang et donc du nom revient toujours au
bébé garçon même s’il a été accouché en deuxième position.
Dans la communauté Bandjoun, les noms les plus couramment affectés aux
deuxièmes bébés jumeaux sont Tuemgne, Nemgne pour les garçons et Gueamgne,
Nghomgne pour les filles.
Tous les enfants qui naissent dans la lignée maternelle immédiatement
après les jumeaux sont supposés avoir une puissance comparable à celle de leurs
aînés, afin qu’on puisse les identifier très rapidement et leur accorder le
respect dû à leur statut, on les désigne également par des noms particuliers
qui signifient : celui qui talonnent et couvre les jumeaux. Appartiennent
à cette catégorie les noms comme Kengne, Talla, Mela, Kuaté, Bakam. Ce n’est
qu’au moment où la maman des jumeaux donne naissance elle-même à un ou une
« Kegne » que la cascade des pseudos jumeaux est suspendue en
attendant que de nouveaux bébés jumeaux viennent la relancer.
Parmi les enfants dotés de pouvoir surnaturels, les bamiléké rangent
aussi tous les enfants arrivés au moment de l’accouchement par le siège, s’il
s’agit d’une fille, on l’appellera « Metchum » (celle qui atterrit
par les pieds), dans le cas contraire, il se nommera « Tachum » ou
« Tchumtchoua » (celui qui atterrit par les pieds).
Le premier enfant du roi né après les neuf mois d’initiation dans le
La’akam porte automatiquement soit le nom de « Tou’kam » (trophée de
La’akam) ou celui de « Pouo’kam » (trésor du La’akam).
Les
noms dictés par le hasard du calendrier ou les évènements particuliers :
Un enfant de sexe féminin né le « dzedze », jour de la
semaine réservé à la réunion hebdomadaire du puissant groupe de
« Djie » (principal groupe religieux du groupement) portera le nom de
« Djuidje » ou l’épouse de Djie. Un enfant né le jour de la mort de
son père sera « Tienoue » (jour du malheur), si par contre il naît
après le décès de son géniteur, il sera plutôt « Famdie » (la maison
moisie à cause de l’absence de chaleur paternelle)
Cas
spécifique des premiers nés :
Si le premier enfant de la famille ne tombe pas dans les cas
d’exception précités, il est fortement conseillé de lui donner le nom du
grand-père paternel s’il s’agit d’un garçon et de celui de la grand-mère ou de
l’arrière-grand-mère paternelle dans le cas d’une fille. La galanterie commande
au mari de rendre la politesse à la maman lors du second accouchement, le
deuxième enfant de la famille a donc toutes les chances d’être le grand-père
maternel s’il est de sexe masculin ou la grand-mère maternelle dans le cas
contraire. Il est arrivé que certains maris plein de délicatesse, offrent à
leur tendre épouse de disposer du nom de leur premier bébé, il est bien entendu
que cette règle ne vaut que si les grands-parents de l’enfant n’ont pas été en
leur temps des jumeaux ou leur second.
Les autres cas :
Quand tous les cas spéciaux sont réglés, le papa gère à son gré les
noms des enfants à venir. C’est l’occasion pour le couple d’exprimer son estime
aux oncles, aux tantes et aux amis. Il faut par conséquent procréer au maximum
pour pouvoir payer sa dette de reconnaissance aux multiples relations, il est
de bonne convenance pour l’ami ou le membre de la famille ainsi distingué
d’offrir à la maman de l’enfant du sel, de l’huile, du bois de chauffage ou tout
autre cadeau de son choix, l’homonyme doit à l’avenir au bébé et à sa famille
beaucoup d’affection et de considération.
Par ce truchement, les liens sociaux se développent et
s’affermissent, il ne serait pas excessif de trouver dans la pratique de l’homonymie
l’une des causes cachées de la surpopulation du pays bamiléké et du succès que
la polygamie y connaît.
Chaque nom est chargé de puissance susceptible d’influer sur le
tempérament de celui qui le porte, les parents caressent le rêve que leur
progéniture hérite des qualités de leur homonyme, on comprend pourquoi certains
noms de valence négative connaissent très peu de succès et finissent même par
disparaître, à l’inverse, les noms ayant appartenus aux rois et aux personnages
illustres font fureur.
Dans la catégorie des noms qui font rarement des émules, il y a
des « noms messages » par lesquels les parents implorent la
protection, l’arbitrage ou la mansuétude de Tchiépo pour les injustices et les
malheurs dont ils sont victimes dans la société.
« Nji Lo » (l’envie de
pleurer) : résume une vie pleine de déception et de malheur mais qu’il
faut accepter avec philosophie dans l’espoir que les jours à venir seront
meilleurs. Ce nom est particulièrement prisé par les mamans qui ont perdu à la suite
plusieurs bébés ou des enfants en bas âge. Les bamiléké sont convaincus que la
supplique, implicitement contenue dans ce nom (ou à ceux qui en tiennent lieu
dans d’autres villages) réussi toujours à émouvoir les dieux et à arracher leur
clémence.
« Noue Ntoung » (le secret) : marque le tourment d’un cœur
oppressé par un lourd secret mais qu’une obligation morale interdit de trahir
« Noue tack die wa » (qui est à l’abri des soucis) : conseille
de dédramatiser les malheurs qui nous arrivent, c’est une invitation à rester
positif devant l’adversité de la vie, du moment où les soucis de la vie sont la
chose du monde la mieux partagée, Dieu sait quelle charge peut supporter chaque
épaule et personne n’est sûr de pouvoir porter le fardeau des autres.
« Tchum mo » (le confident) : est un avertissement adressé aux
esprits véreux prompts à sacrifier l’amitié sur l’autel des calculs égoïstes.
« Poné » ou « Néabo » (la haine gratuite) : stigmatise
l’instinct de jalousie propre aux aigris.
Il n’y a de limite à la fabrication de ces noms singuliers que
l’inspiration de leurs auteurs. Leur densité et leur formulation varient d’un
village à un autre mais le message est toujours le même : le rejet de la
trahison, de la jalousie, de la délation, du mensonge, de la haine.
Une autre difficulté pour les bamiléké à adopter définitivement la mode
du patronyme vient de la possibilité que les hommes les plus méritants ont à
changer de nom au cours de leur vie. Il arrive aussi, bien que ce soit très
rare, que des parents soient amenés à changer le nom de leur rejeton pour des
raisons thérapeutiques, c’est le cas parfois des bébés, qui dans la lignée
maternelle, viennent après les jumeaux ou arrivent par le siège et qui n’ont
pas reçu à la naissance les noms spécifiques qui leur sont réservés. Si plus
tard l’enfant souffrait d’un mal chronique, les oracles peuvent conclure dans
leur diagnostic qu’il boude le nom inapproprié qu’il porte, il ne reste plus
aux parents qu’à revenir sur leur mauvaise décision s’ils tiennent à la vie du
fruit de leur amour.
Les changements de noms
Les enfants sélectionnés pour être plus tard les serviteurs et les
hommes de main du roi perdent leurs noms dès qu’ils arrivent dans les centres
respectifs de formation ; ils sont appelés fils des étrangers
« gueo » ou « mou tchouo » pendant toutes les années que
dure leur scolarité. Même pendant l’exercice de leurs fonctions, ils se
contentent des noms génériques comme « Wala » (ministre) « Kem
dje » (administrateur de région), « Defo » (celui qui veille sur
le bébé prince) ou enfin « Tabue » (chambellan).
C’est au moment de prendre leur retraite que le roi leur donne un titre
suivi d’un tout nouveau nom, un ancien « wala » deviendra par exemple
« Sa’a Fotso » ou « Sa’a Fossouo » et plus jamais personne
ne l’appellera par le nom qu’il portait bébé, si tant est qu’il s’en souvienne
lui-même.
