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LA RAISON ET LE PARDON

Rédigé par:
- BOMBA MBALLA - MAMBOU HAPPY KELLY
- DEUGOUE SIAGA CHARLES CHRISTIAN - NOUTANG NOUTANG LOÏC
- DJOUWA YVES (chef) - NOUMSI DJUIGNE SANDRINE.C
- EYE FOUDA MBALLA JOSIANE épouse EDONGUE
- TCHOUGONE VANESSA
Enseignant : Pr TOUOYEM

Année académique : 2010-2011

PLAN :

INTRODUCTION


I. SENS ET ITINERAIRE DE LA RAISON

A. Le Rationalisme

B. Le Probabilisme

II. LE PARDON : notion philosophique ou religieuse ?

A. Conception Divine

B. Conception humaine


III. LES RELATIONS ENTRE PARDON ET RAISON

A. Raison et Pardon : deux notions apparemment dichotomiques

B. Raison et Pardon comme manifestation d’un humanisme pur


IV. RAISON ET PARDON DANS LA SOCIETE ACTUELLE



CONCLUSION
















Introduction :

La raison est cette faculté de l'esprit humain dont la mise en œuvre nous permet de fixer des critères de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal et de mettre en œuvre des moyens en vue d'une fin donnée. Elle permet donc de diriger la volonté de pardonner ou de demander pardon. Le verbe pardonner transpire de toute l’ambigüité du pardon. Littéralement, pardonner c’est faire grâce à quelqu’un des offenses qu’il a commises. D’entrée de jeu, il s’agit de répondre à la problématique qui est celle de savoir si la notion de pardon d’essence purement religieuse est compatible à la raison, notion philosophique ? Est-il possible via l’exercice de la raison d’aboutir au pardon ? Répondre à ces différentes interrogations nous conduira à développer dans une première partie la raison avec pour corollaire ses fondements théoriques ainsi que ses grands courants et penseurs , ensuite dans une deuxième partie répondre à la question le pardon est-il une notion philosophique puis montrer les relations existant entre la raison et le pardon, enfin conclure avec la raison et le pardon dans la société dans le but de montrer comment ces deux notions s’ appliquent dans la société.


I. SENS ET ITINERAIRE DE LA RAISON
La raison est une faculté de l'esprit humain dont la mise en œuvre nous sert à fixer des critères de vérité et d'erreur, de discerner le bien et le mal et de mettre en œuvre des moyens en vue d'une fin donnée. Si donc c’est un prédicat ontologique, c’est-à-dire un attribut lié à la nature humaine, l’on peut donc dire, et ça depuis l’antiquité grecque, que la raison est la pensée, cette faculté qui nous exempte du règne animal, comme Aristote le disait, l’Homme est un animal pensant. C’est aussi ce caractère qui lui confère le caractère d’ « animal politique »(Aristote). Pourtant les apports de la raison ont ceci de précis qu’ils nous fixent des normes et des règles, qui dès qu’elles sont transgressées, jettent sur le transgresseur un discrédit dont l’affront doit être lavé. Sertilange disait que « nul n’est censé ignorer la loi », pour corroborer avec Descartes, pour qui la raison, prise comme « le bon sens », « est la chose la mieux partagée au monde ». Cependant il importe de se rassurer du sens que prend dès lors la notion de « raison », en ce sens qu’elle peut se baser sur la perception empirique, et en même temps sur le rationalisme de Descartes et d’Emmanuel Kant.

A. Le Rationalisme
• Descartes
C'est à partir de ses intuitions des principes que Descartes propose de raisonner, c'est-à-dire de nous avancer dans la connaissance au moyen de la déduction. La déduction est ainsi un mouvement de la pensée, consistant en une série d'intuitions enchaînées, mises en relation par ce mouvement continu de l'esprit. Par ces séries d'intuitions reliées par le raisonnement, nous ramenons ce qui est inconnu aux principes, c'est-à-dire à ce qui est connu. Ainsi, en raisonnant sur la base de l'évidence, la pensée étend son domaine de connaissance au-delà des principes.
La méthode de Descartes ne prétend pas déduire a priori les phénomènes. Mais c'est l'expérience des cas particuliers qui met la pensée en mouvement, et cette pensée déduit et trouve de nouvelles connaissances. Néanmoins, si ce ne sont pas les causes qui prouvent les effets, il reste que la vérité est établie par des déductions à partir de principes, plutôt que par l'accord avec l'expérience. Ainsi Descartes est-il rationaliste quand il estime que la déduction est par elle-même suffisante pour valider la connaissance, et que ce sont les causes prouvées par l'expérience qui expliquent l'expérience. Cependant, lorsque l'expérience n'est pas conforme à ses principes, Descartes préférera privilégier les principes plutôt que de se plier à la réalité des résultats expérimentaux, parfois à l'excès.
Cette méthode scientifique étant établie, se pose alors la question de savoir quels sont les premiers principes : sur quoi notre pensée peut-elle se fonder pour s'assurer la certitude de ses connaissances ? Nous pouvons en effet douter de toutes nos connaissances.
Dans la sixième partie du Discours de la méthode, Descartes indique qu'il a cherché à trouver les « principes ou premières causes de tout ce qui est ou qui peut être dans le monde, sans rien considérer pour cet effet que Dieu seul qui l'a créé ».
La certitude que Descartes se propose de trouver est au contraire de la certitude seulement expérimentale, absolue, et c'est une certitude analogue à celle des démonstrations mathématiques qui nous font voir avec évidence que la chose ne saurait être autrement que nous la jugeons et qui ne donne pas prise au scepticisme :
« Ces longues chaînes de raisons, toutes simples et faciles, dont les géomètres ont coutume de se servir pour parvenir à leurs plus difficiles démonstrations, m'avaient donné occasion de m'imaginer que toutes les choses qui peuvent tomber sous la connaissance des hommes s'entresuivent en même façon, et que, pourvu seulement qu'on s'abstienne d'en recevoir aucune pour vraie qui ne le soit, et qu'on garde toujours l'ordre qu'il faut pour les déduire les unes des autres, il n'y en peut avoir de si éloignées auxquelles enfin on ne parvienne, ni de si cachées qu'on ne découvre. »
Ainsi, par le nom de science, Descartes n'entend-il rien d'autre qu'une connaissance claire et distincte. Le point de départ de la théorie de la connaissance ce qui sera retenu tout particulièrement par un cartésien comme Nicolas Malebranche c'est la simplicité et la clarté des premiers éléments. Mais cette pensée de l'évidence serait vide si elle ne prenait pour matière l'expérience, et ne procédait par induction, c'est-à-dire par l'énumération des éléments d'une question à résoudre. Seule une telle connaissance, en augmentant notre savoir, « en formant notre esprit à porter des jugements solides et vrais sur tout ce qui se présente à lui » (Règles, I) peut nous permettre de posséder toute la certitude et la vérité dont notre esprit est capable.
C'est pourquoi il faut dire également que toutes nos connaissances dépendent de notre entendement, et que ce dernier procède de la même manière dans toutes les sciences. Il y a ainsi pour Descartes une unité de la méthode, et il ne peut y avoir qu'une méthode vraie qui exprime l'unité et la simplicité essentielle de l'intelligence : la méthode en est la manifestation ordonnée.

