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Decolonisation du Nigeria

Introduction

Le Nigeria, ce vaste territoire le plus peuplé d’Afrique a connu comme la quasi totalité des pays africains (hors mis le Liberia et l’Ethiopie) la colonisation occidentale. Ses premiers contacts avec le monde occidental remontent au XVIe siècle puis, à partir de 1906, le Nigeria devient un protectorat britannique. 60 ans, après, le Nigeria accède à l’indépendance avec 17 autres territoires africains. Notre sujet qui porte sur la décolonisation du Nigeria a pour objectif est de tenter de faire comprendre quand, comment et pourquoi le Nigéria acquiert son indépendance quand on sait qu’aucun « maitre » ne libère volontairement son « esclave ». Encore que les méthodes coloniales anglaises (indirect rule) qui semblaient donner une autonomie aux chefs locaux tout en faisant des anglais des arbitres ne manquaient pas de déposséder les chefs locaux de leurs zones de compétences territoriales. Pour parvenir à comprendre les enjeux de cette décolonisation du Nigéria, nous nous proposons de présenter la situation coloniale du Nigéria (I) devant nous permettre d’amorcer sans difficultés les processus de décolonisation ou la marche vers l’indépendance (II) qui précède l’accession à l’indépendance (III).

I. Le Nigeria sous protectorat britannique

Au XIXe siècle, la commerce de l’huile de palme (denrée prisée dans la région si bien que cette région est surnommée Oil Rivers) conduit le consul britannique Sir John Goldie à s’installer à Calabar, puis à Lagos où les commerçants britanniques étaient déjà fortement implantés. En 1861, la Grande Bretagne prend possession de l’ile de Lagos. A la suite de la signature de plusieurs traités avec les chefs traditionnels, le protectorat britannique d’Oil Rivers est crée.
En 1893, la compagnie royale du Niger transforme la Oil Rivers en Niger coast protectorate et le dispose d’une armée : la West African Frontier Force. En 1900, la charte de la royale Niger compagny est révoquée.
A partir de 1914, la domination britannique est totale à travers la réunion du protectorat du Nord et du Sud placé sous l’autorité du gouverneur général Frederick Lugard qui soumet entre 1901 et 1906, le Nord musulman. Il impose aussi le système administratif anglais qu’est l’indirect rule.
A l’issue de la première Guerre Mondiale, deux territoires du Cameroun (ex protectorat allemand placé sous l’autorité de la S.D.N et administré par la France et la Grande Bretagne) se rattachent au Nigeria. La même année, le conseil législatif nigérian est crée. Cependant, il est sous représenté par les populations locales au profit des colons. A cette date également, le premier parti nationaliste nigérian voit le jour sous les auspices d’Herber Macauley. Il s’agit de la Nigérian National Democratic Party(N.N.D.P) parti dominant entre 1922 et 1938. Macaulay, considéré comme le père du nationalisme nigérian est également le fondateur de la Lagos Daily News, journal à travers lequel, il a longtemps sensibilisé le peuple.

II. Le nationalisme nigérian : la marche vers l’indépendance

Le Nigéria a connu l’une des décolonisations les plus pacifiques du continent. Cette décolonisation trouve son fondement dans le nationalisme de ses dignes fils. Quels sont les causes de ce réveil national ?

A. Les causes du réveil national

Les causes du nationalisme nigérian sont diverses. Nous pouvons cependant les résumer en causes externes et causes internes.



1. Les causes externes

Ces causes externes sont les facteurs ayant favorisés la décolonisation et qui n’émanent pas de l’intérieur du Nigéria. D’une façon générale, elles sont propres à tous les territoires colonisés d’Afrique. Au premier rang desdites causes, nous pouvons citer la participation aux deux Guerres Mondiales car au cours de celles-ci, les africains se rendirent compte qu’effet, les blancs n’étaient en rien supérieur à eux. Les blancs, confondus en Afrique dans la domination et la supériorité coloniale, se révélaient ici aussi des loups entre eux (KI-ZERBO, 1972).
L’action de l’Organisation des Nations Unis (O.N.U) créée en mai 1945 est aussi à souligner parce que, très tôt, les tribunes des Nations Unis se transformaient en haut-parleur pour les portes paroles des peuples colonisés. En effet, ces derniers ne cessèrent de saisir les Nations Unis pour plaider la cause des indépendances. Encore que l’O.N.U avait pris soin de préciser dans sa charte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
La politique des deux géants de l’après seconde Guerre Mondiale (USA et URSS) a aussi contribué à créer sur le sol africain des partis socialistes, communistes etc. déjà, à l’issue de la première Guerre Mondiale, le président Wilson proposait l’administration de certains territoires colonisés par un organisme international. Si les forces externes ont joué un rôle sur la route vers les indépendances africaines, les forces internes du Nigéria ont eux aussi eu un apport positif et pas des moindres.

