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ANALYSE DES CONFLITS RWANDAIS


TABLE DES MATIERES                                                                                    





In Africa, there are conflicts emerging from everywhere and the situation has been as such for the past 50 years. The African Great Lakes Sub-region seems to be the place where those social differences emerge the most. Rwanda as part of this sub-region does not make an exception. Since the independency in 1962 and even some years before, the “country of thousand hills” has undergone many interethnic confrontations. A deeper analysis of the situation shows that the natural stratification of the Rwandan society has been transformed into ethnic differences and has been manipulated by the elites and colonists to serve as roots for genocide. The key role played by internal and external actors in those conflicts is very important and most be highlighted. Our aims in this work are to show in the first hand that the genocide could have been avoided despite the existence of ethnic differences. On the other hand, we ought to demonstrate that although the genocide is no more on the table of national and international arena, the conflicts are not jet finished in Rwanda. Finally, we show that what happens in Rwanda has an impact on the others Great Lacks States. It is usually admitted that the conflicts generated refugees, but for this case, we formulated the hypothesis that refugees can also generated conflicts and we found that the first conflict (1959-1962) generated refugees who stimulated the second conflict (1990-1994).




L’Afrique est définie depuis ces cinquantes dernières années comme le continent par excellence de la floraison des conflits dans le monde. Si certaines sous-régions africaines peuvent se targuer de vivre une relative paix, la région des grands Lacs[1] est cependant en revanche le prototype du théâtre d’expérimentation des conflits de toute sorte. Le Rwanda, comme tous les autres pays de cette sous-région (voir annexe 5) n’échappe pas à la règle. Ce travail sur les conflits au Rwanda consiste non pas à étudier leur historicité, mais plutôt à les analyser sous un angle cartographique (conflict mapping) dans le but de mettre en exergue les différents protagonistes et leurs comportements. Cette analyse cartographique des conflits au Rwanda consiste aussi à dévoiler les agendas cachés qui structurent les rapports entre les différents acteurs depuis les indépendances.
Le Rwanda, encore connu sous le nom du pays des mille collines[2]est un pays de l’Afrique centrale situé au cœur de la région des grands lacs africains. C’est un tout petit pays[3] d’une superficie d’environ 26.338 Km2 pour un peu plus de 10,2 millions d’habitant. C’est donc un pays densément peuplé. Du point de vue des ressources, le pays des mille collines, avec son importante réserve d’or, d’étain, de béryl, de tungstène, de gaz naturel,  de faune, de forêt et son bassin hydroélectrique constitue une véritable manne économique pour les pays de la sous-région et la communauté internationale. D’un point de vue historique, à l’image des pays africains, il est constitué de plusieurs groupes ethniques sur lesquelles se fondent la quasi-totalité des tensions sociales.
Eu ayant situé ces quelques éléments descriptifs devant nous permettre de comprendre les fondements des conflits séculaires qui minent le Rwanda depuis plus de 50 ans, posons-nous à présent quelques questions essentielles qui structureront notre cheminement.  Sur quelle base, les identités ethniques Hutu et Tutsi se sont construites à travers le temps ? Et comment influent-elles sur les différends? Quelles sont les différents protagonistes dans les conflits et quels sont les agendas secrets? Enfin, la fin du génocide marque-t-elle le début d’une nouvelle ère au Rwanda ? Pour apporter des éléments de réponse à ces interrogations, nous étudierons dans une première partie les différences sociopolitiques comme des constructions sociales (chapitre 1). Ensuite, nous mettrons en lumière les acteurs et leurs logiques (chapitre 2). Enfin, nous interrogerons le Rwanda post-génocide avant de proposer quelques pistes de solutions (chapitre 3). 



Le conflit rwandais a été souvent différemment défini. Cette différence résulte de l'appréhension que l'on se fait de la société rwandaise et de ses composantes. Les communautés Hutu, Tutsi et Twa ont reçu des définitions différentes selon les auteurs et les périodes. Elles ont tantôt été qualifiées de races, de tribus, d'ethnie, de caste, d'état social ou de classes sociales[4]. Cependant, le qualificatif qui a réussi à faire l’unanimité est celui d’ethnie. Dans ce chapitre, qui constitue la charpente de notre cartographie du conflit rwandais, nous analysons à partir de l’histoire, l’avènement  des ethnies Hutu, Tutsi et Twa puisqu’au XIVe Siècle, ces peuples constituaient la même ethnie. C’est-à-dire l’ethnie Banyarwanda et partage encore en commun le même territoire, la même langue (kinyarwanda) et la même religion. S’il est aujourd’hui admis que ces entités constituent trois groupes ethniques, il ne peut s’agir dès lors que d’une construction sociale comme nous allons le montrer. Pour mémoire, rappelons qu’on dit de deux groupes humains qu’ils forment deux ethnies différentes si et seulement s’ils appartiennent chacun à une communauté différente de langue, de culture, d'histoire et de territoire. Or dans le cas du Rwanda et même de toute la sous-région des grands lacs africains, cette différence n’a jamais existé.

I.                  Hutu, Tutsi et Twa: des Banyarwanda


Il y a cinq siècles que le «royaume du Rwanda» s’est dessiné. Jusque-là il était constitué de chefferies autonomes. Le pouvoir central s’affermit alors et une hiérarchie sociale se cristallisa dans les trois groupes qui composent la population: Les Tutsis sont des éleveurs, les Hutus cultivent la terre et les Twa vont à la chasse, vivent de la cueillette et de la poterie. Tous les rwandais parlent la même langue, ce qui est peu fréquent dans les pays d'Afrique, ont la même foi traditionnelle en un Dieu unique, Imana, la même culture, vivent ensemble sur les collines, et se marient entre eux. Puis, survint le moment où le roi décida de classifier ses sujets suivant le nombre de vaches que possède chacun d’eux. Qui a plus de 8 vaches est étiqueté Tutsi et qui a moins de 8 vaches en devient par la même circonstance Hutu. En d’autres termes, un Tutsi qui perd ses vaches est aussitôt assimilé à un Hutu et un Hutu qui possède un troupeau est assimilé à un Tutsi. Cette mobilité sociale est sans doute l’une des raisons qui explique que le Rwanda précolonial n’ait jamais connu un conflit généralisé. Non pas que la société de l’époque eut été un modèle d’harmonie mais le pouvoir usait du consensus. Même si le roi par exemple était d’origine Tutsi, son pouvoir était toujours contrebalancé par celui des sages Hutu. Selon la tradition le roi doit prendre épouse dans chacun des clans du pays, Hutu ennoblis ou Tutsi, et son héritier doit sortir de l’un de ses clans : à chacun son tour de régner sur le Rwanda.                                                        En outre l’Etat précolonial, émanation du corps social, avait mis en place des mécanismes quotidiens de gestions des différents conflits. Quand il y avait un quelconque problème qui se posait dans la société, il était porté soit devant les sages des collines soit à la cour royale. Et jamais les différentes parties en conflit ne pouvaient se séparer sans l’avoir réglé. Ces derniers, quoique socialement différents de par leurs qualifications, vivaient dans une unicité parfaite, parce qu’ils forment « un seul peuple, une seule ethnie, celle des Banyarwanda ». Les Rwandais expliquent qu'il y avait traditionnellement d'autres références sociales : les clans, qui regroupaient toutes les catégories socioprofessionnelles et faisaient aussi ressortir des clivages régionaux. La situation du Rwanda a cette époque est comparée à celle des « ordres » dans l’Europe d’avant 1789, ce qui n'exclut pas l'éventualité que des groupes d'origines diverses aient immigré au Rwanda dans un passé lointain, sans qu'ils recouvrent nécessairement la distinction Hutu-Tutsi, avant de s'assimiler les uns aux autres par le biais du mariage. Par contre, l’arrivée des colons Belge dans les années 1916 a fortement favorisée le développement du virus ethnique, avec l’appui de celle qui était censée s’y opposer pour une cause morale, étique et de transcendance: l’église catholique[5].