• Kant
A partir des acquis de la Critique de la raison pure, Kant élabore une philosophie morale profondément nouvelle qui part du concept de loi morale valable pour tout être raisonnable, universelle et nécessaire.
Le titre même de cet ouvrage explicite le projet kantien : il s'agit, après Hume, de refonder la métaphysique sur des bases solides, et d'en faire une science rigoureuse, en imitant l'exemple de la révolution Copernicienne. De la même façon que Copernic a montré que la terre tournait autour du soleil et non l'inverse, Kant affirme que le « centre » de la connaissance est le sujet connaissant (l'homme ou l'être raisonnable), et non une réalité extérieure par rapport à laquelle nous serions simplement passifs. Ce n'est donc plus l'objet qui oblige le sujet à se conformer à ses règles, c'est le sujet qui donne les siennes à l'objet pour le connaître. Ceci a pour conséquence immédiate que nous ne pouvons pas connaître la réalité en soi mais seulement la réalité telle qu'elle nous apparaît sous la forme d'un objet ou phénomène la critique Kantienne est ainsi une tentative de dépasser l'opposition entre le « dogmatisme », ou l’idéalisme, et le « scepticisme », représenté par l'empirisme humain : « la métaphysique est un champ de bataille », dit-il ainsi dans la première Critique. D'après Heidegger, Kant aurait été le premier philosophe à ne pas se contenter de rejeter la métaphysique traditionnelle, mais qui aurait compris son travail philosophique comme une refondation de la métaphysique.
Cette refondation est, dans le même temps, assignation de limites à l’entendement humain : Kant va établir une ligne de partage entre ce qui est accessible à la raison humaine et ce qui la dépasse, permettant ainsi de distinguer la science d'une part, et ce qui relève de la croyance (c'est-à-dire la spéculation) d'autre part. Tout énoncé prétendant formuler une vérité certaine sur Dieu est ainsi qualifiée de « dogmatique » : le projet même d'une théologie rationnelle, dans sa forme classique (qui passe par exemple par les «preuves de l’existence de Dieu ») est ainsi invalidé. Réciproquement, toute profession d’athéisme qui voudrait s'appuyer sur la science pour affirmer l'inexistence de Dieu est, elle aussi, renvoyée du côté de la simple croyance: toutes ces questions, qui concernent les Idées transcendantales (Dieu, l’âme et le monde), sont hors de portée de l'entendement humain. C'est pourquoi Kant écrit, dans sa préface à la Critique de la raison pure: « Je dus donc abolir le savoir afin d'obtenir une place pour la croyance (au sens d'une spéculation métaphysique) ».
Limiter les prétentions de la raison : telle est dans le fond la solution que veut apporter Kant à la crise de la métaphysique. Cette limitation n’est possible que par une critique complète de la raison par elle-même.

B. L’empirisme
Supposez qu’un homme, pourtant doué des plus puissantes facultés de raison et de réflexion, soit soudain transporté dans ce monde ; il observerait immédiatement, certes, une continuelle succession d’objets, un événement en suivant un autre ; mais il serait incapable de découvrir autre chose. Il serait d’abord incapable, par aucun raisonnement, d’atteindre l’idée de cause et d’effet, car les pouvoirs particuliers qui accomplissent toutes les opérations naturelles n’apparaissent jamais aux sens ; et il n’est pas raisonnable de conclure, uniquement parce qu’un événement en précède un autre dans un seul cas, que l’un est la cause et l’autre l’effet. Leur conjonction peut être arbitraire et accidentelle. Il n’y a pas de raison d’inférer l’existence de l’un de l’apparition de l’autre. En un mot, un tel homme, sans plus d’expérience, ne ferait jamais de conjecture ni de raisonnement sur aucune question de fait ; il ne serait certain de rien d’autre que de ce qui est immédiatement présent à sa mémoire et à ses sens. Ce que David Hume (dans Enquête sur l’entendement humain, Garnier-Flammarion, 1983.) essaye de dire, c’est que les sens sont trompeurs et ne nous donnent qu’une perception directement liée au milieu où le penseur se trouve. Cette perception étant donc partielle, la réalité apparait alors incomplète. C’est précisément là qu’intervient la logique hypothético-déductive du Probabilisme, tel que Hume le développe.