2. Les causes internes

Ces causes trouvent leur essence dans la colonisation elle-même, et ses méthodes. En effet, la colonisation se présente comme un phénomène qui se posait en s’opposant. Car dans le même temps, les anglais disaient aux indigènes qu’ils sont égaux, mais dans la pratique, cette égalité était absente. Puis, les colonisés les prenaient aux mots en disant: « puisque vous voulez que nous soyons différents, allons jusqu’au bout. Nous voulons être différents même politiquement » (KI-ZERBO, 1972).
Le commandement indirect instauré par les anglais n’étaient pas toujours la bienvenue au Nigéria surtout pour les chefs traditionnels qui, en recevant le pouvoir, perdaient par la même occasion une partie de leur territoire. Parfois même, leur territoire était morcelé en plusieurs petits territoires. Notons également que les chefs qui n’épousaient pas la philosophie britannique étaient demis de leurs fonctions.
Enfin, il y a eu l’éducation qui a aussi favorisé l’essor du sentiment nationaliste au Nigéria. La plus part des nationalistes nigérians comme Obafémi Awolowo, Namdi Azikiwé, ou encore Aboubakar Tafawa Baléwa sont tous issus des écoles occidentales. La majorité de ces nigérians qui étudiaient à l’étranger, apprenaient des choses nouvelles comme les droits de l’homme et de retour au pays, ils voulaient les implémenter. Aussi, au cours de leurs études, ils rencontraient d’autres étudiants des contrées lointaines et africaines et ensembles, ils fondaient des associations au sein desquelles, ils échangeaient sur la situation coloniale et mettaient sur pied leurs stratégies. C’est le cas par exemple de Namdi Azikiwé (communément appelé Zik), le tout premier étudiant nigérian à étudier à l’université Lincoln de Pennsylvanie où étudiera plus tard le ghanéen Nkrumah. Azikiwé fût profondément marqué par les idées de Marcus Garvey et la lutte des noirs américains contre la discrimination raciale. De retour au Nigéria en 1934, il lança une chaine de journaux, qui orchestra une campagne nationaliste de très grande ampleur. Il alla jusqu'à déclarer qu’ « un jour, Londres et New York se verraient détruis par les avions des peuples noirs ». Entre 1941 et 1955, le nombre de syndicats passa de 50 à 177 au Nigéria, symbole de l’amplification qu’avaient pris les mouvements nationalistes et indiquant ainsi que la machine nigériane était résolument tournée vers l’indépendance. La contribution des différents acteurs sera décisive dans cette quête.

B. L’apport des acteurs

Azikiwé dont nous avons précédemment évoqué créa en 1938, le Mouvement de la jeunesse Nigériane « Nigerian Youth Mouvment » (N.Y.M) qui influença fortement la jeunesse des grands centres urbains comme Lagos. Rappelons cependant que Azikiwé se revendiquait beaucoup plus panafricaniste que nationaliste. A ses yeux, tous les africains devaient s’unir pour lutter contre la colonisation. Cette même année 1938, la N.Y.M revendiqua un statut commun entre les Etats membres du Commonwealth. En 1945, Obafémi Awolowo qui s’était retiré de la N.Y.M devenue fortement tribalisée et à consonance Ibo créa à Londres une association culturelle à base Yorouba dénommée Egbe Omou Oduduwa. Son optique étant l’autonomie Yorouba dans le cadre fédéral nigérian. Ce choix d’Awolowo finit par amener la N.Y.M à adopté la même position. Ainsi, Azikiwé se retira dans le Nigéria Oriental et créa le Conseil National du Nigéria et du Cameroun « National Council of Nigerian and the Cameroon » (N.C.N.C) avec des perspectives anticolonialistes et panafricaines. Ce parti devint plus tard le Conseil National des Citoyens Nigérians « National Council of Nigerian Citizens » (N.C.N.C).
La constitution Richards adoptée en 1945 se présenta comme une rupture avec les idées nigérianes qui tendaient à l’unification du Nigéria dans un Etat centralisé et à une nationalité commune alors que la constitution établissait une chambre fédérale dont 91% des membres seraient choisis par le gouverneur ou les chefs traditionnels. La N.C.N.C et le N.Y.M menèrent une opposition contre cette constitution en revendiquant que les nigérians devaient non seulement être associés aux discussions, mais aussi participer au pouvoir. Cette opposition qui finît par secouer tout le pays fût animée par les articles d’Azikiwé. Ses journaux furent même suspendus et en retour, Zik boycotta le conseil législatif. Cependant, d’autres journaux relayèrent la campagne et Zik passa finalement dans l’opinion publique comme un martyr. Une église nigériane (le zikisme) fût fondée à son intension le considérant comme un prophète et un nouveau christ.
En 1948, à la fin du mandat du gouverneur Richards, il fût remplacé par Sir John Macpherson. Ce dernier promît une nouvelle constitution, l’africanisation des postes de directions, la promotion de la démocratie et la création d’une université nationale qui fût inaugurée un an plus tard à Ibadan. Pour contrebalancer l’influence politique des centres urbains (Lagos, Calabar, Ibadan, Abeokuta, etc.), la Grande Bretagne décida de préparer la constitution non pas par les assemblées dominées par les mouvements politiques urbains, mais par la consultation à tous les niveaux depuis les villages jusqu’aux régions en passant par les districts et les provinces. Ainsi, les années 1948 et 1949 furent pout tout le pays une phase de structuration politique intense et de précision des programmes. On assista donc à la naissance de l’Action Group, de l’Union des Eléments Progressistes du Nord « Northen Elements People’s Union » (N.E.P.U) et du Rassemblement des Gens du Nord « Northen People’s Congress » (N.P.C), organisation culturelle lancée par des étudiants haoussa dont El Hadj Aboubakar Tafawa Baléwa.
La constitution Macpherson adoptée en 1951 renforça la régionalisation du pays amorcée par la constitution Richards. Ayant obtenu cette autonomie régionale, les partis du Sud (N.C.N.C et l’Action Group) demandèrent l’indépendance pour 1956. Le Nord s’y opposa en craignant d’être embarqué très tôt dans une indépendance pilotée par les sudistes. Cette attitude nordiste provoqua de violentes manifestations dont la Grande Bretagne pour calmer les tensions se trouva obligée de convoquer une réunion des principaux leaders à Londres puis à Lagos en 1954. A l’issue de ces réunions, tout en renforçant le pouvoir fédéral au dépens des attributions régionales, une reforme constitutionnelle eu lieu. Lagos, choisie comme capital devint autonome et l’autonomie des autres régions fut projetée pour 1956, date à laquelle, l’accession à l’indépendance serait envisagée.