II. La politique coloniale : un catalyseur de la construction de la différence ethnique


L’ethnicisme au Rwanda date du temps du colonisateur allemand, puis belge. Il constitue l’élément structurant de l’organisation sociale et politique mise en place dans les années 1920 et 1930. Jusqu'à la fin des années 1950, les enseignants, les intellectuels, les ethnologues et les universitaires accréditent le mythe d'une société rwandaise composée de Tutsis évolués et de Hutus faits pour obéir. Le colon n’a rien vu d’autre que cette stratégie comme facteur d’exclusion des « indésirables » qui par la suite deviendront « désirables ». Il sera question pour nous ici de montrer comment cette politique fut mise en exergue par le biais de ses acteurs.       
L’institutionnalisation ethnique des Rwandais n’est pas que le fait des puissances coloniales, mais aussi et surtout de la puissance ecclésiastique catholique en qui les populations avaient pleinement confiance. Dans les années 1934-1935 le gouvernement colonial belge va pour affermir ce qu’avait commencé l’occupation Allemande, subdiviser la population rwandaise en trois catégories figées. Dans la même perspective, les hommes d’église insiste sur la distinction raciale et conteste l'analyse de classe, pour barrer la route aux sensibilités communistes qui auraient pu s'éveiller alors dans les milieux populaires; rien ne devait entraver la politique du diviser pour mieux cogner les têtes et régner. Dans la mise en place de cette manœuvre les conseillers Hutus du roi sont expulsés du palais royal. En même temps de nouveaux chefs, fraîchement christianisés et baptisés, sont nommés par l’administration coloniale. Ils n’ont aucune légitimité sociale, perçoivent un salaire. Ils doivent leur pouvoir non pas à leurs compatriotes mais au bon vouloir des colons. Ces nouveaux chefs, contrairement à ce qui se passait durant l’époque précoloniale, sont tous choisis parmi les Tutsi. En effet en 1926 le pouvoir colonial belge supprime la triple chefferie dans laquelle toutes les composantes de la nation rwandaise étaient représentées. Elle est remplacée par une chefferie unique issue de quelques familles Tutsi. A partir de ce moment le pouvoir traditionnel sera perçu comme Tutsi, et les Tutsi considérés comme des féodaux. Au début du siècle un médecin belge du nom de Sasserath décrit les Tutsis comme « un peuple sémitique avec un nez droit et des lèvres minces appartenant à la race des seigneurs, réservés, distants, polis et fourbes ». Et « les Hutus plus timides, malpropres et flemmards » qui formeraient « la foule des esclaves ». En 1930 Jean Jacques Maquet comme pour conforter les schémas raciaux et racistes de Sasserath photographie des Hutu en plongée sur fond d’herbes ou de terre, et des Tutsi en contre plongée, profils d’aigles sur fond de ciel. L’église et l’administration coloniale vont aussi se faire les véhicules de ces théories racistes. Monseigneur Léon Classe, premier évêque du Rwanda, affirmera par exemple que « les Tutsi ont quelque chose du type aryen et du type sémitique » et J. Ghislain, administrateur du Rwanda, renchérie dans ce sens en ces termes «le Muhutu est, comme on l’a souvent répété pour le nègre, un grand enfant superficiel, léger, volage… et des habitudes de troupeaux de bêtes»[6].                                                                  Pour affermir et pérenniser le pouvoir de ces nouveaux chefs, le pouvoir colonial envoie leurs enfants à l’école pour en faire des intermédiaires et des interprètes de l’administration coloniale. Ironie du sort ou de l’histoire, les enfants Tutsi qu’on a envoyé à l’école se mettent à réfléchir contre la volonté de leurs maîtres belges. Cette nouvelle élite n’a en réalité, rien de béni oui oui et dans les années 1950 elle motte sur les créneaux pour réclamer l’indépendance. Face aux velléités indépendantistes de l’élite Tutsi, les colons belges changent d’alliance et se tournent vers une élite Hutu naissante.
L’analyse faite dans ce chapitre nous a permis de montrer que l’existence des ethnies Hutu, Tutsi et Twa n’est qu’une pure imagination de l’esprit qui trouve ses fondements aussi bien dans le Rwanda précolonial qu’au Rwanda colonial. Partant du fait que ces distinctions sont aujourd’hui à la base de toutes les politiques sociales au Rwanda, il est donc conséquent d’admettre qu’il existe présentement trois groupes ethniques au Rwanda et c’est sur cette base que les différents conflits s’étant déroulés au pays des mille collines seront analysés.



Le Rwanda a jusqu’à nos jours connu deux conflits interethniques de dimensions non négligeable. Il s’agit de la révolution et la guerre civile qui se sont respectivement déroulés entre 1959-1962 et 1990-1994. Ce second chapitre de notre analyse se consacre aux acteurs de ces deux conflits, à leurs comportements et aux conséquences des conflits. Sans dissocier les protagonistes des   impacts causés par leurs actions, nous procèderons dans un souci chronologique, de l’analyse d’un conflit à un autre.

I.                  Le premier conflit Hutu-Tutsi : la révolution de 1959


Le premier conflit Hutu-Tutsi (1959-1962) tout comme le second se fonde principalement sur la question du contrôle du pouvoir. Ce qui a donné naissance aux expressions telles que « Hutu power » et le « Tutsi power » pour marquer le désir de chacun des peuples de contrôler le pouvoir et pour lui seul. Dans cette analyse des conflits au Rwanda, il n’est pas fait mention de l’ethnie Twa parce ce peuple est non seulement considéré aussi bien par les Hutu que par les Tutsi comme inexistant mais aussi, il est ne s’est pas directement impliqué dans le conflit.

A. Les acteurs du premier conflit rwandais


Comme tous les conflits du monde, ce conflit résulte des différences héritées de la période précoloniale et coloniale. Il y a au-delà des acteurs internes, la communauté internationale qui a apporté son soutien à l’une ou l’autre partie.

1. Les acteurs internes


Les principaux acteurs de ce conflit sont les rwandais eux-mêmes. Nous avons d’une part les Hutu et d’autre part les Tutsi. En effet, les raisons profondes de la tension entre Hutu et Tutsi se situent bien au-delà la période coloniale car dès l’installation des Tutsi sur les terres du Rwanda déjà occupées par les Twa et les Hutu, ils s’engagèrent à conquérir les territoires occupés par les Hutu. La réalisation de cette ambition fit finalement des Tutsi des seigneurs du Rwanda tandis que les autres devenaient des subalternes. Ce leadership Tutsi trouve comme susmentionné un écho favorable dans la politique coloniale jusqu’à la veille des indépendances où le colon perçoit les revendications Tutsi comme une menace de son autorité[7]. Les belges pour protéger leurs pouvoir, se servent de l’ignorance des Hutu en leur faisant croire que si l’indépendance est remis au Tutsi, ils (Hutu) resteront éternellement des esclaves. Dans cette perspective, l’administration tutrice nomma pour la première fois des Hutu au poste de sous-chef et supprima l’institution d’Ubuhake qui faisait des Hutu des esclaves[8]. Cet acte ne fit pas du tout apprécié dans les milieux conservateurs Tutsi qui  se liguèrent pour combattre cette évolution pourtant irréversible. Les leaders Hutu nouvellement acquis aux idéaux démocratiques réagirent en publiant en date du 24 mars 1957 un document resté célèbre intitulé le « Manifeste des Bahutu » (voir annexe 4) dans lequel le système féodo-monarchiste est publiquement mis en cause pour la première fois et la question Hutu-Tutsi posée clairement[9]. Les dignitaires Tutsi en réponse au Manifeste des Bahutu réagirent très négativement, par une lettre (voir annexe 5) du 17 mai 1958 adressée au monarque d’alors. Dans cette lettre, les auteurs déclaraient que les Tutsi et les Hutu n’avaient rien de commun par conséquent, les Hutu devaient rester soumis aux Tutsi comme toujours. Dans ces conditions, il ne manquait qu’une occasion pour déclencher les hostilités.
Le chemin de la discorde étant ainsi tracé, l’agression en novembre 1959, par des jeunes gens Tutsi contre un sous-chef Hutu sert d’élément déclencheur de la révolution de 1959 autrement qualifiée de génocide manqué. Dans ce premier front qui opposent désormais Hutu et Tutsi, les premiers veulent reconquérir leur suprématie sur le Rwanda d’avant l’arrivée des Tutsi et se venger des souffrances à eux infligés par les derniers qui quant à eux désirent maintenir leurs mains mise sur le Rwanda. Nous sommes donc face à un méso conflit simple[10] qui oppose deux acteurs aux mêmes objectifs. C’est sur ce fond de tension que Tutsi et Hutu s’affrontent jusqu’en 1962 où l’indépendance est proclamée avec à la tête du jeune Etat un Hutu du nom de Grégoire Kayibanda, président du MDR/PARMEHUTU[11].