II. LE PARDON

Etymologiquement, le terme pardon vient de « per-donaré », qui signifie un don superlatif. Cependant au vue de ses différentes approches il est observé trois définitions :
-une action par laquelle on renonce à garder du ressentiment ou de la rancune à un pair qui nous a offensés.
-une mesure de justice en général exceptionnelle par laquelle l’autorité renonce à faire appliquer la peine prévue à l’encontre d’une personne ayant commis une infraction.
-un acte par lequel Dieu, dans les religions judéo-chrétienne ou islamique, absout les péchés d’une personne.
Au vue d’une telle pluralité de sens, il ressort deux principaux aspects de cette notion : les conceptions divine et humaine.

A. Conception Divine
Le pardon ne peut être donné qu’au cœur qui s’est de lui-même converti. Pardonner, c’est, non pas oublier le crime (l’amnistie n’est pas une amnésie), mais reconnaître au criminel le droit de se différencier radicalement de son acte, de devenir en quelque sorte un autre homme, un homme nouveau qui, plus jamais, ne pourrait recommencer l’offense dont l’homme ancien s’était rendu coupable. Seul peut être pardonné celui qui demande pardon, et qui le demande de tout son cœur et du fond de son âme. L’authenticité de la conversion se mesure au ton de la supplication. Il a été révélé dans le Coran que le pardon est un trait de moralité supérieur : "Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires." (Coran, 42 : 43) Pour cette raison, les croyants sont des personnes clémentes, compatissantes et tolérantes, qui, comme le révèle le Coran, "… dominent leur rage et pardonnent à autrui". (Coran, 3 : 134).La notion du pardon chez les croyants est très différente de celle des personnes qui n'adhèrent pas à la moralité décrite dans le Coran. Bien que de nombreuses personnes puissent dire qu'elles ont pardonné à quelqu'un qui les a offensées, cela prend cependant beaucoup de temps de se libérer de la haine et de la rage dans leur cœur. Bien souvent leur comportement trahit cette colère. D'un autre côté, le pardon des croyants est sincère. Parce que les croyants savent que les êtres humains sont testés dans ce monde, et apprennent par leurs erreurs, ils sont tolérants et compatissants. De plus, les croyants sont aussi capables de pardon même s'ils ont raison, et que l'autre personne a tort. Lorsqu'ils pardonnent, ils ne font aucune distinction entre les grandes et les petites erreurs. Une personne peut leur occasionner de sévères pertes par erreur. Cependant, les croyants savent que toute chose a lieu sous les ordres de Dieu, et conformément à une destinée spécifique, ils acceptent donc tous les événements, en ne s'y opposant jamais avec colère. Comment, en effet, pourrions-nous dire à Dieu « Pardonne-nous comme nous pardonnons »… si nous ne pardonnons pas ? Il ne fait pas de doute que l’enseignement de Jésus sur ce point est formel : d’homme à homme le pardon est un devoir illimité pour le Chrétien. Un homme accoutumé au pardon est accompagné de sérénité et de beauté ; il peut regarder du côté du ciel avec confiance, quelles qu’aient pu être par ailleurs ses erreurs et ses fautes ; parce qu’il a beaucoup pardonné ; Dieu lui pardonnera aussi beaucoup. Cependant le pardon illimité que le Christ nous prescrit est soumis à des conditions ; s’il doit être illimité il n’a pas à être inconditionnel. Et la condition c’est la repentance du coupable. Le pardon porte alors, non sur l’acte lui-même ni sur les conséquences qu’il provoque dans le monde, mais sur l’intention qui le motive. Le pardon chrétien prend donc appui sur l’intériorité de l’âme et non sur l’extériorité du monde. Il s’enracine dans une disposition subjective, non dans une situation objective.
B. Conception Humaine
Le pardon inclut un accord, ce qu’il y a de plus factuel, palpable, physique, basé sur les faits et quelque fois sur la décision d’un juge, car chacun ici est conséquent de ses actes, et la seule façon de se détacher du conflit occasionné est une sorte de consensus. Cet exercice est traduit par le mot « Suggnômê »(se prononcer pour, se mettre du côté de),pardon en latin, qui se prolonge enSuggignôskô (c'est-à-dire ici reconnaître ensemble, tomber d’accord, convenir d’un même principe), qui veut dire pardonner. Le pardon est ici, la sentence qui restaure l’accord