Il n’y a pas que les anciens collaborateurs du roi qui changent de nom
au moment où ils acquièrent un titre, sont aussi concernés, ceux qui sont
élevés, en récompense de leur mérite aux prestigieux grades de
« Sa’ » et de « Souop » ; le roi adjoint
systématiquement au titre un qualificatif ou un nom qui spécifie le trait de
caractère ou l’action d’éclat qui a valu la distinction au récipiendaire. Très
rapidement, tout le monde abandonne le nom originel pour ne retenir que le
nouveau titre et le nom ou le qualificatif qui va avec, seuls font exception
cette règle les princes ou les garçons de la lignée royale qui gardent leur nom
d’origine au moment d’acquérir un titre.
Il est enfin possible de changer de nom par le jeu de la succession, en
effet le fils héritier en pays bamiléké se substitue au sens premier du terme à
son notable de père décédé, il devient seul maître de tous les biens du défunt
et le mari des épouses qui n’ont pas trouvé de nouveaux soupirants, pour tout
couronner, le nouveau coq du poulailler abandonne son nom au profit de celui de
son feu père.
B. LE DEUIL
L’expression « mort » a un contenu très complexe. Elle enveloppe des
représentations culturelles, des attentes religieuses, une zone limite
d’expérience qui inquiète l'existence. Dire que nous avons une connaissance de
la mort n’est pas pour autant plus exact, car sous ce mot on peut concevoir des
niveaux d’interprétations très différents. Il existe une connaissance clinique
sur la mort certes, mais elle n’est pas une connaissance intime de ce qu’elle
peut être.
De ce
fait, les définitions de la mort varient selon les cultures et les époques.
Dans les sociétés occidentales, la mort est vue, par les croyants, comme la
séparation de l'âme et du corps physique. Dès lors, l'essence de l'humanité est
indépendante de propriétés physiques car, l'âme n'ayant aucune manifestation
matérielle, sa disjonction du corps ne peut être observé ni déterminé
objectivement. L’analyse des habitudes collectives des Bamiléké dans le
contexte mortuaire ne permettrait-elle pas d’apposer un regard différent quant
à l’étude des gestes d’accompagnement significatifs à la fois purificatoires et
libératoires qui entourent cette séquence mystérieuse et inéluctable du corps
dans le passage de la vie à la mort ?
1. LE CORPS, DE LA MORT A L’ENTERREMENT
Dans les mœurs BAMILEKE les plus ancrées, les
vivants entretiennent avec leurs morts tout un faisceau de relations,
d'obligations constituées de rites divers. Ce sont ces rites qui garantissent
la cohésion, la morale, l'ordre social et la survie du groupe.
Le phénomène de la mort est une des choses les plus importantes dans la
société Bamiléké. De la mort à l’enterrement il y a tout un rituel à respecter.
La première chose à faire est de prendre un coq pour aller demander au devin si
la personne mérite d’avoir une sépulture : c’est le devoir du chef de
famille.
·
Les rituels du corps avant l’enterrement.
Dans le cas de la mort d’un adulte ou d’une vieille personne, des obsèques
aux funérailles, ces deux sentiments antagonistes (joie et souffrance) se
mêlent. Ce décès est considéré comme la fin d’une vie au vrai sens du terme, la
conclusion d’une longue période de jouissance. Leur disparition est dite
féconde, pour reprendre l’expression de l’ethnologue français Louis-Vincent
Thomas[18] selon laquelle: « … la disparition en Afrique noire fait partie de
l’ordre des choses »[19] . A cette occasion, des funérailles complètes et régulières sont
organisées. A travers les manifestations diverses.
Le corps est célébré par des pleurs, des veillées, et autres rites. Ces
rites sont de plus en plus perceptibles chez les femmes qui doivent toujours
justifier de leur innocence.
·
Les rituels funéraires à travers les manifestations corporelles.
Les plus significatifs ici sont les
rites du veuvage :
Dans la tradition Bamiléké, lorsqu’un homme meurt dans les conditions
normales, ses femmes (s’il était polygame) doivent subir des épreuves. Il
s’agit de justifier de son innocence par les rites corporels. A cette occasion,
elles sont emmenées au « Kwö’op [20]». Dans la tenue d’Adam ;
elles rentrent alors successivement dans la rivière. Chacune des veuves place
entre les jambes un morceau de bois ou une petite calebasse vide. Elles
demeurent debout dans le sens du courant. Si l’objet est entraîné loin, la
femme est justifiée. Dans le cas contraire, elle est sévèrement punie.
Dans le cas où c’est l’homme qui perd sa femme, les rites d’innocences ne
sont pas nécessairement observés. Il n’est pas considéré comme responsable de
sa mort, sauf s’il l’avoue. Quoiqu’il en soit, la période de deuil est toujours
plus longue lorsqu’il s’agit d’une femme.
·
Pratiques corporelles et rituels d’enterrement
D’une manière générale l’inhumation est un devoir envers les morts. Dans la
société Bamiléké, c’est la phase importante du rituel funéraire. Elle est
complexe et ressort quatre points : l’importance des rituels d’Inhumation du
corps organisé chaque soir par les sociétés secrètes et les sociétés de danses,
la toilette funèbre, le cercueil et l’espace d’inhumation.
·
Pratiques
corporelles et rituels après l’enterrement
2. LA TRANSFORMATION DU CORPS ET LA NOTION DE CORPS-ESPRIT
Cela dit, les conceptions mortuaires sont extrêmement complexes et variées[21]. L’anthropologue africaniste Louis-Vincent Thomas a consacré toute son
œuvre abondante à ce seul sujet. Selon lui, pour la majorité des africains, la
mort ne semble pas constituer « La négation de la vie, mais plutôt une
mutation. »[22] Attachons-nous à l’évidence d’un monde particulier et complexe où le corps
vénéré est invisible. Le corps en tant que matériel humain est confondu avec
l’esprit invisible. Ce qui permet d’appréhender l’hypothèse d’un ensemble
d’interactions dans cet espace social.
Dans la société traditionnelle Bamiléké, les morts ne sont pas vivants,
certes, mais ils continuent d’exister sous la forme de forces spirituelles et
sont en interaction avec les vivants.
Nous vivons
dans une société qui ne considère pas qu’il existe une frontière entre les
mondes visibles et invisibles. L’un comme l’autre participent du monde réel. Le
monde des Dieux (Si), des « esprits – Juègne » et des « génies – Pi »[23] est le corollaire du commun des mortels. Ce sont deux mondes distincts et
concrets qui mettent en place une série de rapports entre défunts, vivants et
ancêtres.
La vénération des morts.
La mort devient un passage particulier, parce que le corps change à la fois
d’état et de statut. De l’état corporel, il passe à l’état spirituel. La
transformation qu’il subit correspond à une renaissance, d’où les différentes
représentations, pratiques et vénérations inhabituelles. Comme le précise Wabo
Souop[24] : « Les ancêtres ont un pouvoir particulier. Ils peuvent agir sur les
vivants, pour le bien-être de leurs descendants, ou encore pour les punir s’ils
ne respectent pas les coutumes ou transgressent, dans leur vie quotidienne, les
traditions et les interdits. C’est ce qui explique la crainte du « Ndö[25] »[26]. » Pourtant, malgré ce passage au
stade supérieur de la vie, la crainte de la mort ne disparaît pas chez les
vivants. C’est la raison d’être du culte des ancêtres. En dehors de ces rites,
la séparation entre le monde des vivants et celui des morts est nette : à
chacun sa place. Il est dit à ce sujet : « Pour entrer en communication avec
les esprits des ancêtres, on vient régulièrement dans les cases sacrées pour
demander la bénédiction, faire des offrandes et rendre hommage. »
·
La vie ancestrale comme moyen social d’élévation du corps
Tout d’abord, l’accès au statut d’ancêtre est soumis à certaines
conditions. Sont exclus tous ceux qui, de leur vivant, n’ont pas pu parvenir à
un certain degré de sagesse. C’est le cas des fous (Mbwe), des adolescents non-initiés,
des célibataires, des personnes qui décèdent de mauvaise mort. Et, surtout, il
faut que le défunt soit installé comme ancêtre dans le lignage, ce qui suppose
qu’il ait laissé un héritier, et qu’il ait de son vivant remplit ses
obligations traditionnelles au regard des rituels et autres us et coutumes. Ces
conditions semblent effectivement être généralisables, nous nous y
intéresserons de manière plus différenciée par la suite. Si ces conditions
étant réunies, le décès ne permet pas à lui seul de parvenir à la qualité
d’ancêtre (Mtà). L’accès au statut ancestral exige, en plus, une consécration,
bien souvent ritualisée, que nous détaillons dans nos travaux de recherches.