2. Les acteurs externes


Dans ce premier conflit Rwandais, l’acteur externe majoritaire reste et demeure la Belgique pour des raisons sus évoquées. Cependant, au-delà de l’instrumentalisation faite par la Belgique, ajoutons que l’église catholique du Rwanda a joué un rôle tout aussi déterminant dans ce conflit comme dans bien d’autres conflits en Afrique. Dans son effort de « civilisation » et de domination, le colonisateur et l’église ont forgé toute une gamme de mythes qui ont fait l'objet de plusieurs publications dans les métropoles et qui seront cultivées dans les colonies à travers l'enseignement à tel point que les intéressés eux-mêmes ont fini par s'y identifier jusqu'à nos jours. Le missionnaire et le colonisateur, croyant « civiliser » ces peuples d'Afrique et du Rwanda en particulier, les ont vidés de l'essentiel de leurs valeurs avant de détruire  leur cohésion et semer les germes d'une altérité conflictogène[12].
La « Lettre pastorale » du 11 février 1959 de Monseigneur Perraudin en poste au Rwanda est considérée comme l’un des éléments déclencheurs du revirement de l'alliance avec les Tutsi. Elle aboutira à la création du Parmehutu et à la révolution sociale Hutu, dirigée par le secrétaire particulier de Monseigneur Perraudin, Grégoire Kayibanda, qui deviendra le premier président du Rwanda. Dans cette lettre, l’initiateur donne une caution morale à la dérivation du problème des riches et des pauvres vers un problème ethnique[13]
Selon le rapport de l’OUA sur le génocide rwandais publié en 2000, à la fin de l’année 1962,  «Une  petite bande de Hutu provenant du centre-sud et, donc, pas même  représentative de  l’ensemble de  la nouvelle élite Hutu,  a  remplacé  la minuscule  élite Tutsi.  Ils  furent  appuyés  par  l’Église  catholique  et  par  leurs anciens maîtres  coloniaux  belges. En  épousant  les  prémisses  racistes  de  leurs  anciens  oppresseurs,  les Hutu  traitaient  désormais  tous  les  Tutsi  comme  des  envahisseurs  étrangers  indignes  de  confiance  qui n’avaient  aucun  droit  et  ne méritaient  aucune  considération.[14] »

B. Les impacts


Les impacts de ce premier conflit Rwandais vont largement au-delà du seul territoire Rwandais et de la période 1959-1962.

1. Impacts directs


A l’issue du génocide manqué, le bilan humain est suffisamment lourd et contrairement à l’acception de la majorité des Hutu qui pensaient avoir renverser les Tutsi, à part le changement d’identité et de personnages dans la petite classe dominante, la révolution n’a produit  qu’un  seul  autre  changement majeur  au  Rwanda:  l’avènement  de  la  violence  entre  les  deux groupes ethniques de plus en plus séparés[15]. Le rapport des Nations Unies en 1961 constatait que «les événements de ces dix-huit derniers mois ont permis à un seul parti d’établir une dictature sur une base raciale. Un système oppressif en a remplacé un autre […] Il est fort possible qu’un jour nous soyons les témoins de réactions violentes de la part des Tutsi »[16].
Durant cette première confrontation Hutu-Tutsi, des  maisons furent brûlées, des gens battus à la matraque ou poignardés à mort.  Dans le même temps, plusieurs  centaines  de  personnes  furent  tuées,  ce  qui  est beaucoup pour un petit pays. Mais  la plupart des attaques  furent dirigées non pas contre  tous  les Tutsi, mais  contre  les  Tutsi  riches  et  puissants  qui  avaient  exploité  et  profité  de  l’administration  coloniale répressive. C’est  pourquoi  il  est  plus  exact  selon l’UA de  voir  dans  cette  série  d’événements  une  insurrection  de classe plutôt que d’y voir l’ébauche d’un génocide manqué comme le soutiennent certaines thèses. De très nombreux Tutsi quittèrent les contrées où les plus violents combats avaient eu lieu; quelque 10.000 Tutsi  se  réfugièrent dans  les pays voisins comme l’Ouganda et la RDC.


2. Les politiques nationales anti-Tutsi


Les 30 années qui ont suivi la révolution de 1959 ont été fortement marquées à quelque exceptions près par des politiques nationaux anti-tutsis. Sous la première république (1962-1973)  dirigée par Grégoire Kayibanda, les exilés de l’ancien régime tentèrent à plusieurs reprises de renverser la jeune République. Leurs attaques entraînaient chaque fois des représailles contre les Tutsi de l’intérieur en donnant lieu à une double action: la cohésion entre les Hutu qui se sentaient menacés et la marginalisation des Tutsi, considérés comme la cinquième colonne des assaillants[17]. L’incident le plus grave  eut  lieu  en  décembre  1963  quand,  à  partir  du Burundi,  un  raid  raté  et mal  planifié  entraîna  des représailles de la part des Hutu qui firent plus de 10.000 victimes en quatre jours[18]. Avant  que  ne cessent  ces  incursions,  plus  de  20,000 Tutsi  furent  tués  et  300.000  se  réfugièrent  au Congo,  au Burundi, en Ouganda  et en Tanzanie. La nature des attaques de représailles  changea cependant. Les  responsables gouvernementaux Hutu  (tous  les  responsables gouvernementaux étaient Hutu) commencèrent à accuser les Tutsi de complicité avec les attaquants. Ainsi, tous les Tutsi furent considérés par les Hutu comme des envahisseurs étrangers et firent écartés  des  sphères  supérieures  du  gouvernement  et  de  l’armée. Comme le secteur privé était très peu étendu et que les liens internationaux étaient négligeables, le secteur public était la seule possibilité d’avancement pour  les Tutsi puisque les emplois y étaient distribués aux groupes ethniques en proportion de  leur nombre or les Tutsi ne représentent que 15% de la population. Les cartes d’identité mentionnant  l’ethnie (voir annexe 2), qui avaient été introduites 30 ans plus tôt par les Belges, avaient été conservées et cette pratique gouvernait presque toutes  les  relations  publiques  et  commerciales. Notons cependant que même dans les cercles du pouvoir, l’homogénéité des Hutu n’était pas admise car les Hutu du nord et du nord-ouest  avaient  toujours  pensé  qu’ils  étaient  avant  tout  différents  et  supérieurs  aux  autres Hutu. Ces dissensions internes vont inéluctablement conduire la première république à sa perte au profit de la seconde.
Le coup d’Etat du général Juvénal Habyarimana en 1973 fut accueilli par tous même par les Tutsi. Il justifia son action par sa volonté de mettre fin aux violences ethniques. Pour mettre fin à ces violences, il introduisit le système de répartition régionale au sein de l’administration publique. Tout compte fait, contrairement à la première république, jusqu’en 1980, Habyarimana avait réussi à contenir les tensions à travers un certain nombre de projets de développement accomplis. Cependant, progressivement la corruption prenait son système en hottage et pendant que les proches du pouvoir s’enrichissaient, la population s’appauvrissait et les cadres tant militaires que politiques soupçonnés de s’opposer au régime furent soit emprisonnés, soit assassinés, sans qu’aucune enquête ne puisse identifier les auteurs. En dépit des difficultés que rencontraient des réfugiés rwandais dans les pays d’accueil, leur droit au retour fut conditionné. En 1986, le Rwanda se déclara saturé et incapable d’accueillir ses ressortissants exilés s’ils rentraient en masse[19] pourtant, compte tenu de l’atmosphère sous régionale, le retour de ceux-ci devenait un impératif. C’est sur ce fond de marasme économique, de morosité politique, d’essoufflement des élites et du Tutsi power contre le Hutu power que la plus grande bêtise humaine de la fin du XXe est organisée.