III. LES RELATIONS ENTRE LA RAISON ET LE PARDON

La Raison qui est la capacité de distinguer le bien du mal, le beau du laid est également celle qui nous révèle la nécessité du pardon, que ce soit un pardon dans un rapport personnel ou à l’autre. De ce fait nous pouvons relever un enjeu critique qui est celui de savoir si toutes les fautes sont pardonnables ? Si oui, qu’est ce qui pourrait nous empêcher par l’exercice et la compréhension de la raison comme, une valeur intrinsèque à tous les hommes mais marquée par des particularités d’homme à homme ou de société à société, vu que la raison est issue de notre intellect, de notre expérience de la vie, de nos sentiments c'est-à-dire de notre environnement, d’aboutir sur le pardon d’une faute en cas de conflit, ou alors qu’est ce qui nous permettrait en cas de conflit d’aboutir sur une situation où le pardon voit le jour au final. Il s’agit pour nous dès lors de présenter dans quelle mesure le rapport de la raison au pardon est faussé tant sur le plan philosophique, qu’au déploiement de la réflexion, et d’autre part de présenter le rapport positif entre la raison et le pardon.
A. Raison et Pardon : deux notions apparemment dichotomiques
La raison et le pardon affiche une dichotomie tant sur le plan des champs d’étude que sur la nécessité de s’accorder, l’un comme étant la finalité de l’exercice de l’autre.
1. Le refus philosophique du pardon
S’il est une notion dont on ne peut guère contester l’origine, c’est bien celle du pardon. Elle est traditionnellement circonscrite au domaine religieux et se déploie dans le champ des 3 grands monothéismes. La philosophie quant à elle, est fondée en première approximation à lui refuser l’hospitalité dans sa sphère propre, conformément à l’enseignement du rationalisme classique .La plupart des grandes philosophies évacuent le pardon de leur territoire en s’appuyant sur de solides arguments à l’instar des Stoïciens et des rationalistes.
La pensée stoïcienne
Les stoïciens, ont toujours pris soin de refuser le pardon en avançant deux principaux motifs :
• Le sage est celui qui ne doit pas se laisser dominer par ses émotions quelles qu’elles soient car la raison doit toujours l’emporter.
• Non seulement il ne doit pas céder à la colère ou à la haine mais le chagrin, la compassion, la pitié sont autant de concession à la passion et de recul à la raison. Cependant Epictète ajoute, si nous ne pouvons nous empêcher d’éprouver un sentiment, il est préférable que ce soit plutôt la pitié qui l’emporte sur la haine.
• La seconde objection adressée au pardon est son injustice structurelle. En effet, une peine méritée accordée selon le bon vouloir de l’offensé, du juge ou du prince vient perturber l’ordre juridique et même le contredise puisque la règle du droit ne serait pas la même pour tous.
L’attitude stoïcienne par la voix de Sénèque par exemple recommande la sérénité mais exclut la cruauté. Elle refuse le pardon mais invite à la démence (par exemple la maitrise de soi lorsqu’on a le pouvoir de punir). Elle réclame la justice mais ne veut point la vengeance .Elle applique le droit mais tient compte des circonstances atténuantes.

La pensée rationaliste
Dans le même ordre d’idée que les stoïciens, les rationalistes recusent le pardon. Ainsi pour Spinoza, il importe de ne jamais permettre aux méchants de tirer avantage des maux commis en échappant à la justice. De même Kant assimile le pardon à l’impunité, forme suprême de l’injustice .Parce que le pardon est contingent et gratuit, il parait arbitraire et impossible à universaliser. C’est pourquoi le Kantisme lui dénie tout fondement. Aussi a-t-il été soutenu que le pardon est impossible à qui veut penser, vivre et agir rationnellement, objectivement, avec cohérence et rigueur : le philosophe ne se venge pas mais ne peut pardonner.

2. Rapport biaisé
La relation entre la raison et le pardon n’est pas rendu évidente du fait de plusieurs paramètres qui viennent faussées leur adéquation. Il s’agit notamment de la haine, du mensonge, des préjugés, des stéréotypes, d’une forte émotivité et du refus compréhensif de la raison de l’autre en tant que raison comme la mienne mais différente de la mienne.
Dans le cas de la haine, nous voyons tout de suite qu’elle peut découler soit des complexes, soit de l’envie ou alors de la non-ouverture à l’autre, car le considérant comme un homme à l’état de nature mauvais comme démontré par Nietzsche. Selon ce postulat, l’homme est un loup pour l’homme ce qui revient à dire qu’il n’y a point de rapport humain entre les hommes mais plutôt des rapports d’animaux constitutifs de cette haine qui aveugle les hommes et leur comportement. Cette considération de l’homme comme un être mauvais ne peut que butter sur une perduration de rapport haineux entre les hommes, au manque de rapports sains et donc au manque de pardon, à Robert Hollier de dire "l’amour déçu pardonne. L’orgueil humilié ne pardonne pas". Ainsi s’il vaille être un pardon, il ne peut qu’être théâtralisation ceci par l’exercice du sophisme du loup ou encore de l’esthétique du mesquin au sens de Touoyem.
Le mensonge également empêche à la raison et au pardon de s’accorder, surtout parce qu’il nuit à la compréhension du coupable, car par l’exercice de la raison nous sommes capable de déceler la vérité du mensonge bien que ce soit de manière probabiliste. Prenons un exemple afin de mieux étayer nos propos, s’il vous arrive d’entrer en conflit avec un individu et que vous êtes dans une position de victime, mais vous désirer que le conflit prenne fin car il vous nuit plus qu’au coupable, vous pouvez décider de trouver un consensus ou de le pardonner, mais le processus sera rendu difficile voir impossible par des perpétuels mensonges, qui ne font que vous irriter, perpétuer le conflit et lui donner de l’ampleur. Désormais le seul pardon que vous pourriez lui accorder sera le pardon divin car vous recherchez la paix intérieure, et il faut bien le savoir on ne pardonne pas que lorsqu’il nous l’est demander.
Les préjugés et les stéréotypes sont quant à eux des biais sociaux qui nuisent à la compréhension de l’autre et sont pour la plupart source d’enlisement des conflits, n’accordant pas une grande place à la compréhension de l’autre tel qu’il est, vu que ce sont des idées reçus qui empêchent d’accorder la raison au pardon. Allport définissait les stéréotypes comme des jugements par clichés socialement partagés c'est-à-dire des idées rigides associées à des groupes de personnes. Les préjugés quant à eux sont des réactions émotionnelles envers un individu sur la base du sentiment que l’on éprouve à l’égard du groupe auquel il appartient.
La forte émotivité est également néfaste pour l’accord entre la raison et le pardon dans la mesure où la raison se voit dérouté par les passions au sens d’Emmanuel Kant. Ainsi selon Kant l’homme fortement émotif est irréfléchi. Cet état ne met pas long, il est passager, éphémère et soudain, il peut découler soit d’une frayeur, soit de la colère, ce qui amène l’être affecté à ne pas raisonner normalement ou comme l'homme équilibré, la forte émotivité a comme un effet d’aveuglement qui compromet la lucidité, ce qui nuit à sa compréhension du pourquoi le conflit et sur la nécessité de pardonner ou de demander pardon.
Nous pouvons enfin citer la dernière entrave à la cohésion de la Raison au pardon, en ce sens qu’il s’agit du mauvais exercice de la raison ou de l’incompréhension de la raison de l’autre en tant que raison inhérente à tout les hommes mais ayant des particularités suite à l’environnement dans lequel il est constitué. Selon ce postulat nous pouvons donc dire que la raison et le pardon se déploient de manière différente, variant selon les individus et les sociétés. Ceci doit être compris pour une meilleure cohésion sociale et pour une meilleure résolution des conflits.
B. Raison et pardon comme manifestation d’un humanisme pur
Si la raison et le pardon présentent une quelconque dichotomie, tant bien sur l’établissement de ce qu’est le pardon par l’exercice de la raison que sur la cohésion difficile a établir quant à la manifestation du pardon suite a la volonté de raisonner, il est nécessaire de montrer que plusieurs auteurs de philosophies ont effectués un dépassement de la pensée établie par les rationalistes et les stoïciens et ont traités du pardon de manière philosophique, ce qui nous a permis ensuite de montrer la cohésion entre ces deux notions.
1. Etablissement philosophique du pardon
La philosophie en délimitant son territoire formellement distinct de la religion ne s’interdit pas de puiser son inspiration dans celle-ci. Par exemple les notions de personne qui doit à la culture grecque et du droit romain ainsi que la création caractéristique du judaïsme et du christianisme reprise par Descartes et Bergson ne sont-elles pas des intégrations philosophiques des notions théologiques ? De même le pardon qui est sans justification rationnelle ou juridique « don gracieux de l’offensé à l’offenseur (Jankélévitch) » fait également partie des deux notions citées plus haut aptes à prendre place dans le champ religieux . La philosophie de Hegel réserve au pardon une place singulière dans la dialectique de la « reconnaissance » de l’autre. Le pardon est le moment de l’égalité avec autrui moment ou une conscience dégagée de toute action dans le monde, renonce à son attitude surplombante, arrogante, hypocrite et cesse de juger ceux qui se compromettent dans l’action. Nous allons démontrer à travers quatre éminents penseurs contemporains comment s’est réalisée l’intégration du pardon dans le champ philosophique à savoir Hannah Arendt, Vladimir Jankélévitch, Jacques Derrida et Paul Ricœur.