Le processus de célébration du corps dans le contexte mortuaire
traditionnel, revient à honorer le défunt.[27] C’est un moyen de lui exprimer l’attachement qu’on lui portait de son
vivant. Les différentes étapes qui constituent la matérialisation du corps
correspondent au désir de se le concilier et, de se déculpabiliser à son
endroit.
Les comportements des Bamiléké vis-à-vis de la mort semblent modifier de
façon considérable les représentations du corps dans le contexte mortuaire. Par
ailleurs, ces représentations participent activement à la reconnaissance du
droit de légitimité du corps. Dans cette approche, ces représentations à travers
les pratiques et les rituels spécifiques légitiment le temps qui permet à la
famille du défunt d’exprimer son inquiétude, de verbaliser ses ressentis, de
recréer dans un espace précis une nouvelle relation avec le disparu.[28]
La construction d’un espace et d’un statut social pour le corps dans le
contexte mortuaire interroge la place des défunts dans les représentations
collectives. Pour le sociologue Jean-Didier Urbain[29], « Un mort sans lieu est un mort errant, un mort qui est nulle part et
partout. »[30] Le statut d’ancêtre et les rites qui leurs sont consacrés pose bien le
problème de l’espace social des cases sacrées qui deviennent des espaces privés
familiales. C’est donc toute la problématique de la société Bamiléké à travers
le contexte mortuaire qui se détermine dans l’édification des pratiques et des
rites d’exhumations. Et comme nous allons le montrer dans la suite, les rites
mortuaires constituent des cérémonies pleines de symboles. A travers elles, les
Bamiléké manifestent leurs façons de considérer l’autre existence.
La construction sociale du corps et les représentations relatives à la
mort.
Il ressort de cette illustration que la mort de l’homme correspond à une
séparation du corps en deux. Le corps matériel représenté par la chair et sa
charpente osseuse « Bap’ne » et le corps immatériel « Juègne »
esprit ou âme. Les étapes qui suivront la période du deuil vont s’inscrire dans
la logique de rendre hommage à ces deux éléments :
Ø Une première étape qui consiste à pleurer et inhumer le corps mort, «
Pfe – dépouille ».
Ø Une deuxième étape plus complexe, consacrée aux rituels de « l’esprit –
Juègne » en villégiature.
o
La croyance en cette deuxième
étape de vénération du corps est une particularité locale. Toutefois, il
convient de mentionner que toute personne n’a pas accès à cette deuxième étape,
soumise à une catégorisation du corps du défunt.
o
Elle existe en trois étapes :
• Une « mort mauvaise – Vù Tchùepön », qui s’accomplit lorsque la
mort survient contrairement aux normes traditionnelles de temps (âge), de lieu
et de manière. C’est celle que la conscience humaine réprouve (accident,
suicide, etc.).
• Une « bonne mort -Vù Pepön » ou « Vù Kodie – mort sur le lit».
C’est celle qui est considéré comme bonne mort. Une disparition naturelle
établie selon les normes de la tradition.
• Le cas d’une personne âgée morte après avoir accompli sa mission sur
terre : procréer, respecté et accompli les devoirs prescrits par la coutume.
Elle aura droit à des funérailles grandioses, et aux rites de vénérations.
En
somme, après la mort il y a :
o
la veillée (d’une semaine a un
mois maximum)
o
l'enterrement (3 phases la
veillée finale la mise en terre la danse rituelle d'au revoir et la danse
rituelle pour dire à bientôt (précédente aux funérailles).
o
les funérailles (quelques mois ou années plus
tard qui a aussi 2 a 5 phases selon le statut du décédé) [32].
Ainsi donc, Le processus de célébration du corps dans le contexte mortuaire
traditionnel, revient à honorer le défunt. C’est un moyen de lui exprimer
l’attachement qu’on lui portait de son vivant. Les différentes étapes qui
constituent la matérialisation du corps correspondent au désir de se le
concilier et, de se déculpabiliser à son endroit[33]. Les comportements des Bamiléké vis-à-vis de la mort semblent modifier de
façon considérable les représentations du corps dans le contexte mortuaire. Par
ailleurs, ces représentations participent activement à la reconnaissance du
droit de légitimité du corps. Dans cette approche, ces représentations à
travers les pratiques et les rituels spécifiques légitiment le temps qui permet
à la famille du défunt d’exprimer son inquiétude, de verbaliser ses ressentis,
de recréer dans un espace précis une nouvelle relation avec le disparu.
II. CULTURE SPIRITUELLE : LA RELIGION
La religion peut être définie comme étant un système de croyances et de
pratiques fondé sur la relation à un Être suprême, à un ou plusieurs dieux, à
des choses sacrées ou à l’univers.[34] Elle peut être retrouvée partout mais de manières distinctes. En Afrique,
on parle de religion traditionnelle et le peuple bamiléké au Cameroun en est un
exemple. La religion en pays
bamiléké est une identité et un moyen de sécurité pour ce peuple. Dans la
spiritualité bamiléké, l’être humain est considéré comme étant double dans sa
constitution : d’un côté il est physique, visible et de l’autre il est âme
spirituel et invisible. Cette double constitution de l’être est ressentie et
activée pendant son vivant car à la mort l’âme se sépare du
corps et s’en va rejoindre ceux des siens qui l’ont précédés dans l’autre monde spiritual invisible ou se regroupe tous les
ancêtres. Dans leur croyance religieuse, il existe un monde des
dieux qui contrôle et embrasse toute la
vie d’une personne et chaque individu de cette société est
connecté aux les dieux à travers ces ancêtres. Leur religion est bipolaire
en matière de spiritualité puis qu’ils
pratiquent le culte des ancêtres et le
culte des divinités (sanctuaire sacré, bois sacré) ils reconnaissent que dieu
peut être atteint à travers ses anges (divinités).
A. LES LIEUX SACRES
Les lieux sacrés sont tout simplement ceux consacrés à Dieu, les lieux
où l’on va méditer et prier le « SI »;
ces lieux permettent alors aux bamilékés d’être en relation directe avec lui. Ils sont des endroits où la puissance de Dieu est
plus manifeste que partout ailleurs. Ces
lieux sont choisis à partir des oracles et des révélations reçues par des
Nkam-si (prêtre), Mani-si (prêtresse)[35] et autres médiums[36]. Ils sont multiples, il s’agit
par exemple des forêts, de la case des ancêtres. Ils sont qualifiés ainsi parce
qu’ils permettent d’entrer en contact avec Dieu.