II.               Le deuxième conflit Hutu-Tutsi (1990-1994)


A. Les fondements


Si dans le premier conflit, on pouvait directement mettre en cause l’instrumentalisation des puissances colonisatrices, dans ce second cas, il faut aller chercher dans les comportements des élites rwandaises elles-mêmes les raisons profondes de ce drame humain. La révolution de 1959 est  marquée par le Hutu power tandis que celui est l’heure de Tutsi power ou la reconquête du pouvoir perdu.

1. Le retour des réfugiés Tutsi


Le second conflit rwandais est une résultante du premier et en même temps une combinaison de plusieurs facteurs. Il émerge à partir des années 1990 avec le retour massif des réfugiés rwandais installés en Ouganda et survient alors même que la question des réfugiés Tutsi commençait à trouver un solution car après de multiple tractations, il avait été convenu que: les réfugiés pouvaient visiter le Rwanda pour se rendre compte de ses possibilités d’accueil (occasion sans pareilles pour des opérations de reconnaissance par le FPR[20]) pour leur permettre, en définitive, soit de venir s’installer au Rwanda, soit de rester à l’étranger avec des facilités de visiter les familles se trouvant au Rwanda, soit enfin, d’acquérir une nouvelle nationalité, tout en jouissant des mêmes facilités[21]. Or c’était sans compter avec l’agenda caché de ces derniers qui voulaient qu’après s’être bien préparés et équipés et avec le concours maximum de l’Ouganda, les jeunes Tutsi, membres de la NRA[22] estimant que le moment était venu, déclenchèrent une guerre d’agression contre le Rwanda en vue de reconquérir le pouvoir[23]. Le refus manifeste des refugiés Tutsi de trouver une solution au conflit plonge définitivement le pays dans une violence sans merci. Cependant, avant les évènements d’avril 1994 marqués par l’assassinat du président Habyarimana dont les assassins courent toujours, les années 90-94 sont marquées par une véritable psychose partout au Rwanda où d’un côté le FPR installe la guerre civile et de l’autre les Hutu réagissent en ressuscitant les vieux démons ethniques tel que le démontrent les 10 commandements du Muhutu (voir annexe 1) dans lesquels toute relation entre ces deux groupes sont interdites.

2. L’accord de paix « indésiré » d’Arusha


Cette situation pousse les autorités étatiques à l’adoption de nouvelles mesures parmi lesquelles l’adoption d’une nouvelle constitution qui introduit le multipartisme dans les pays et le MRND[24] cesse d’être le parti unique sur la scène politique. Elle créé une nouvelle institution, à savoir le poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement qui devait partager les pouvoirs avec le Président de la République. Comme on s’en aperçoit, ces changements étaient de nature à permettre l’avènement d’un régime démocratique auquel même les réfugiés rwandais pouvaient participer. Et de ce fait, le conflit rwandais allait, encore une fois, trouver une solution adéquate. Mais hélas! C’était méconnaître le Tutsi qui, comme on l’a vu, avait depuis très longtemps, écarté l’idée de partager le pouvoir avec le Hutu. Il était déterminé, par conséquent, à s’emparer, tôt ou tard, de ce pouvoir même par force[25]. L’accord de paix signé à Arusha en aout 1993 dans un contexte politique particulièrement tendu n’y changera rien. Pourtant, malgré les avantages exorbitants que l’Accord de Paix d’Arusha accordait au FPR, ce dernier n’était pas disposé à l’appliquer, car le Tutsi aurait été amené, un tant soit peu, à partager le pouvoir avec le Hutu, alors que pour lui, cela lui est culturellement prohibé. C’était donc se tromper sur le Tutsi qui n’avait jamais abandonné sa logique de gouverner seul et ne se sentait donc par conséquent pas lié à cet accord de paix qui ne lui servait que de tremplin pour accéder au pouvoir et déraciner les Hutu qui le lui avait volé en 1959. Au sujet de cet accord, le pouvoir actuel de Kigali s’exprime en ces termes dans le journal Imboni No 003:
Cependant, à part que cet accord d’Arusha nous reconduit sous le pouvoir semblable à celui d’Ikinani [le président Juvénal Habyarimana], il ne présente aucun autre avantage. Il n’a pas empêché la guerre de reprendre, alors qu’il avait été conclu pour cela. Il n’a pas pu écarter le génocide [itsembabwoko] alors qu’il avait été conclu pour empêcher Ikinani de le commettre. Il n’a pas réussi le retour des réfugiés et leur réinstallation comme il le prétendait…Arusha n’existe plus, il est mort. Il est mort et il ne peut pas ressusciter. Tout cela se passe de commentaire[26].
Rappelons que la période du génocide ne correspond qu’au trois derniers mois de la guerre civile. Considérée comme menace pour la paix et la sécurité internationales, la guerre du Rwanda (1990 – 1994) n’est autre que l’aboutissement de rapports politiques et géostratégiques. C’est également l’expression des contradictions internes et externes d’une société qui se manifestent au niveau des conflits infra et/ou interétatiques, desquelles contradictions se dessinent deux dynamiques complémentaires et interdépendantes.

B. Les dynamiques géopolitiques et polémologiques du conflit


Quel que soit l’auteur de ce second conflit, les acteurs sont plus nombreux comparé au premier conflit et ceci s’explique aisément à travers l’analyse des dynamiques qui sous-tendent  ce type de conflit. Le rôle de la communauté internationale (de l’ONU à l’UA en passant par les pays tiers) dans la guerre civile ayant aboutie dans sa phase terminale au génocide a largement et été critique parce qu’elle savait ce qui se tramait au Rwanda et n’a que tardivement réagi. Plus récurrentes encore sont les critiques faites à la l’Ouganda, France, la RDC et la Belgique parce que de façon plus ou moins ouverte, ces quatre pays ont directement été impliqués dans le conflit. Le premier à cause du financement des refugiés Tutsi et les seconds pour la proximité de leurs armées avec le régime d’Habyarimana. Les dynamiques géopolitiques nous permettent de comprendre d’avantage ce qui se jouait au-delà des combats.