• Hannah Arendt : Le pardon dans l’action humaine
Réfléchissant aux conditions de possibilité de l'action humaine, Hannah Arendt indique comment l'homme lutte contre l'imprévisibilité de l'avenir et l'irréversibilité du passé. Par la faculté de pardonner, il peut dénouer les liens du passé. Plus précisément, le passé et son cortège de malheurs ne sauraient être effacés puisque le temps écoulé est par nature impossible à modifier. Elle désigne le pardon comme l'une des conditions de l'agir humain et en signale l'origine religieuse. «C'est Jésus de Nazareth écrit-elle, qui découvrit le rôle du pardon dans le domaine des affaires humaines. Qu'il ait fait cette découverte dans un contexte religieux, qu'il l'ait exprimée dans un langage religieux, ce n'est pas une raison pour le prendre moins au sérieux en un sens strictement laïc». La tradition chrétienne, en cela héritière de la tradition juive, rappelle que le pardon n'est pas un privilège de Dieu, mais qu'il y a urgence à le corréler avec le pardon humain, ainsi qu'en témoigne la cinquième demande du Notre Père, la prière que Jésus a enseignée à ses disciples. «Remets-nous nos dettes comme nous aussi avons remis à nos débiteurs». Le pardon qui est exactement la remise de la dette selon l'expérience chrétienne se voit donc reconnaître un rôle dans les affaires humaines. Le futur peut être à nouveau ouvert, d'autres commencements peuvent être envisagés. En conclusion de son analyse du pardon, Hannah Arendt souligne le caractère miraculeux de l'action humaine.

• Vladimir Jankélévitch : grandeur du pardon mais aussi de l'impardonnable

Vladimir Jankélévitch a proposé une méditation philosophique sur le pardon à partir de l'irruption de la Shoah dans l'histoire. Ce grand moraliste a expérimenté dans sa chair de juif et son intelligence de philosophe, l'impossibilité de pardonner ce qui a été, à travers le génocide, une atteinte à l'humanité de l'homme, comme il l'explique dans les textes réunis sous le titre L'imprescriptible. Mais à côté de cette position véhémente et pessimiste, Jankélévitch, dans un livre intitulé sobrement Le Pardorfi, a su trouver des mots d'une grande noblesse pour faire l'éloge du pardon dans sa forme la plus gratuite et la plus désintéressée. Dans cet ouvrage, qu'il tient à nommer «un livre de philosophie» l'auteur a formé le projet de présenter le pardon en utilisant rigoureusement les procédures philosophiques et en opposant à l'éthique stoïcienne, l'éthique juive et chrétienne, L'essentiel est ici de repérer qu'une notion d'origine religieuse a pu être soumise à une élaboration philosophique.