III. L’indépendance

En 1957, la Grande Bretagne convoqua une conférence des principaux leaders à Londres pour statuer sur l’avenir du pays. A l’issue de cette rencontre, El Hadj Aboubakar Tafawa Baléwa, principal leader du N.P.C fût choisi comme premier ministre après qu’El Hadj Sir Hamadou Bello ait préféré rester premier ministre du Nord. Baléwa reçu pour mission de designer les membres de son cabinet dans le cadre d’une coalition politique incluant l’Action Group et la N.C.N.C afin de préparer le pays à l’indépendance. Entre 1957 et 1958, la préparation de la constitution du Nigéria indépendant eu lieu à Londres sous la direction du secrétaire colonial britannique. Le Nigéria y était représenté par Baléwa, Azikiwé, Awolowo, Bello et plusieurs autres leaders.
Le nouveau gouvernement choisît 1960 comme année de l’indépendance. Malgré des hésitations de dernière heure motivées par le fait que le Nord suivait difficilement le pas, l’indépendance fût proclamée le 1er octobre 1960. La coalition du N.P.C et N.C.N.C-N.E.P.U (représentant les partis du Nord et de l’Est) porta ces partis au pouvoir et Awolowo devint leader de l’opposition. Le 1er octobre 1963, la république du Nigéria fût à son tour proclamée avec Azikiwé comme premier président. Dès lors, les rivalités entre les trois régions (Nord, Sud et Est) pour le contrôle du pouvoir s’installèrent menaçant ainsi l’unité de la jeune nation. Ces différends régionaux alimentent les querelles politiques qui marquent l’histoire du Nigeria depuis son indépendance.

Conclusion


En guise de péroraison, nous avons dans le cadre de ce travail sur la décolonisation du Nigéria, fait un bref résumé de la situation coloniale, puis nous avons focalisé notre attention sur le chemin parcouru pour accéder à l’indépendance tout en insistant sur les causes internes, externes et le rôle des différents acteurs. Et enfin, nous avons montré comment et quand le Nigeria acquiert son indépendance. Il en ressort donc que, bien que le Nigéria soit passé par une décolonisation plus ou moins pacifique, les actions des nationalistes nigérians ont joué un rôle prépondérant dans le processus de décolonisation. Cet engagement doit son salut aux jeunes intellectuels qui, après des études accomplies à l’étranger décidèrent de retourner défendre la cause de leur mère patrie.

Bibliographie
1. Joseph, KI-ZERBO, Histoire de l’Afrique Noire, Paris Hatier, 1972
2. Encyclopédie Microsoft Encarta 2009
3. http://countrystudies.us/nigeria/20.htm
4. http://www.dawodu.com/madunagu2.htm
5. lcweb2.loc.gov/frd/cs/ngtoc.htm

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