1. Les dynamiques géopolitiques


Les conflits ont généralement trois sources profondes: la lutte pour le contrôle des ressources (richesses sol et sous-sol), la lutte pour le contrôle des espaces géographiques et la lutte pour la domination idéologique ou ethno-identitaire. Mais très souvent, derrière cette dernière motivation se cache la réalité des intérêts matériels. Le référent ethno-identitaire ne joue alors qu’un rôle méthodologique car, même pour un conflit dit interne, la finalité est d’atteindre un avantage tactique sur le plan aussi bien local que régional et mondial[27]. Ce qui, en concomitance et dans une logique de dilemme de sécurité, oblige l’autre acteur des relations internationales à se positionner dans le camp local adverse pour maintenir ce que Didier Bigo appelle « un pat stratégique[28] ». Les conflits sont donc régulés par des intérêts géopolitiques et géostratégiques des puissances locales, régionales et mondiales. Pour le cas du Rwanda, l’étude sous l’angle géopolitique permet de mettre en évidence des acteurs ou groupes d’acteurs, étatiques et/ou non étatiques, qui se disputent un enjeu. A cet effet, l'enjeu des conflits au Rwanda et même dans la région des Grands Lacs est territorial. Nous l’avons souligné depuis l’introduction que le Rwanda était un petit pays riche et densément peuplé. Donc la question de qui contrôle quoi se pose avec acuité. L’aspect géopolitique du conflit se manifeste par le fait que chaque groupe d’acteurs (Tutsi et Hutu) cherche à reproduire à son profit la logique de contrôle étatique sur les populations, en prélevant une partie des biens économiques et taxant les flux des mouvements transnationaux des ONG et des diasporas. Trois niveaux d’analyse permettent de définir comment les réseaux d’acteurs transcendent les frontières étatiques et structurent autrement, par le jeu d’alliances identitaires, l’évolution des formes conflictuelles[29]. Il s’agit notamment de :
Ø  Le niveau local des combattants qui, relativement indépendant, fonctionnent pour rogner les pouvoirs économique et politique de l’Etat.
Ø  Le niveau des puissances régionales (RDC, Ouganda, Tanzanie, etc.) qui jouent les intérêts politiques et géostratégiques hégémoniques,
Ø  Le niveau général ou englobant : celui des grandes puissances, notamment les puissances coloniale. C’est-à-dire la Belgique, la France qui jouent la carte des ressources et alliés idéologiques.

2. Les dynamiques de guerre


Il a existé au Rwanda pendant les périodes du conflit, les processus de politisation de l’ethnicité ou de l’ethnicisassion du politique puisque, au-delà de la dimension politique et géostratégique, les guerres induisent la régulation sociale ainsi que la correction des déséquilibres causés par la modernité idéologique, financière et technique. Dans le contexte du Rwanda, le conflit est aussi d’ordre structurel et sociologique: c’est l’organisation sociale qui, également, est polémogène. L’emploi de la terreur par les différents belligérants, étatiques ou non étatiques, ne relève pas seulement de la cruauté volontaire. Comme on l’a vécu avec le FPR, c’est aussi une stratégie délibérée et rationnelle pour atteindre des objectifs politiques et économiques, une stratégie consistant à faire régner la discipline militaire et civile, d’accéder aux ressources naturelles et d’assurer le contrôle des infrastructures économiques. Contrairement à d’autres mouvements rebelles, le mouvement FPR, dans leurs luttes armées, avaient développé un système d’encadrement des populations, se voulant ainsi un « quasi-Etat » dans les zones occupées. Aussi, faut-il mentionner que les financements des diasporas et l’aide humanitaire contribuèrent pour longtemps à la prolongation des conflits avant que les Accords de Paix d’Arusha ne viennent constituer un  prélude à la mobilisation politique et militaire qui a abouti au Génocide des Tutsi et massacres des Hutus en 1994.
Dans ce second chapitre entièrement consacré aux conflits rwandais, nous avons mis en lumière les différents acteurs tels qu’indiqués dans la carte ci-dessous et leurs agendas cachés surtout au niveau du second conflit dont l’ampleur des conséquences a été de nature à faire oublier le premier. Il est évident que sans les volontés inaffichées des uns et des autres, la guerre civile puis le génocide aurait pu été évité. Cependant la fin des atrocités en 1994 marque-t-elle la fin des conflits au Rwanda ?



NB : la taille des ethnies est fonction de leur pourcentage dans la société rwandaise. Ainsi les Hutu avec 80% représentent le plus grands nombre, puis viennent les Tutsi avec 15% et enfin les Twa avec 5%. Ceci permet de mettre en relief les rapports déséquilibrés que ces populations entretiennent entre elles.

 cartographie des conflits au Rwanda jusqu'en 1994









         





  



















Nous consacrons ce dernier chapitre de la cartographie des conflits au Rwanda post-génocide car lorsque la barbarie humaine prend fin, la reconstruction est toujours non seulement difficile, mais aussi s’inscrit dans le long terme. Il est ici question de montrer que malgré la fin des hostilités, les rwandais sont toujours en conflit, mais cette fois-ci avec eux-mêmes. La question des conflits dans les grands lacs sera également au menu. Enfin, en notre qualité de spécialistes des questions de paix et de développement, nous proposerons quelques solutions pour que plus jamais le Rwanda ne fasse parler de lui de la sorte.

I.      La sous-régionalisation des conflits Hutu-Tutsi

A. Le Rwanda actuel et les micro conflits


Le conflit rwandais est considéré comme l’un des pires conflits à caractère génocidaire qu’a connu l’histoire de l’humanité et en particulier celle de l’Afrique. Le Rwanda qui fut l’un des pays dont la cohésion sociale avant l’arrivée du colonisateur était considéré comme un exemple avec une population ayant la même origine, le même passé, la même culture et partageant même religion avec une seule distinction qui ne s’opérait que par rapport à la profession exercée. Force est de constater que ce pays qui, jadis uni est divisé. En effet le Rwanda post génocide est tout simplement un pays déchiré par des conflits identitaires, les uns ne se sentant toujours pas en sécurité les uns par rapport aux autres. Aussi, sur le plan social, la population est complètement divisée et fait face aux problèmes sociaux, de chômage de famine d’immigration et d’insécurité de tout ordre alors que le pays a atteint son point le plus bas. Sur le plan politique on essaye tant bien que mal d’intégrer aussi bien le Tutsi que le Hutu dans la gestion des affaires du pays pour éviter des tensions malgré  des démissions successives de certains membres du gouvernement accusés parfois d’être des incitateurs à de nouveaux conflits qui peuvent faire renaitre l’épuration ethnique qu’a connu le pays.
De même, la plupart de ses problèmes ont été créés ou vivement exacerbés par le génocide, la guerre subséquente en Afrique centrale et la détermination constante des anciens génocidaires, que la communauté internationale a refusé de désarmer, à poursuivre la lutte pour déstabiliser le gouvernement actuel. La situation des réfugiés en donne un exemple flagrant. À une époque, ils étaient jusqu’à 3 millions de rwandais réfugiés dans les pays voisins; ils sont maintenant moins de 100.000. En 1999, 38.000 ont regagné leur pays. S’il s’agit là d’une étape importante vers une situation normale, elle s’accompagne également de problèmes à résoudre. Le retour des réfugiés dans leur pays présente des difficultés liées à l’accueil, à la réadaptation, à la propriété foncière, aux droits fonciers, aux tensions sociales, à l’emploi[30]etc. Mais ce retour comporte d’autres inconvénients. Les autorités rwandaises craignent que parmi les réfugiés légitimes ne se trouvent des agents des milices pro génocide. Malgré les politiques d'Unité Nationale et de Réconciliation qui portent d'ailleurs des fruits, le risque pèse encore sur le Rwanda post-génocide. En effet, les plaies non cicatrisées du génocide et la peur de l’«Autre nocif » restent une contrainte importante qui peut faire que, pour maximiser les garanties de sécurité, les postes clés sont souvent confiés à des Tutsi. Il ne faut pas nier qu’aujourd’hui, il existe bel et bien trois ethnies au Rwanda ce qui n’était pas le cas avant l’arrivée du colon.