• Jacques Derrida : la généralisation du pardon abrahamique
De son coté, Jacques Derrida observe d'abord que le concept d'essence religieuse se dissémine dans des aires culturelles auxquelles il était étranger, comme le Japon et la Corée. Le pardon, qui appartient à un héritage «singulier» (Jacques Derrida l'appelle abrahamique pour rassembler les trois grands monothéismes), est en voie d'«universalisation». C'est ainsi qu'il faut comprendre la prolifération des scènes de repentir et de pardon pour prendre en compte l'effet de christianité romaine qui surdétermine aujourd'hui tout le langage du droit politique, et même l'interprétation dudit «retour du religieux». Pour Jacques Derrida, le pardon relève d'une «folie de l'impossible». Avec Jankélévitch, il admet qu'il y a de l'impardonnable, mais ajoute que c'est précisément en ce point qu'un authentique pardon pourrait se manifester. À ses yeux, pour que le pardon soit conforme à son essence de geste purement désintéressé, il faut qu'il revête un degré d'absoluité au point d'être rigoureusement inconditionnel. Si l'on pardonne en vue d'un intérêt plus ou moins masqué, comme il arrive dans les procédures d'amnistie ou de réconciliation, alors on manque la totale gratuité du pardon. Allant très loin dans la recherche de l'absolu, Jacques Derrida refuse que l'on sépare le coupable de son acte lors du geste de pardon. Car si l'on pardonne à celui qui s'est déjà repenti, pardonne-t­ on au coupable en tant que tel, ou à un autre désormais meilleur? Si le repentir est la condition du pardon, celui-ci ne mérite plus son nom car il est, par nature selon notre philosophe, rigoureusement inconditionnel. On comprend que le pardon doive être chose rare, exceptionnelle, au point d'être fou, inintelligible, et, surtout a-juridique. Selon le mot de Paul Ricœur, à la notion de pardon qui se trahirait dès lors qu'il rencontrerait un début de réalisation, on retrouverait aisément le même schéma dans l'ensemble de la philosophie derridienne en explorant d'autres concepts qui ont une consistance propre dans la sphère de l'héritage abrahamique, tels que l'hospitalité, la justice ou le don.

• Paul Ricœur : le pardon difficile
Reconnaissant sa dette à l'égard des trois philosophes que nous avons mentionnés (Jankélévitch, Arendt, Derrida), Paul Ricœur, au terme d'un ouvrage remarquable, La Mémoire, l'histoire, l'oubli, a consacré un épilogue substantiel à la question du pardon. Le pardon n'est pas impossible mais difficile, préfère dire Ricœur. Peut-on déceler dans cette thèse philosophique une influence des convictions chrétiennes de l'auteur? Probablement, mais à la condition de ne pas confondre les conditions profondes et intimes de l'élaboration d'une pensée et sa dynamique singulière et autonome. La philosophie de Ricœur n'est pas une philosophie chrétienne. L'amnistie dans la cité athénienne fonctionne comme une institution de l'oubli, mais fondée sur une dénégation de la violence fondatrice sur laquelle se construit la paix civique. La mémoire oublieuse est la condition du politique. «Tel est l'enjeu spirituel de l'amnistie : faire taire le non-oubli de la mémoire. C'est pourquoi le politique grec a besoin du religieux pour soutenir la volonté d'oubli de l'inoubliable, sous la forme d'imprécations à l'horizon du parjure». Enfin il recourt à la philosophie kantienne de la religion pour rappeler que la disposition au bien est originaire, et que nous avons à viser la restauration en nous de cette disposition primitive au bien. Sans doute, la thématique kantienne n'est pas adaptée à la problématique du pardon et de la repentance, mais, malgré les critiques adressées aux formes historiques des religions monothéistes par Kant, la conviction d'une possible «libération du fond de la bonté de l'homme» s'appuie sur «une relecture philosophique des vieux mythes traitant de l'origine méta ou transhistorique du mal».
De ce quadruple parcours, il ressort nettement que la notion de pardon est en train de trouver droit de cité dans l'espace philosophique, ce qui ne l'empêche pas de poursuivre sa carrière dans l'espace religieux où sa structure et ses exigences sont assurément de nature différente. Mais notre brève enquête, à partir d'un concept d'origine religieuse fait apparaître que nous pouvons philosopher d'une manière complètement indépendante du mode de penser religieux sans pour autant nier la réserve de pensée contenue dans l'expérience religieuse.


2. Rapport positif
La raison comme nous l’avons dit plus haut est inhérente en tout être humain, cependant elle doit être éduqué et donc renferme des particularités, d’hommes à hommes ou de sociétés à sociétés, ceci dépendant de l’environnement dans lequel on évolue et donc des constituants affectant la raison. De ce fait la raison ne peut être portée en une valeur universelle comme si une femme belle l’est pour tout le monde au sens de la loi de la beauté universelle de Gesthalt, mais plutôt en valeur à la fois universelle dans sa manière de se déployer et relative quant aux facteurs l’affectant et la dirigeant. Ainsi le pardon ne peut être atteint qu’après avoir fait un usage de sa raison dans la nécessité de comprendre les agissements d’autrui, ce qui nécessite de recourir au "probabilisme" au sens de David Hume plutôt qu’au rationalisme de Kant, car lui seul nous permet de nuancer nos jugements et notre réflexion. La compréhension de la raison d’autrui ou d’autrui est ici nécessaire dans la mesure ou elle seul nous permet d’accéder au pardon ou à demander pardon, Jean Paul 2 disait a cet effet "l’homme qui pardonne ou qui demande pardon comprend qu’il y’a une vérité plus grande que lui", en effet il ne s’arrête pas sur sa condition d’homme mais essaye de transcender le monde, et comme il s’agit des hommes ici et de la nécessité de la compréhension de ces derniers, la transcendance est d’autant plus importante. En effet afin de pardonner il faudrait comme le pensait Heidegger se déployer en l’autre afin de comprendre son agir et de le pardonner ou alors de lui demander pardon. Afin de mieux nous faire comprendre nous allons faire recours à un texte de Vladimir Jankélévitch sur le pardon, où il montre comment la compréhension est la clé du pardon, qu’il appelle "l’excuse partitive". En effet, comprendre c’est pardonner. Cela signifie que comprendre est la seule manière de pardonner, mais aussi que le pardon découle de la compréhension.