1. LA FORÊT SACRÉE
Dans le pays
Bamiléké au Cameroun, l’un des signes qui montrent au voyageur qu’il est aux
abords du palais royal ou de la concession d’un grand notable c’est souvent une
immense forêt manifestement bien entretenue. On y voit de grands arbres, et les
longues lianes qui s’enchevêtrent indiquant que ces forêts ne sont pas trop
fréquentées ou sont peu exploitées. Ce
lieu sacré se retrouve dans chaque grande concession à l’intérieur de laquelle
se trouvent plusieurs cases. C’est ainsi que, tous les habitants de la
concession peuvent aller s’y recueillir. Les forêts sacrées sont encore des
lieux de concentration par excellence des arbres et des zones des pratiques
religieuses. A l’époque, la
forêt sacrée jouait le rôle de l’église,
des temples que nous avons aujourd’hui. Contrairement à l’imagerie populaire,
les bamilékés sont considérés comme étant des êtres très religieux, ils sont
monothéistes car ils croient en un seul Dieu ou « SI », ce qui
s’explique alors par l’utilisation chez eux des forêts sacrées. celles-ci ont
différents statuts ; nous avons les forêts sacrées familiales : il
s’agit généralement des entrées ainsi que des bas-fonds divinisés des
concessions des grands notables ; ce sont les membres de la famille et les
voisins immédiats qui y viennent célébrer des rites. Les forêts sacrées du
village « La’a » : il s’agit des lieux saints où tout nouveau
chef doit venir faire des offrandes aux esprits du village. Le nouveau chef (le
Fuo ou le Fô ou le Fon chez les Anglophones de la région du Nord-Ouest) y fait
immoler une chèvre, il offre de la nourriture, du sel, de l’huile de palme, le
ndindim (jujube) et d’autres objets prescrits par la coutume. A la fin de la cérémonie le sacrificateur remet une
poignée de terre ramassée à cet endroit au chef. Il y a des rites que l’on
célèbre seulement aux abords de la forêt sacrée. Quand il s’agit du chef ou
d’un grand notable, on pénètre plus profondément dans la forêt sacrée pour
officier au « SI » ; le « Lefem », c’est-à-dire
le sanctuaire. Dans le même sens, la forêt sacrée sert aussi pour les
sacrifices ; ces sacrifices à l’époque étaient considérés comme une quête
non monétisée des offrandes comme on le fait à l’église lors des fêtes
religieuses ou lors des cultes ordinaires ou encore dans la Bible lorsque l’on
égorgeait des taureaux en sacrifice. Les habitants de la concession s’y rendent
alors pour prier Dieu et renforcent ces prières à l’aide de sacrifice comme le
sel, l’huile rouge ou bien le sang d’un animal égorgé. La forêt sacrée est donc
un lieu de culte.
Les forêts
sacrées abritent toutes les espèces d’arbres, d’oiseaux et d’animaux qu’on
rencontre dans le village. Actuellement dans le village Bamendjo, commune de
Mbouda, le seul endroit où vous pouvez encore voir des singes qui se balancent
d’un arbre à l’autre c’est dans la forêt sacrée du palais royal. Il est
interdit de chasser ces singes et ces oiseaux. Les totems des chefs et des
notables sont réputés se cacher dans les forêts sacrées. La forêt sacrée est donc très importante du fait
d’abord que c’est un lieu consacré à Dieu d’une part, d’autre part, elle peut
permettre d’entrepôt pour des voyageurs pendant des jours sans surveillance et
il n’y a pas de risque que des biens y soient être dérobés. Aussi c’est dans les
forêts sacrées que les guérisseurs, « Kam
si » et les guérisseuses ou « Mani si » vont cueillir les plantes et les herbes pour la
pharmacopée traditionnelle. Les forêts sacrées sont le siège des dieux et des
esprits du village. Les forêts sacrées sont également des sites de biodiversité
et constituent aujourd’hui le dernier rempart dans la lutte pour la sauvegarde
de notre environnement. Pour traiter
certaines maladies, on fait boire au malade une eau puisée dans la source qui
prend naissance dans la forêt sacrée.
2. LE LA’AKAM
Les bamilékés sont des êtres bien organisés ;
l’intronisation du chef passe d’abord par une initiation qui se fait au
la’akam. Ce lieu est aussi sacré puisque, personne n’a le droit de s’y
aventurer à l’exception des initiés. Ce lieu ne se trouve pas forcément en
forêt mais toujours à la chefferie, dans un endroit très reculé. Le la’akam
peut donc être juste une case aménagée dans la chefferie pour le chef en
initiation lequel n’a le droit d’entrer en contact avec personne d’autre en dehors
des initiés. Il n’a non plus le droit de sortir de là avant la fin de son
initiation qui se fait pendant 9 semaines. C’est là que le futur chef apprend
tout ce qu’il y a à savoir sur la chefferie, les habitants, les relations que
la chefferie entretient avec les autres chefferies, avec le préfet, le sous-préfet.
Il y apprend aussi à ce qu’il doit faire et ne pas faire, comment il doit le
faire; bref, son rôle au sein de la chefferie et son comportement. En d’autres termes, on l’y initie sur ses différentes
fonctions de chef. C’est aussi là que les notables s’assurent de la survie de
la chefferie.
En effet, n’entre au la’akam que celui qui a atteint
l’âge de la procréation, et ne devient véritablement chef que celui qui est à
mesure de procréer car procréer c’est aussi s’assurer de la survie de la
chefferie. Ainsi, lorsque le futur chef entre au la’akam, certaines jeunes
filles le suivent. Futur chef pourquoi ? Parce qu’il l’est pas encore et
au terme de son initiation, il peut bien ne plus être chef. Comme dit plus
haut, certaines filles en mariage, qui deviendront les épouses du chef, sont
amenées au la’akam, pour porter en leur sein, le futur héritier du royaume. Si
au terme du rite initiatique ou la’akam, aucunes des nombreuses filles ne sont
enceintes, on considère le chef comme étant incapable de procréer. Et pour que
la chefferie ne devienne comme celle de Bafeko c'est-à-dire sans chef depuis
environ 40 ans du fait qu’il n’y eu aucun héritier, le chef qui ne peut donc
pas avoir d’enfants, se verra tuer et les notables auront dès lors pour charge
d’en choisir un autre.
B-RITES ET PRATIQUES
Le peuple bamiléké, en plus d’être connu pour ses lieux
sacrés, est aussi connu pour ses rites et pratiques à l’instar du culte des
cranes.
1. LA PRESERVATION DE CRANES COMME RELIQUES
Celui-ci, existe chez les bamilékés bien avant
l’avènement du christianisme. Selon cette religion, «ceux qui sont morts ne
sont jamais partis... les morts ne sont pas sous la terre. Ils sont dans
l'arbre qui frémit, ils sont dans le bois qui gémit, Ils sont dans l'eau qui coule. Ils sont dans
l'eau qui dort. Ils sont dans la case, ils sont dans la foule. Les morts ne
sont pas morts.[37] » En fait, ils sont dans un monde spirituel et à
partir de là, veillent sur tous leurs proches, descendants qui sont encore sur
terre. Ainsi, nos morts ne sont pas morts. Ils sont bel et bien vivants, et à
partir du monde spirituel ou ils sont, ils continuent même de s'intéresser à
nous, leurs proches et descendants encore sur terre. Il est possible de les
contacter spirituellement afin qu'ils
intercèdent auprès de l'Esprit divin universel
en notre faveur pour nous soutenir ou nous aider à résoudre un
problème quelconque que nous rencontrons
sur terre, par exemple la santé, les
enfants, les bonnes récoltes et bien d’autres.