B. La région des grands lacs après le génocide : la première guerre continentale d’Afrique


Le conflit rwandais ne s’est pas uniquement limité dans ce pays, on remarque qu’après le génocide de 1994, la région des grands lacs a vu le conflit se rependre dans ces autres pays si bien qu’on a assisté à une régionalisation du conflit de même envergure. La fin du génocide ne marque pas la fin du plus terrible conflit qu’aura connu le peuple rwandais. On assiste au contraire à l’ouverture d’un tout nouveau chapitre, presque aussi cruel que le précédent, mais qui englobe cette fois toute la région des Grands Lacs dans un conflit brutal qui devient une guerre impliquant directement ou indirectement des gouvernements et des armées de chaque partie du continent. Le génocide ne fut donc que le commencement.
Lorsque le «Hutu Power» se dirige armé  vers le Zaïre, l’inévitable fut ensuite accéléré par la réapparition de Mobutu comme acteur central de la tragédie. Ce dernier fut soutenu par les puissances belges, américaines et françaises qui étaient tous d’accord pour placer les réfugiés et ceux qui avaient planifié et exécuté le génocide. Cette politique eut pour résultat non seulement de protéger les génocidaires, mais également de rétablir le pouvoir de Mobutu au Zaïre et de réhabiliter l’homme aux yeux du monde.  C’est ainsi qu’il fut invité en 1994 au sommet franco-africain duquel le nouveau gouvernement du Rwanda était banni (ce qui est compréhensible parce que le nouveau gouvernement est Tutsi or l’armée française apportait son soutien au régime Hutu soutenu par la RDC). Pourtant, la position de Mobutu pouvait difficilement être plus transparente. Partisan d’Habyarimana et de sa clique depuis le début, Mobutu s’associait désormais aux génocidaires, les défendait sur le plan diplomatique et leur procurait des armes. Comme le démontra la Commission d’enquête des Nations Unies, le réseau de Mobutu alimentait désormais régulièrement en armes les criminels de guerre réfugiés dans les camps de l’est du Zaïre. Le conflit aurait pu prendre fin après la fuite des dirigeants extrémistes Hutu au Zaïre, mais la résurrection de Mobutu réduisit cet espoir à néant. Au cours de l’année qui suivit leur fuite du Rwanda, ils s’attaquèrent principalement à des cibles économiques au Rwanda. Les génocidaires basés dans les Kivu modifièrent leur stratégie d’une manière qui allait aggraver davantage les tensions régionales. Toutefois, dès que les forces armées du FPR purent développer une stratégie anti insurrectionnelle efficace, les dirigeants extrémistes Hutu changèrent de stratégie et ciblèrent désormais les autorités civiles locales et les survivants du génocide. Même s’ils réussirent à tuer un grand nombre de personnes, dès 1996, les incursions étaient devenues contre-productives pour ce qui était de rallier la population locale[31]. Les génocidaires optèrent donc pour une troisième stratégie qui consistait à assurer la sécurité de leurs bases dans l’est du Congo en effectuant une purification ethnique totale aux dépens des Tutsi congolais, dont certains vivaient dans la région depuis des générations. Tous ces événements connexes à savoir le refus de désarmer les génocidaires, leur détermination à poursuivre le génocide par d’autres moyens, le retour de Mobutu, furent le résultat d’une politique délibérée d’omission ou de commission de la part de la communauté internationale. En conséquence, ces événements, se combinèrent pour déclencher une série de développements épouvantables, notamment deux guerres successives centrées sur la RDC. Les ramifications de ces conflits dans l’ensemble de la région et par rapport à l’engagement de régler les conflits pris par l’Union Africaine ont suscité de l’inquiétude, car la présence des troupes armées en RDC est au cœur du conflit sous régional et menace la sécurité des autres Etats. Ce conflit a été baptisé « première guerre continentale d’Afrique » ou encore «  première guerre mondiale d’Afrique ». Le nombre de mort n’a pas été réellement déterminé, mais on sait que le bilan est tout de même stupéfiant.   
Les  populations de souche rwandaise devenues congolaises ou Ougandaises, deviennent aujourd'hui des facteurs insurrectionnels  chaque fois que leur nationalité est remise en question. En RDC, par exemple, elles ont été au centre de la rébellion qui renversa en 1997 l'ancien dictateur Mobutu et sont encore l'une des sources majeures du conflit qui déchire ce pays pour les mêmes raisons. En Ouganda, les crises des années 70 et 80 se ressourçaient aussi dans la  « rwandophobie » et les populations associées, à tort ou à raison, à l'identité rwandaise devenue des cibles potentielles de la violence dans ce pays pour différentes raisons. La situation est aussi susceptible de devenir explosive en Tanzanie si rien n'est fait. Suite à leur association à l'identité rwandaise, à tort ou à raison, quelques personnalités politiques ont perdu leur légitimité citoyenne et, à l'ouest du pays, des populations tanzaniennes d'expression rwandaise sont sujets de menaces et de rejet. C'est le cas du Burundi, après 1965 mais surtout après 1972, où les Tutsi, suite aux tentatives hutues de prendre le pouvoir par la force, se sont résolus à les exclure complètement de l'exercice du pouvoir deux décennies durant, provoquant ainsi la cristallisation du ressentiment et de la frustration des Hutu et leur détermination à entrer en conflit ouvert. L’Ouganda n'y a pas non plus échappé. La disparité entre le sud riche et favorisé et le nord pauvre, pousse les groupes des régions défavorisées à se rebeller.

II.               Quelques pistes de solutions


Le génocide rwandais a été un conflit sans précédent dont aura connu l’Afrique après les grands malheurs de son histoire à savoir la traite négrière et la colonisation. Le rwandais se sont entretués et aujourd’hui il s’agit de trouver des solutions pour revivre ensemble même si la situation ne redeviendra plus comme celle d’avant, il faut tout simplement essayer de reconstruire l’unité nationale (A), opérer une réconciliation basé sur l’histoire (B)  et trouver des stratégies de réduction de la pauvreté comme base de développement  et de réconciliation nationale(C).
   

A. La reconstruction de l’unité nationale


Après la guerre au Rwanda, le pays extrêmement meurtri par les violences et maux de toutes sortes se veut de retrouver ou de rebâtir les liens entre tous les rwandais.
            Les guerres identitaires n'auraient pas lieu aujourd'hui au Rwanda si les leaders postcoloniaux n'avaient pas systématiquement construit leur discours politiques sur des thèmes communautaires divisionnistes. La mauvaise gouvernance comme facteur causal des conflits s'est constituée autour de trois structures fondamentales: le mauvais départ des indépendances; la distribution inéquitable de la rente nationale et les systèmes politiques conflictogènes. L'environnement régional caractérisé par une rwandophobie grandissante et les alliances avec les forces génocidaires par certains gouvernements et/ou organisations politiques et les risques de confrontation militaire.  Le Rwanda, qui marqua l'Afrique toute entière par le génocide de 1994, a fait preuve d'ingéniosité dans la gestion et la résolution de ses conflits grâce notamment aux politiques d'Unité et de Réconciliation Nationale et sa justice participative et innovatrice dite Gacaca[32]. Il a donné honneur et fierté à l'Afrique lorsqu'il fut consacré N°1 mondial de la bonne gouvernance pour l'année 2002 sur près de la moitié du nombre de pays que compte le système onusien. Le prix mondial du leadership est revenu à son Président, et à travers lui à tout le leadership rwandais, pour la même année. Le génocide de 1994, par la radicalisation des perceptions identitaires, a rendu complexe et compliquée la notion d'unité et de réconciliation des Rwandais, telle qu'évoquée dans les accords d'Arusha de 1993. Cette nouvelle situation rendait pressante et incontournable la création d'une telle commission pour essayer de ressouder la société déchirée. C'est dans cet esprit que la loi établissant la Commission non judiciaire pour l'Unité et la Réconciliation a été adoptée par le parlementent en mars 1999. Le Gouvernement d'Union Nationale installé en juillet 1994 a placé l'unité et la réconciliation des Rwandais au cœur de sa mission. Mais rien n’est encore fait car il s’agit d’un long processus qui prendra du temps pour que les plaies se cicatrisent et que le pays retrouve au moins un minimum de cohésion sociale.