IV. RAISON ET PARDON DANS LA SOCIETE ACTUELLE

Le tourment dans lequel l’humanité baigne depuis de nombreux siècles pose la question d’une nécessaire réflexion philosophique contemporaine sur « le pardon » .Que l’on songe à l’esclavage qui s’ est soldé par la déportation de milliers de Noirs africains de leur espace originel vers l’inconnu dans le but de servir les intérêts basiques de l’occident; ceci sous les coups des matraques de leurs bourreaux ou du désir des dirigeants nazis de l’Allemagne Hitlérienne d’exterminer les juifs dans les camps de concentration , sans oublier les nombreux génocides : Arménien, Rwandais , Bosniaque . L’humanité doit observer un temps d’arrêt et faire le bilan de sa déshumanisation, de sa criminalité bestiale .Dans un souci de reformes morales et intellectuelles le pardon trouve sa raison d’être pour mettre fin au cycle criminel des hommes introduit par le rapport « maitre-esclave ».Lequel nie toute possibilité d’envisager le pardon car comment concevoir qu’un offenseur du haut de sa couronne, de son prestige puisse demander pardon sans entraver son honneur, sa fierté, son image publique ou sa volonté de puissance. C’est pourquoi les philosophes comme Nietzsche récuse la morale du ressentiment et refuse radicalement le pardon car le mal subi ne devrait pas entamer la souveraineté de soi-même ou un refus de l’affirmation de soi. Ainsi le pardon rencontre dont des obstacles liés à l’ « ego »naturel des hommes ; et d’un autre coté lorsque l’offensé renonce à la réparation du préjudice ou du crime commis, le pardon est souvent perçu comme lâcheté et aveu d’impuissance qui cache la posture d’un être complexé incapable d’enfiler à son tour le manteau de bourreau (obstacles sociétales). Cela pourquoi ? Est-ce sûrement et simplement parce que l’humanité se plaît à vivre dans ce cycle de « Vendetta-Omerta» savamment construit et bien sophistiqué au cours de son histoire ? C’est que la question du pardon ne s’est jamais vue accorder l’intérêt qu’on devrait lui assigner à l’exception de la signification purement religieuse que la philosophe Hannah Arendt dans son ouvrage La condition de l’homme moderne situe : « la première théorie du pardon remonte au Nouveau Testament selon lequel les hommes, et en particulier Jésus, se voient accorder le droit de pardonner, droit qui était jusqu’à présent réserver à Dieu ». D’après cette théorie, si les hommes peuvent pardonner, c’est parce que les hommes qui font le mal le font le plus souvent par ignorance. Ils font le mal parce qu’ils ne voient pas le bien. C’est ce que Hannah Arendt appelle le manquement ou l’inachèvement naturel de l’homme chez E. Kant. Les partisans de la justice envisagent la résolution des conflits très souvent sous la bannière des tribunaux et du principe qui veut que la peine soit toujours proportionnelle au crime commis pourtant le pardon pourrait avoir un sens moral plus profond que la justice dans la mesure où la réparation n’est qu’une vue de l’esprit car l’erreur est irréparable, la perte d’un pied ne peut vous être compenser, de plus il n’y a pas toujours reconnaissance de la faute; or dans le pardon on reconnaît l’erreur, sans pour autant prétendre la réparer puisque le mal est déjà fait. Le pardon peut donc apparaître comme une victoire de la vie sur la mort car, rester au degré d’injustice ou de regret, c’est ne plus avancer et plonger dans l’infirmité à vie. Ensuite la justice dans son désir de trouver le responsable, le coupable empêche l’homme de mettre fin à la terrible loi du silence qu’est l’Omerta : le succès de la commission vérité et réconciliation en Afrique du Sud est sans doute du à son caractère non répressif. Ce qu’il faut savoir est que nous ne nions pas le rôle de la justice mais, nous pensons simplement qu’elle ne saurait tout résoudre. Le pardon a un sens plus profond et démontre la capacité de l’être humain à transcender, à dépasser la conjecture matérielle. C’est une manifestation du supplément d’âme dans laquelle l’esprit en ressort plus fort. L’esprit du pardon est que l’être humain est perfectible ; bien qu’il fasse des erreurs, il peut en apprendre d’elles et en ressortir meilleur : l’existence est donc un humanisme. S’il est donc vrai que l’homme se caractérise par sa capacité à déterminer son futur de manière positif, il n’est pas question d’ériger une société de pardon dans laquelle le pardon perdrait tout son sens et sa substance. Le pardon doit être dépouillé de l’emprise d’une idéologie à la solde de la domination car il implique nécessaire un changement comportemental, une transformation mentale du pardonné. Pour ce qui est de la société postcoloniale africaine, le pardon ne trouvera de sens que s’il ne s’apparente pas à un blanchiment des crimes, dépourvu de toute résonance éthique, ceci pour mieux renforcer une position dominante, il ne doit pas être conçu sur le matérialisme historique qui voudrait que les perdants soient les coupables et les gagnants les victimes, car au terme d’une guerre, la criminalité est toujours partagée. L’une des tâches de la philosophie aujourd’hui est de trouver une signification humaine du pardon, signification nécessaire à la catharsisation de nos âmes tourmentées. Marivaux n’affirme t-il pas dans la comédie l’Isle des esclaves que, pour être capable de pardonner, il ne faut pas être seigneur, il faut « avoir le cœur bon, de la vertu et de la raison(…) voilà ce qui fait qu’un homme est plus qu’un autre ».
Cas particulier : La Raison d’Etat comme moteur de la théâtralisation du pardon