Dans la spiritualité bamiléké la communication avec les ancêtres à
travers leurs cranes est sacré et se déroule à travers la conservation des
cranes [38]des défunts ainsi que tout objet matériel, qui a été pendant longtemps
en contact direct avec un défunt de son
vivant, et fortement imprégné de son essence spirituelle propre et donc
est un excellent moyen pour faciliter l'harmonie et le contact intérieur
avec son âme et le monde des ancêtres. Entrer en contact avec eux se fait grâce à l’os crânien, car l'os humain est considéré non seulement
comme l'une des choses matérielles qui, pendant que nous sommes sur terre, nous
appartient le plus intimement, mais celle aussi qui va survivre le plus
longtemps après la mort. La tête est la partie la plus supérieure de notre
corps et est traditionnellement associée à l’esprit, a la pensée, à la
conscience et à l’âme, à cause de sa correspondance avec les parties
supérieures de l’être. En effet, s’ils reconnaissent que Dieu peut être atteint grâce
à ses anges (culte des divinités), ils pensent aussi que leurs ancêtres décédés
peuvent intercéder auprès du divin pour leur cause. La préservation de cranes
comme reliques se pratique donc ainsi qu’il suit: quelques mois ou plus souvent
quelques années après l'enterrement du défunt, lors d'une cérémonie
spéciale dirigée par un initié, on recreuse la tombe pour déterrer uniquement
son crâne qui ira se reposer désormais dans la case sacrée réservée à cet effet
sous la garde d’un héritier légitime. C’est dans cette case qu’éventuellement
on viendra avec quelques présents symboliques comme l’huile, le
« Ndindim » ou encore le jujube[39], la kola, le pistache, l’huile de palme, le sel et parfois une
chèvre ou une poule peut être égorgée
comme sacrifice adresser nos prières d’intercession a un défunt en
particulier et le plus souvent à tous les défunts. Il faut noter que c’est le
crâne d’une personne ayant fait ou accompli de grandes réalisations qui est
déterré. Les ancêtres sont en fait considérés comme des intermédiaires entre
Dieu et les Vivants, ils sont profondément impliqués dans les affaires des
vivants car ils sont les gardiens de la famille et agissent comme police
invisible de la famille et de la communauté. Si après la mort d’un individu les
initiés (kam-si) constatent que celui-ci était un sorcier malfaiteur alors il ne
pourra jamais être élevé au rang des
ancêtres et par conséquent ne bénéficiera d’aucun culte, ni respect. Ceci
revient à dire que la famille de ce dernier n’organisera point ses funérailles
car c’est cette cérémonie qui marque l’intégration du défunt dans le collège
des ancêtres de la communauté et le repos dans la paix des ancêtres[40]. Alors, selon les bamilékés, la mort n’existe pas, on quitte
simplement le monde terrestre pour un autre monde, celui des ancêtres.
La préservation des Crânes comme reliques
figure à notre avis parmi les plus beaux
joyaux de la spiritualité bamiléké. Les religions importées et tous leurs
complices ont tenté en vain de le couvrir de boue dans le but de ternir son
éclat afin de mieux imposer leur point de vue. Cette préservation de reliques
leur aura survécu. Et aujourd’hui nous nous devons de restaurer son éclat
originel. Nous nous devons de redorer son blason. Ces reliques constituent
l’une des "vérités" qui nous identifient et nous singularisent le
plus parmi tous les peuples de la terre. Nous devons prendre ou reprendre
conscience de tout ce qui fait notre spécificité spirituelle propre, l'endosser
ensuite fièrement et le projeter fortement vers tous ceux qui croisent notre
chemin.
2. LE TOK
Il
existe des anecdotes chez les bamiléké portant sur certains êtres qui se
transforment la nuit en espèce animale pour s’introduire dans des chaumières
afin de secourir les malades, Certains Kamsi et chirurgiens traditionnels
détenteur du gène y recourent pour entrer en contact avec leurs malades afin de
les soulager de leurs douleurs, ou détruire les ennemis ou les mauvaises
personnes. Le plus grand mystère règne sur leur nature.
Sont-ils des élus de Tchiepô Si ou de Si Tchouepoung ? Le
« Tioum » ou « Tok » est comme une substance tapie dans l’abdomen de
certaines personnes, en général héritée mais qui peut aussi être introduite du
dehors faisant de son possesseur un sorcier ou un puissant guérisseur. Le gène
« Tok/Tioum » à l’origine du pouvoir surnaturel, se fixerait soit sur
le foie soit sur le cordon ombilical. Il se transmet héréditairement de la mère
aux enfants, sauf que le gène est récessif chez tous les garçons et
exceptionnellement chez quelques filles. Il faut généralement une initiation
complexe pour activer le principe « Tok/Tioum » qui sommeille dans le
corps des enfants mâles. Les femmes détentrices de « Tok/Tioum » sont
passées des femmes les plus recherchées à celles les plus redoutées chez les
Bamiléké. Plusieurs possesseurs du gène en font donc usage pour combattre le
mal et les ennemies en dévorant chez leurs ennemis les organes
vitaux que sont le foie ou les poumons ou encore pour introduire dans leur
organisme des objets destinés à miner leur santé (débris d’os, petit
coquillage, cheveux, grain d’arachide ou de maïs, etc.). Il faut comprendre
qu’en général, le TOK n’est pas un don destiné à faire le mal, il est en
réalité donner à certaines personnes pour faire le bien, mais c’est un mauvais
usage qui fait que certain le considère comme une mauvaise chose.
3. LES SYMBOLES DE CULTE ET DE PRESTIGE
Les
symboles de culte et de prestige dans la tradition bamiléké sont constitués
d’un ensemble de croyances qui rappellent les rites[41] et symbolisent toute l’importance que ce peuple accorde
à la tradition. Parmi ces symboles au nombre inestimable, on distingue au rang
des plus récurrents, le Ndinndim qui
a pour pouvoir d’assurer la protection. Le Ndop,
véritable profession de foi. La queue de
cheval qui proclame à tout vent le prestige du peuple bamiléké et le Nkeng, la très aimée et paisible reine
des plantes dans le grand Ouest[42].
Ø Le Ndinndim: graine de benediction
En pays bamiléké, cette petite graine noire est le
compagnon de protection de toute personne qui entame une mission périlleuse.
Ainsi, une gousse entière dans son sac tient lieu de blindage. Dans la
tradition, ses graines se mangent en chiffre impairs ; cependant, les
jumeaux et jumelles les consomment en chiffre pairs. Lorsqu’un parent veut donner
sa bénédiction à son enfant, il les mâche et les recrache sur ses mains avant
de les imposer sur ce dernier. Les magni[43] (mère des jumeaux) doivent toujours en avoir dans leur
sac.
Ø Le
Ndop : étoffe de rassemblement
L’histoire renseigne que le Ndop provient de la région de
l’Adamaoua où les tisserands Tikar l’échangeaient contre la Kola. Les couleurs
bleu et banche sont les tons dominants de ce tissu qui pendant des années ne se
faisait qu’à la main et coutait alors très chère. Il reste l’un des symboles
les plus marquants des bamilékés. Les cercles, les losanges, les lignes et les
gongs sont autant de figures qui donnent au Ndop le prestige qui est le sien.
Ces différentes figures symbolisent la solidarité, la stabilité, la fécondité
et la prospérité[44].La modernité a permis sa vulgarisation si bien
qu’aujourd’hui, il est devenu tissu d’ameublement, tenue d’apparat ou même vêtement
ordinaire.
Ø La
queue de cheval: signe de bravoure
La queue de cheval est l’accessoire privilégié de toutes
les grandes manifestations de joie dans tout le pays Bamiléké et l’homme ou la
femme qui se rend à une manifestation importante sans sa queue sera indexé. Les
couleurs les plus récurrentes sont le noir, le marron et le blanc. Cependant,
la couleur blanche est réservée aux personnalités de haut rang. Elle est
joyeusement agitée par les femmes ou agitée comme une lance par les hommes
pendant les cérémonies pour rythmer la danse. En effet, l’origine des queues de
cheval remonte à la confrontation qui opposé le premier roi Baleng aux Peuls.
Pendant lesdites confrontations, renverser un guerriers Peuls à cheval relevait
de l’exploit alors le roi décida de décerner un titre de notabilité à toute
personne qui reviendrait du champ de bataille en signe de victoire une queue de
cheval. Dès lors, porter une queue de cheval était signe de bravoure. Aujourd’hui,
le faire relève tout simplement du bon goût.