B. La réconciliation avec l’histoire

             Il s’agit pour les entités identitaires du Rwanda de retourner dans l’histoire c'est-à-dire dans leur passé  avant l’arrivée du colon afin de reconstruire cette même cohésion sociale qui existait dans le Rwanda précolonial. Car nous devons comprendre que les entités Hutu et Tutsi sur lesquelles se sont fondés les conflits dans la société rwandaise contemporaine ne constituaient ni races, ni castes, ni tribus, ni ethnies à l’époque, elles partageaient la même culture, la même langue et cohabitaient sur un même territoire, avaient les mêmes clans et vénéraient le même Dieu. Cet ensemble de liens était donc un élément de cohésion sociale important. Pour ces raisons, tous se reconnaissaient comme étant Banyarwanda et chacun reconnaissait à l'autre ce droit. Par conséquent, Hutu, Tutsi et Twa n'étaient pas des classes sociales au sens européen du terme. Les Tutsi eux-mêmes vivaient dans des conditions sociales différentes. Economiquement, politiquement et même socialement ils étaient hiérarchisés les uns par rapport aux autres et c'était pareil pour les Hutu[33]. De même tous les Tutsi n'appartenaient pas à la noblesse et dans maintes contrées, des familles aristocratiques Hutu étaient au pouvoir, de manière héréditaire. Pour construire donc une réconciliation basée sur le retour à leur histoire, les rwandais doivent ainsi tenir compte des de tous ces facteurs qui les liaient auparavant, car même si les idéologies divisionnistes ont déstructuré le Rwanda, force est de constater que la communauté de langue et de culture a résisté jusqu'ici à l'épreuve du discours déstructurant et à la fracture identitaire[34]. Si l'altérité de langue et de culture est un élément constructif de l'ethnie, il faut alors admettre qu'il n'existe qu'une seule ethnie au Rwanda, en l'occurrence l'ethnie des Banyarwanda. Même si les appartenances Hutu, Tutsi et Twa ont existé avant la colonisation, il n’y a pas doute que cela ne renvoyaient pas à des références identitaires primaires tel que préconisé par le discours colonial. Ces appartenances relevaient en fait des activités économiques accomplies[35].

B. La reduction de la pauvreté et la promotion du développement comme méthode de réconciliation nationale

Cet aspect concerne  la réduction de la pauvreté et le développement comme moteur de réconciliation nationale. Il faut donc réduire la pauvreté  d’une jeunesse désœuvrée afin de lui éviter de mettre son potentiel au service de la violence pour survivre. Car il faut noter que l’extrême pauvreté, la précarité des ressources, le chômage, les conditions de vie difficiles, la grave violation des besoins humains, figurent parmi les facteurs importants qui ont aggravés et intensifiés  les violences lors du conflit rwandais. Il faudrait par conséquent élaborer des stratégies qui prennent en compte la satisfaction des besoins ontologiques ; Pour qu’il n’y ait plus de clivages sociaux comme auparavant. Qu’aussi bien le Tutsi, le Hutu que le Twa soient tous pris en compte et de façon équitable dans la gestion et la répartition de la chose publique pour promouvoir la réconciliation nationale car reforms often bring advantage to some groups while disadvantaging others. There is likely to be greater acceptance of reforms—and a greater participation in the transformation process—if there is a perception of equity, of fairness, about the development process; if there is a spirit of trust, commitment and reciprocity abound; and there is a sense of ownership derived from participation if there has been an effort at consensus formation[36]. Mais il faut cependant savoir que développement que nous prônons ici est celui that provides individuals and societies with more control and influences over their own destiny. Development enriches the lives of individuals by widening their horizons of choice and freedom and reducing their sense of isolation. It reduces the afictions brought on by disease and poverty and environmental degradation, not only increasing life spans, but improving the quality and vitality of life[37].
            Ce chapitre sur le Rwanda post génocide nous a permis de comprendre que malgré la fin de celle-ci, il existe toujours comme une peur des lendemains désastreux au Rwanda. De façon plus spécifique, le conflit du Rwanda a démangé vers toute la sous-région où la question de la cohabitation Hutu-Tutsi se pose de plus en plus avec acquitté. Pour mettre progressivement un terme à ces peurs, nous avons faits quelques propositions qui peuvent permettre de rétablir la vérité non seulement au Rwanda, mais aussi dans la région des grands lacs.
Ce travail sur la cartographie du conflit rwandais nous a permis en trois chapitres de mettre en lumière, les jeux, les enjeux, les contres jeu et les rejeux des acteurs directs et de leurs différents alliés. Dans le chapitre 1, nous avons avec précision montré l’ethnicité au Rwanda n’est qu’une construction sociale mais que compte tenu du contexte actuel, il devenait impératif d’admettre qu’il existe véritablement plusieurs groupes ethniques au Rwanda de peur de mal interpréter les relations entre Hutu et Tutsi. Dans le second chapitre, nous avons mis en lumière les acteurs des différents conflits rwandais et leurs logiques. Il convient de reconnaitre qu’habituellement, il est admis que les conflits engendrent les réfugiés, mais le cas rwandais, qui en constitue un cas d’école du fait de son exceptionnalité au monde vient de nous montrer que les réfugiés peuvent aussi engendrer les conflits. Malgré la surdétermination de chacun de ces deux peuples à refouler l’autre jusqu’à ne lui offrir que l’exil, on constate qu’il existe une différence d’approche chez les Hutu et les Tutsi. Tandis que les Hutu sont plus enclins à coopérer avec les Tutsi, ces derniers sont véritablement déterminer à ne partager le pouvoir avec aucun autre groupe. Or il n’a très souvent été que question de Tutsi et Hutu oubliant qu’au Rwanda, il existe aussi des Twa qui doivent être également pris en compte. Dans le dernier chapitre de ce travail, nous avons enfin mis en lumière la situation du Rwanda actuelle dans laquelle nous avons montré que les conflits n’étaient pas finis et pire encore, les conflits ont déménagé vers les grands lacs où on assiste à une sorte de rwandophobie d’une part et à la peur réciproque du Hutu et du Tutsi. Quelques solutions ont été ensuite proposées pour la reconstruction du Rwanda car s’il est admis que ce pays est sur une bonne pente économique, il ne faut cependant pas oublier que tout peut encore basculer du fait des blessures non cicatrisées et des vieux démons des années 1959-1962 et 1990-1994. Nous préconisons enfin le renforcement de la société civile rwandaise car il admit qu’elle un rôle d’avant-garde pour les pouvoirs publics en ce sens que son travail permet grâce à la dénonciation d’identifier les conflits assez tôt. N’oublions pas que les « révoltes violentes sont souvent liées au fait qu’un groupe – dans ce cas une bonne partie de la population – n’arrive ni à articuler ni à défendre ses intérêts face à un pouvoir écrasant. Jusqu’au jour où ces injustices deviennent insupportables et cela explose »[38].




v  Jean-Pierre Chrétien : « Presse libre » et propagande raciste au Rwanda : Kangura et les 10 commandements du Hutu. Paris, Avril 1991

v  Joseph, Stiglitz: “Towards a New Paradigm of Development”  in John H. Dunning: Making globalization good: The moral challenges of global capitalism, Oxford University Press, 2003

v  Kayser, Christiane : « travail de paix et espace de dialogue citoyen » in Kayser, Christiane et al. Travailler pour une paix durable au Cameroun, SCP/EED, 2011, p.12

v  MASHIMANGO: “la dynamique polémologique du conflit rwando-rwandais” article publié dans http://aboumashimango.over-blog.com/ le mardi 2 mars 2010

v  Niwese, Maurice: Rwanda : La rationalité du génocide

v  Nkurunziza, Charles: le conflit rwandais: origines, développement et stratégies de sortie, document PDF disponible en ligne

v  OUA: rapport sur au génocide rwandais.  Mai 2000

v  Pages A : Un royaume hamster au centre de l'Afrique, Bruxelles, Marcel Hayez, 1933

v  Prunier, The Rwanda Crisis, 50

v  Semujanga, Récits fondateurs du drame rwandais. Discours social, idéologies et stéréotypes, Paris- Montréal, L'Harmattan, 1998.

v  S. M. Sebasoni, Les origines du Rwanda, Paris, Harmattan, 2000

v  Shyaka, Atanase: le conflit rwandais, Article publié dans www.ndl.org, consulté le 16 juin 2012

v  Table ronde, « La prolongation des conflits : Approche comparative des systèmes de guerre », Cultures & Conflits, 01, hiver 1990, [En ligne], mis en ligne le 01 février 2005. URL : http://conflits.revues.org/index147.html (Consulté le 18 juin 2012).