Dans son acception moderne, elle est la notion par laquelle un Etat justifie ses actions lorsqu'il poursuit son intérêt national aux dépens de la morale, du droit ou d'autres impératifs. Il s'agit alors d'une notion qui résonne avec celle de secret d’Etat ou d'autres formes de privilèges que l'État s'octroie au nom de sa survie et de l'intérêt général à l'aune duquel ses partisans considèrent qu'on peut sacrifier les intérêts particuliers. Ce sens moderne dérive cependant d'un autre sens, qui serait apparu avec Machiavel, et qui désigne un genre de littérature tendant à expliquer les préceptes et moyens de gouverner, en s'opposant à la littérature médiévale des miroirs des princes, laquelle était caractérisée par la nature moralisante de ses préceptes. C’est une notion qui désigne l’intérêt de tout Etat à s’affranchir de la morale et du droit, ou de tout autre impératif, lorsqu’il poursuit un objectif supérieur considéré comme essentiel pour sa continuité, sa stabilité, voire sa survie. Elle est cette raison mystérieuse inventée par la politique pour autoriser ce qui se fait apparemment sans raison. Dans cette stratosphère particulière, il n’y a donc guère de place pour les procédures, les principes démocratiques, l’éthique et le respect des libertés fondamentales. La politique s’y exprime dans tout son cynisme et toute sa violence. Parfois, la raison d’Etat est « localisée » dans certains documents classés « secret défense ». Le plus souvent, elle plane au-dessus de tous. Chacun y pense sans toutefois la nommer. Elle est même confortée par la Constitution qui confère une immunité pénale absolue au chef de l’Etat le temps de son mandat (sauf en cas de haute trahison). Ce qui à notre avis rend assez vaine l’audition de Nicholas Sarkozy réclamée par les familles des victimes de l’attentat de Karachi, (il s’agit d’un attentat fait aux bénéficiaires dans le processus des investigations concernant les élections de Jupée). En revanche, si ce financement occulte présumé est susceptible d’éclabousser directement le pouvoir exécutif en place, et plus particulièrement le président de la République en fonction, il y a dès lors matière pour que cette raison d’Etat fasse obstruction à l’enquête au nom de la stabilité et des intérêts du pays. Généralement dans ces affaires la vérité est éventuellement connue, mais beaucoup plus tard lorsque tout danger pour l’Etat est écarté. Voici selon Machiavel, ce à quoi renvoie cette raison d’Etat: La raison d'État classique ou casuistique et secret d'État. Pris dans ce sens, l’on comprend que c’est au non de cette raison qu'il est permis au pouvoir de déroger aux lois si l'utilité publique l'exige, d’après les conditions suivantes :
. La fin doit être l'utilité publique, non l'utilité de ceux qui détiennent le pouvoir. . Le pouvoir qui s'en réclame doit être légitime selon les normes propres à chaque constitution
. Les moyens employés dérogent à la légalité sans que celle-ci soit abolie : les mesures extraordinaires, exorbitantes sont l'exception qui confirme la règle. . Les circonstances doivent comporter l'urgence et la « nécessité » : c'est l'excuse de nécessité. Avec les modalités de la raison d’Etat ainsi édictées, nous convenons que cette raison est un des moteurs de la théâtralisation du pardon dans la mesure où au nom de l’Etat un individu ou groupe d’individus peut se permettre d’avilir, de détruire et d’écraser les droits fondamentaux des autres et, plus tard, par de vains discours politiques demander un pardon dans l’optique que l’auditoire puisse faire preuve d’une conscience impardonnable ( selon le temps et la raison), mais s’octroyer, s’arroger et s’accaparer d’un pardon « mérité », au nom de la stabilité nationale, en plus on ne sait qui du président, des membres du gouvernement ou des administrateurs est réellement responsable de l’acte pour le quel le pardon est prêché, actes qui pendant les discours politiques changent de noms, en d’autres termes, tout le monde sauf personne n’est responsable, Kolélas Bernard du Congo Brazzaville dans son allocution du 9 Décembre 2005 en est une des preuves les plus récentes . De plus, il n’y a pas besoin d’un face à face ou d’un consensus, parce qu’au final, malgré tout, l’Etat se pardonnera et se fera pardonner, d’où la banalisation du pardon qui donne lieu a ce que Touoyem a appelé le « sophisme du loup ».


Conclusion :
Rendu au terme de notre exercice dont la préoccupation majeur était de montrer la relation entre la raison et le pardon, il en ressort que ces deux concepts toutefois doter de différences ou d’une dichotomie trouvent des points convergents et nous amène à conclure que l’exercice de la raison et sa compréhension comme étant inhérente à tous les individus tout en étant également relative d’hommes à hommes ou de sociétés à sociétés, fait ressortir la nécessité de la compréhension d’autrui en tant qu’un être comme soi mais différent de soi. La capacité transcendantale des hommes au sens de Heidegger devient ici essentielle afin d’aboutir à la manifestation du pardon car en cas de conflit lorsque nous essayons de comprendre les motivations de l’offenseur nous pouvons lui pardonner, et en même temps être en paix avec nous même, ainsi que les autres et ceci n’est possible que lorsqu’on fait un usage net de sa raison en éliminant les facteurs qui entravent la mise en place du pardon. Toutefois l’on peut se poser la question de savoir si la recherche de la manifestation du pardon est-elle toujours une cause louable? Ne serait ce pas mieux en cas de conflit d’essayer d’établir un consensus ?


BIBLIOGRAPHIE :
Huisman Denis, Deschamps Jacques, Salem Jean, Parcours Philosophiques, Nathan

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