Ø Le
Nkeng : arbre de la paix
En pays Bamiléké, la reine des plantes est partout. Sa présence
à l’extérieur des maisons, est non seulement signe de paix mais témoigne aussi
du fait que vous êtes devant une concession Bamiléké. A l’intérieur de la
maison, il sert de décoration. Le Nkeng, comme la queue de cheval et le Ndop
est présent dans toutes les cérémonies. Il incarne la paix dont tout le monde a
besoin en tout temps. Autrefois, brandir l’arbre de la paix était signe de
reddition et de négociation. De nos jours, se présenter devant la porte de
celui avec qui on a un différend signifie que l’on demande l’apaisement.
I. RESOLUTIONS DES CONFLITS
Tous les peuples
ont différents mots pour désigner la paix, et leur étude fournit des
indications utiles sur la symbolique et l’éthique et permet l’élaboration d’une
typologie de la paix. On distingue ainsi : un état de paix perpétuelle, la paix
de l’âme, la paix conclue après une guerre, la paix interne, la paix externe,
la paix liée aux notions de sécurité et de défense. D’autres termes corrélatifs
impliquent l’idée de concorde, de conciliation et d’entente. Chez les Agni de
Côte d’Ivoire tout comme chez les Bamilékés du Cameroun, le cœur apparaît comme
l’organe par excellence qui exprime chez l’homme l’état de paix ou de tension.
L’homme a le «cœur chaud» quand il est privé de paix et conserve « un cœur
détendu» quand l’harmonie est retrouvée. La socio-linguistique africaine a dans
ce domaine, un vaste champ d’investigation qui pourrait éclairer et enrichir le
concept de paix.
A.MECANISMES DE DISSUASION ET DE PREVENTION DES CONFLITS
Dans la plupart des sociétés négro-africaines, les
aspirations à la paix ont conduit à développer des techniques de normalisation
dont l’objectif est d’éviter ou tout au moins de réfréner la violence et les
conflits armés. Ceci a donné naissance à une gamme variée de pratiques
dissuasives et de modes de prévention des conflits, la violence étant canalisée
par des structures socio-politiques spécifiques et des conventions orales ou
tacites à caractère juridique ou magico-religieux. Le calme et l’harmonie au
sein de la société et entre les différentes communautés sont si appréciés qu’il
existe chez les Bamiléké du Cameroun une sorte de bicéphalisme : un chef de
guerre et un chef de paix, ce dernier ayant des prérogatives permanentes, alors
que le chef de guerre est désigné de façon circonstancielle. Les formes de
déclaration de guerre constituent un aspect des préoccupations dissuasives,
laissant toujours la place au compromis et à la solution non violente des
contradictions. La déclaration de guerre est souvent différée de «plusieurs
lunes», le temps et une prise de conscience pouvant favoriser une déflation des
tensions. On emploie également des symboles qui laissent toujours à l’ennemi la
possibilité d’un choix : Chez les Bamum de l’ouest du Cameroun, il était
d’usage, avant tout conflit, de libérer un captif de guerre du groupe adverse.
Rentré chez lui, il peut jouer le rôle de temporisateur, ayant une claire idée
du rapport de force. Il peut également jouer à l’occasion, le rôle de
médiateur.
1. ALLIANCE SACRIFICIELLE ET PREVENTION DES CONFLITS
Le pays Bamiléké est l’une des régions les plus densément
peuplées d’Afrique et les problèmes fonciers y ont un caractère de grande
acuité[45].
Le territoire est subdivisé en une multitude de «chefferies» dont l’histoire
est marquée par la volonté d’expansion et la constitution d’un «espace vital».
La délimitation des frontières constitue de ce fait un problème majeur, qui
conditionne l’état de guerre ou de paix. Aussi fallait-il matérialiser les
zones d’influence respectives par des tranchées n’seep ou swen, afin de
prévenir d’éventuels contestations et conflits. A l’occasion, étaient scellées
des alliances sacrificielles. Une fois la frontière tracée, on se procurait un
chien noir. On lui attachait des cauris au cou, on l’enivrait de vin de raphia
et on l’enterrait vivant dans la tranchée, en prononçant des formules sacrées.
Par-dessus, on plantait un arbre symbole de paix. Quiconque se hasardait à
traverser, armé, les lignes de démarcation ainsi établies, s’exposait à
l’implacable colère des ancêtres et des divinités. Un exemple mémorable est
l’alliance conclue entre les chefferies Baham et Bandjoun. Une paix solennelle
fut proclamée et symbolisée par deux arbres sacrés plantés de part et d’autre
de la frontière. Au fil des ans, leurs branches s’entremêlèrent, frappant
l’imaginaire des populations qui virent dans ce phénomène un signe d’union
perpétuelle.
2. LE ROLE DES LEADERS DANS LA PREVENTION DES CONFLITS
S’il est vrai que l’histoire des sociétés négro-africaines
a été marquée par la violence armée de grands conquérants bâtisseurs de
royaumes, tels Chaka en pays Zoulou, Samory Touré en pays Mandingue, cette même
histoire fait apparaître un autre visage du chef, du souverain africain. Il est
à la fois conservateur de son peuple, restaurateur de l’ordre politique et
social ainsi que de l’ordre cosmique. Nous avons évoqué plus haut l’existence,
à côté du chef de guerre, d’un chef de paix qui dirige en temps normal à
travers des institutions fondées sur la palabre. Le leader doit jouer un rôle
important dans la prévention des conflits, afin de maintenir sa communauté dans
un état de paix et de prospérité. C’est pourquoi les critères de sagesse et de
pondération sont toujours pris en compte dans la dévolution du pouvoir, surtout
dans les sociétés lignagères.
En pays Bamiléké, les chefs, pour entretenir des relations
de bon voisinage et prévenir les conflits, ont coutume de procéder à des
échanges de cadeaux qui revêtent toujours une dimension fastueuse, surtout à
l’occasion des funérailles ou de l’intronisation d’un nouveau chef. Ces
cadeaux, contenus dans des sacs étaient confiés à des agents diplomatiques,
lorsque le chef ne pouvait pas effectuer lui-même le déplacement. On y trouvait
de l’huile de palme, de la poudre d’armes à feu, des noix de kola, des
calebasses ornées de perles, etc. L’envoi de peaux de panthère et d’ivoire
était pour les chefs tributaires, signe d’allégeance12. Celui qui recevait un
cadeau était, selon la coutume, tenu d’en faire autant le moment venu. Il se
créa ainsi une logique de dons et de contre-dons, caractéristique de divers
peuples négro-africains. Cela généra une atmosphère de confiance, voire
d’amitié, apte à favoriser une déflation des tensions Inter-communautaires.
B. MECANISMES DE RESOLUTION DES CONFLITS
Les
développements qui précèdent ont permis d’examiner les modalités qui, dans les
sociétés traditionnelles bamilekes, ont inhibé les manifestations violentes par
la dissuasion et la prévention. Il importe à présent de se situer dans la
contingence, pour examiner les mécanismes permettant de restaurer la paix,
lorsque celle-ci a été rompue du fait d’antagonismes apparemment irréductibles.
En fait, les sociétés bamileke traditionnelles n’ont pas cherché à s’enfermer
dans une logique absolue de confrontation. Pour sortir de l’impasse et éviter
le chaos, des espaces étaient toujours prévus permettant aux parties en conflit
d’initier des procédures de normalisation et de pacification.
1. LES FAISEURS DE PAIX : PLENIPOTENTIAIRES, NEGOCIATEURS ET MEDIATEURS
Toute communauté a besoin de mettre en place des
mécanismes de gestion de ses relations avec ses voisins, en temps de paix comme
en temps de guerre. Cela relève de la diplomatie, que les sociétés africaines
traditionnelles ont largement pratiquée. Pour résoudre les conflits, des
procédures variées ont été utilisées. Il y a tout d’abord l’envoi d’émissaires,
de plénipotentiaires.
Dans la résolution des conflits et la restauration de la
paix, ils apparaissent comme des agents privilégiés, du fait de l’immunité dont
ils jouissent et de l’ampleur de leurs réseaux de relations. Le commerce de la
kola, depuis les Grassfields (pays Bamiléké au Cameroun) jusque dans la zone de
la savane, en pays musulman, donne une idée des interactions qui ont existé
autrefois et du rôle à la fois économique et diplomatique que pouvaient jouer
ces commerçants, dont certains avaient la maîtrise de plusieurs langues. En
pays Bamiléké dans l’ouest du Cameroun, c’est généralement aux walla et au kwifo,
notables de la cour, que revient cette tâche de plénipotentiaires et d’agents
de communication19. Le rôle de négociateur apparaît toujours d’une grande
complexité, du fait d’un double mandat, apparemment contradictoire qui lui est
assigné : l’intransigeance pour défendre la position de sa communauté et une
bonne dose de souplesse pour consentir le minimum de concessions nécessaires à
la conclusion d’un accord. Le bon négociateur doit donc réunir trois qualités
essentielles : le réalisme, la flexibilité et surtout la patience, de façon
générale, les médiateurs ont joué dans les sociétés traditionnelles africaines
un rôle capital pour favoriser une déflation de la violence, parvenir à un
compromis et mettre un terme aux conflits. Il en fut ainsi dans le pays
Bamiléké de l’ouest du Cameroun où le chef de Baleng joua le rôle de médiateur
privilégié dans les conflits inter-communautaires. Quelle que soit la
complexité de la situation, sa médiation était toujours acceptée et parvenait à
rétablir l’harmonie. Baleng jouissait en effet d’une primauté et d’une aura
spéciales, car la tradition en fait la «chefferie-mère» d’où sont sortis les
fondateurs des différentes autres communautés. La capacité de médiation de
Baleng sur un vaste espace territorial repose sur des bases à la fois
historiques, culturelles et idéologiques qui font de son chef un «faiseur de
paix» par excellence.
2. LA PALABRE : CADRE PRIVILEGIE DE RESOLUTION DES CONFLITS
En vérité le
concept de palabre a une toute autre signification dans les sociétés africaines
traditionnelles, où différents termes, plus adéquats sont utilisés pour la
désigner. Par exemple, les Bamiléké à ce propos parleront de Tsang, dont le but
est d’ « apaiser les esprits»
En pays Bamiléké
c’est le nkeng ou yap nfeguem (dracoena deilstelialiane de son nom
scientifique), “arbre de paix”, dont les feuilles sont agitées par
l’assistance. Ici, la magni (mère de jumeaux) sensée incarner des pouvoirs
spéciaux joue un rôle privilégié; elle parcourt le lieu de la palabre, tenant
une branche de nkeng à la main. Le nkeng, dont les feuilles sont minces, de
couleur foncée et d’une longueur de 20 cm environ, est censé réparer les fautes
commises et est un gage sûr de bonne moralité, de vérité et de paix.
II. LA CONTRIBUTION DE LA CULTURE BAMILEKE AU DEVELOPPEMENT
A. LA TONTINE COMME APPUI AU DEVELOPPEMENT
Si le banquier napolitain Lorenzo Tonti passe
pour être le créateur de la pratique désignée par le mot français tontine, les
pratiques ainsi désignées sont d’origine africaine ou asiatique[46]. Chez les bamilékés du Cameroun le terme Tchoua’ah est utilisé pour désigner la
pratique des tontines. Ces pratiques tontinières ont un impact sérieux dans la
croissance économique et par là même au
développement. C’est à la fois un moyen d’épargne et de financement, mais aussi un lieu
privilégié de création de liens de solidarité.
Plusieurs études ont souligné l’importance du
réseau intra ethnique dans le processus de création d’entreprises. De plus le
réseau intra ethnique sert aussi de source primaire de financement dans bien
des cas. Selon Mveng « Ce qui caractérise ce peuple, c’est à la fois une
ardeur au travail qui ne compte guère beaucoup de concurrents sous les
tropiques, un esprit d’économie et de prévoyance qui ne va pas sans une certaine
âpreté au gain, une intelligence pratique rare, un individualisme qui s’allie
paradoxalement à une vie communautaire sans fissure[47] » pour parler des
bamilékés. Il faudrait remonter toute une file historique de données pour
comprendre entièrement cette pratique de la tontine bamilékés. En effet comme nous le constatons cette
pratique ne vise surement pas uniquement l’économie, elle renforce avec
beaucoup de tact la cohésion sociale des membres qui les forme. L’hégémonie de
la fonction économico-financière n’est donc qu’apparente, compte tenu du poids
des obligations sociales aussi bien pour les événements heureux que malheureux:
assistance en cas de naissance, de promotion sociale, d’affectation, mais aussi
en cas de maladie, de décès ou de funérailles. Il faut ajouter à cette liste
les fréquentes visites de courtoisie. La symbiose entre les diverses pratiques
tontinières se traduit par les nombreux réseaux de relations qui se tissent
entre les membres. Selon le type de tontine, la logique sociale peut prévaloir
sur la logique économico financière et inversement. Mais il n‘y a de tontine
que si les deux logiques et fonctions sont étroitement imbriquées. Dans les
sociétés en situation de précarité sociale (populations appauvries des
campagnes et des villes africaines ou diaspora africaine en Europe et en
Amérique), la finalité première de la tontine est d’assurer la protection
sociale des membres (assistance en cas de maladie, organisation des obsèques,
rapatriement de la dépouille des membres, assistance en cas de décès ou des
funérailles des membres, des ascendants et des descendants des membres. cette
pratique renforce donc la paix et l’unité qui sont des préalables à toute
croissance économique . cette pratique a servi a beaucoup d’entrepreneurs de se
forger de grosses fortunes , mais qui au départ ont dû avoir des repères
tontiniers.
B. LA PROMOTION INDIVIDUELLE POUR LE DEVELOPPEMENT
La réussite en pays
bamiléké se fait ressentir au niveau individuel. En effet, chaque ressortissant
du pays bamiléké pour s’affirmer doit progresser par ses propres efforts, car
chez les bamilékés en plus du fait que la famille éclate à chaque génération
pour donner naissance à de nouvelles familles, l’accession à certaines strates
de la structure sociale dépend de la réussite sociale caractérisée par les
possessions individuelles, que ce soit sur le plan financier, intellectuel ou
autre.
La société civile
bamiléké joue ici un rôle fondamental. Elle est très structurée, comprenant des
associations ou des confréries où les bamilékés se réunissent périodiquement.
L’intégration de ces associations et confréries suppose que l’on a plus ou
moins atteint une aisance financière par l’échange et donc assuré sa promotion
individuelle. Cet individualisme couplé à une sphère communautaire active
favorise alors ce que le psychologue Julian Rotter appelle le « locus de
contrôle interne », qui n’est rien d’autre que l’intériorisation par l’individu
du pouvoir qu’il a de se projeter sur le monde et de contrôler son destin.
L’organisation
politique du peuple Bamiléké n’est pas étrangère à cet état de fait. Elle se
réalise autour de la chefferie où sont concentrés les différents pouvoirs mais
dont la mise en œuvre ne dépend pas du chef uniquement mais aussi du « conseil
des Neuf » ou du « conseil des Sept ». Même si le chef est reconnu comme le
détenteur des terres, une fois celles-ci attribuées à une famille, cette
dernière bénéficie automatiquement des droits individuels sur la terre, pouvant
ainsi valoriser sa propriété dans le respect des us et coutumes et participer
indirectement au développement de toute la communauté. De ce fait chacun sait
ce qu’il peut attendre dans ses relations avec les autres membres de la
communauté et attendre de la chefferie l’interdiction à autrui d’empiéter sur
sa propriété : une forme d’état de droit. Cette reconnaissance de la propriété
constitue une incitation pour les bamilékés à investir et être productifs. La
propriété permet en effet de se projeter dans le futur, puisque l’on peut
compter sur le fait de récolter dans le futur les fruits de ses efforts
productifs. Les possibles interférences sur les propriétés ou la commission
d’actes contraires aux mœurs sont réglés par le chef et les notables, dotés de
« pouvoirs » mystiques. Ces derniers ont effectivement un rôle important:
considérés comme ailleurs comme une forme d’incitation au respect des
institutions traditionnelles, il se trouve que chez les Bamilékés, ils
reconnaissent et protègent les droits individuels : l’autorégulation de la
société se fait ainsi dans le sens de l’épanouissement individuel. Le désir de
concrétisation du principe de promotion individuelle expliquerait alors la
forte émigration de cette ethnie. La rareté des possibilités ou les
opportunités présentes ailleurs poussent les Bamilékés à traverser les
frontières de leurs régions d’origine. Ce qui est remarquable une fois de plus,
c’est leur capacité à s’installer dans un endroit, et y réussir ou d’autres
n’ont pas pu. L’obsession de la réussite amènerait le Bamiléké à utiliser de
façon optimale les informations de son environnement, c’est-à-dire des
opportunités de profit, afin de démarrer une activité économique qui, au final,
connaitra du succès. C’est ce que Yves Marguerat, lui, qualifie d’audace, de
persévérance, et d’aptitude à l’innovation, qui forge l’esprit productif du
Bamiléké[48]. Les incitations sociales et économiques permettent donc
au « Bamiléké » de ne pas sombrer dans le fatalisme, mais d’avoir un « esprit
proactif »[49]. La propriété permettant l’empowerment (maîtrise de son
destin), elle développe aussi l’attitude responsable dans le groupe, attitude
garantissant un fort niveau de confiance. Ces deux éléments de responsabilité
et de confiance se renforcent mutuellement et sont essentiels pour une société
d’échange et permettent de fonder le réel développement.
Il était
question pour nous de présenter le Peuple Bamiléké dans tous les aspects qui le
caractérise. Il en ressort donc que malgré les diversités qui existent entre
villages et chefferies Bamiléké, ce peuple partage les mêmes valeurs et assure
leur durée, principalement, à travers la tradition orale. Ce peuple de
guerrier, conquérants et commerçants a pu exister jusqu’aujourd’hui grâce à
leur dynamisme, organisation, ingéniosité et amour pour leur racine. Malgré le
phénomène de la mondialisation, ce peuple continue à avancer sans toutefois
oublier de regarder en arrière. C’est donc tout ceci, qui manque aux autres
peuples qui eux oublient que le développement doit être contextualisé et non
emprunté et imposé.
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v www. Llda.revues.org
v www.Bienvenue
et welcome to bamilekes.com
[1] Toukam Dieudonné in Histoire et anthropologie du peuple
bamiléké. Page 9. Ed. l’ Harmattan.2010. 5-7, rue de l’Ecole
polytechnique ; 75005 Paris.
[2] Il existe près d'une trentaine de villages bamiléké dans le Nord-Ouest
anglophone
[3] Extrait
de : Dieudonné Toukam, Parlons bamiléké. Langue et culture de Bafoussam,
page 255, Paris, L'Harmattan, 2008.
[4] Lettre dont la prononciation vient de la gorge: le g est une guttural
devant les consonnes et les voyelles a, o et u.
|
[5]
The Truth with Capital T and
The Divine words have the shape of a Beautiful Knife,
written and told by an ancient Egyptian , Auteur : Jean -Claude Crhi
[6] Op cite
[7] Rappelant les pyramides égyptiennes
[8] M.Sournies, L’émigration Bamiléké dans le
Mungo, Mémoire de stage de l’Ecole Normale de la France d’Outre-mer, Paris
1954, Page 41, ANSOM, PARIS 7ème.
[9] M.Moisel, Das Hinterland der Kameruner
Nordbahn (Mitteilungen aus den deutschen Gebieten, band XXV), Berlin, Bâle,
1912
[10] Rév.S.W.Koelle, missionnaire anglais
auprès d’anciens d’esclaves libérés à bord de bateaux négriers par des
croiseurs britanniques et installés à Freetown en Sierra Léone.
[11]
Les sociétés Bamiléké de l’Ouest Cameroun : étude régionale à partir d’un
cas particulier, J.C BARBIER
[12]
Bienvenue et welcome to bamilekes.com
[13] Llda.revues.org
[14] Kamdem, E., « Le temps dans l'organisation : vers
une approche plurielle et interculturelle » article sous presse.
[17] HURAULT J., 1962, La
structure sociale des Bamiléké, Mouton & Co., La Haye.
[18] Louis-Vincent Thomas, né le 20 mai 1922, mort le 22 janvier 1994, était un universitaire français, spécialiste de l'Afrique, qu'il a étudiée tour à tour ou simultanément sous les
angles de la sociologie, de l'anthropologie et de l'ethnologie.
[19] Dans La Mort africaine : idéologie funéraire en Afrique noire,
Payot, 1982
[21] Cafartan (S). «
La représentation de la mort ? » in Philosophie et spiritualité, 2002,.
[22] Dans Anthropologie
de la mort, Payot, 1975.
[23] Mots pris des dialectes bamilékés.
[24] WABO SOUOP KAMDEM, chef
du village Chengne, est l'un des multiples villages du royaume Baham.
[25] Malédiction
[26]
Extrait de son discours lors de la célébration culturel du village Chengne.
[29] Jean-Didier Urbain est un sociologue français, spécialiste du tourisme.
[30] Dans Sur la plage : Mœurs et coutumes
balnéaires aux XIXe et XXe siècles, éditions Payot, 2002
[31] Dans Martin Nkamgang, Sop Nkamgang Martin et Patrice
Kayo, Les proverbes bamiléké, Edition des auteurs, 1970, 63 p.
[32] Dans Dieudonné Toukam, "Parlons bamiléké. Langue et
culture de Bafoussam", Paris, L'Harmattan, déc. 2008, 256p.
[33] Dongmo, J.-L. (1981). Le dynamisme bamiléké (Cameroun). Vol. 1,
La maîtrise de l'espace agraire. Yaoundé: Université de Yaoundé.
[35] Les Nkam-si et Mani-si sont choisis par Dieu qui leur apparait en rêve.
Cette manifestation de Dieu commence
le plus souvent par une période de crise qui et s’apparente à
de la folie.
[36] Dieudonné Toukan ; Histoire et
Anthropologie du Peuple Bamiléké, Harmattan Cameroun, 2001, P. 54
[37] Bigaro Diop, les contes d’Amadou Koumba
[38] Le crâne humain est considère comme la
partie supérieure de l’être à cause de sa correspondance avec l’âme, l’esprit,
la conscience, la pensée et le créateur.
[39] Celui est généralement utilisé pour
sachée les mauvais esprits.
[40] Achille PINGHANE YONTA ; Mémoire
d’obtention du diplôme d’Etude Approfondies (D .E. A.) en
Sociologie : Genre et Autopsie Traditionnelle en Pays Bamiléké. P.g. 36
[41]Haman Mana et Bisseck Mireille : Rois et royaumes Bamiléké, les éditions
du Schabel, 2010, p.225
[42]Op.cit
[43]Les terminologies variant selon les
localités. Ainsi, en dehors de l’appellation Magne, on rencontre aussi les
terminologies Megni ou Magne.
[44]Op.cit. p.227
[45]A plusieurs reprises, le gouvernement a dû
intervenir pour trancher ce genre de conflits entre plusieurs localités de
l’Ouest Cameroun
Le défi de la
bancarisation des tontines en Afrique »
[48]
http://cameroon-info.net/stories/0,32893,@,cameroun-pourquoi-les-bamilekes-reussissent-ils.html
[49]
http://cameroon-info.net/stories/0,32893,@,cameroun-pourquoi-les-bamilekes-reussissent-ils.html
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Michel Sopgwi.
Michel.S.