Annexe 1 : les 10 commandements du Bahutu[39]


1.  Tout Muhutu  doit  savoir  que  Umututsikazi  où  qu’elle  soit,  travaille  à  la solde  de son  ethnie  tutsi.  Par  conséquent, est  traître tout Muhutu:
-  qui  épouse  une  mututsikazi;
-  qui  fait  d’une  Umututsiltazi  sa  concubine;
-  qui  fait  d’une  Umututsikazi  sa  secrétaire  ou  sa  protégée.

2.  Tout Muhutu doit  savoir que nos filles Bahutukazi  sont plus dignes et  plus  consciencieuses  dans leur  rôle  de  femme;  d’épouse  et de mère de famille. Ne  sont-elles pas  jolies,  bonnes  secrétaires et  plus honnêtes!
3.  Bahutukazi, soyez vigilantes  et  ramenez  vos maris, vos  frères et vos  fils  à  la raison.
4.  Tout Muhutu  doit  savoir  que tout Mututsi  est malhonnête dans les affaires.  I1 ne  vise  que  la  suprématie de  son  ethnie.  RIZABARA UWARIRAYE. Par  conséquent,  est  traître tout  Muhutu :
-  qui  fait alliance  avec  les  Batutsi  dans  secs  affaires;
-  qui  investit  son  argent  ou  l’argent  de  1’Etat  dans  une  entreprise
-  qui  prête  ou  emprunte  de l’argent  à  un Mututsi;
-  qui  accorde aux  Batutsi  des faveurs  dans  les affaires (l’octroi des licences d’importation, des prêts  bancaires, des parcelles de construction, des marchés publics...).
5.  Les postes stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires  et de sécurité  doivent  être  confiés  aux  Bahutu.
6.  Le  secteur de  l’Enseignement  (élèves,  étudiants, enseignants)  doit être majoritairement  Hutu.
7.  Les  Forces Armées Rwandaises doivent  être  exclusivement Hutu. L’expérience de la  guerre  d’octobre 1990  nous  l’enseigne.  Aucun  militaire  ne  doit  épouser  une Mututsikazi. D‘un  Mututsi;
8.  Les Bahutu  doivent cesser d’avoir  pitié  des Batutsi.
9.  Les Bahutu,  où  qu’ils soient, doivent être unis, solidaires et préoccupés  du  sort  de  leurs frères Bahutu.
- Les Bahutu de  l’intérieur  et  de l’extérieur  du  Rwanda doivent rechercher constamment  des amis  et  des alliés  pour  la Cause  Hutu,  à commencer  par  leurs  frères bantous.
-  Ils  doivent  constamment contrecarrer  la propagande Tutsi.
- Les  Bahutu  doivent  êtres  fermes et vigilants  contre leur ennemi commun  tutsi.

10. La Révolution Sociale de  1959,  le Referendum de  1961, et 1’idéologie Hutu,  doivent  être  enseignés à  tout Muhutu  et  à  tous  les niveaux. Tout Muhutu  doit  diffuser largement la  présente  idéologie. Est  traître tout Muhutu qui persécutera son  frère Muhutu  pour  avoir lui, diffusé  et  enseigné  cette  idéologie.

Annexe 2 : une carte d’identité ethnique du Rwanda avant le génocide de 1994

 

Annexe 3 : quelques images du génocide de 1994

Annexe 4 : Extrait du manifeste des Bahutu

OBJECTIONS PRETEXTES CONTRE LA PROMOTION MUHUTU
Contre l’ascension du Muhutu, nombreuses sont les objections qu’on présente. Sans ignorer les déficiences du Muhutu, nous pensons que chaque race et chaque classe a les siennes et nous voudrions une action qui les corrige au lieu de refouler systématiquement les Bahutu dans une situation éternellement inférieure. On prétexte spécialement :
a)  « Que les Bahutu furent chefs dans le pays ». Anachronisme raffiné que le présent ne peut confirmer suffisamment.2
b) Les vertus sociales du Mututsi qui le présenteraient comme « natus ad imperium » ! La même vertu peut être présentée autrement par un Italien que par un Allemand, par un Anglais que par un Japonais, par un Flamand que par un Wallon.
c)  « Qu’ont fait les Bahutu évolués pour l’ascension de leurs congénères ? » – C’est une question d’atmosphère et du buhake particulièrement qui a souvent influencé le système des nominations. Ensuite, le manque de liberté suffisante d’initiative dans une structure absolutiste, l’infériorité économique imposée au Muhutu par les structures sociales, les fonctions systématiquement subalternes où ils sont tenus, handicapent tout essai du Muhutu pour ses congénères.
d) « Que diable ils présentent leurs candidatures ou attendent que le complexe d’infériorité soit liquidé ». – Les candidatures supposent un sens démocratique, ou alors il faut ignorer ce que ce prétexte peut laisser entendre de tendance au buhakeque les gens ont abandonné (sans pour cela abandonner le respect de l’autorité). A ce sujet, il faudrait rappeler la réflexion d’un hamite notable : « il ne faudrait pas que les Bahutu soient élevés par les soins du blanc, mais par la méthode traditionnelle du Mututsi ! » Nous ne pensons pas que l’ancien ennoblissement soit une pratique à ressusciter dans la rencontre Europe-Afrique.
e)  « Et les foules suivront ». – L’interaction élite-masse est indéniable, mais à condition que l’élite soit la masse. Au fond du problème, il s’agit d’un colonialisme à deux étages : le Muhutu devant supporter le hamite et sa dominatin et l’Européen et ses lois passant systématiquement par le canal mututsi (letambirigi et letantutsi) ! La méthode de la remorque « blanc – hamite – muhutu » est à exclure. Des exemples ont pu montrer que « les foules » ne suivent pas automatiquement toujours.
f)  « L’union, condition du front commun et unique pour l’indépendance du pays, doit faire taire toutes les revendications bahutu ». – Il est fort douteux que l’union de cette manière, le parti unique, soit vraiment nécessaire si en fait l’émancipation est fruit mûr ! – Ajoutons que la section de la population que le départ de l’Européen pourrait réduire dans une servitude pire que la première, aurait tout au moins le droit de s’abstenir de coopérer à l’indépendance autrement que par des efforts de travail acharné et de manifestations des déficiences qu’il lui semble nécessaire desoigner d’abord.

Annexe 5 : Extrait de la lettre des dignitaires Tutsi du 17 mai 1958

…comment les Bahutu réclament maintenant leurs droits au partage du patrimoine commun. Ceux qui réclament le partage du patrimoine commun sont ceux qui ont entre eux des liens de fraternité. Or les relations entre nous (Batutsi) et eux (Bahutu) ont été de tous temps jusqu' à présent basées sur le servage ; il n'y a donc entre eux et nous aucun fondement de fraternité. En effet quelles relations existent entre Batutsi, Bahutu et Batwa ? Les Bahutu prétendent que Batutsi, Bahutu et Batwa sont fils de KANYARWANDA, leur père commun. Peuvent-ils dire avec qui Kanyarwanda les a engendrés, quel est le nom de leur mère et de quelle famille elle est ? Les Bahutu prétendent que Kanyarwanda est père des Batutsi, Bahutu et Batwa;or nous savons que Kigwa est de loin antérieur à Kanywarwanda et que conséquemment Kanyarwanda est de loin postérieur à l' existence des trois races Bahutu, Batutsi et Batwa, qu’il a trouvées bien constituées. Comment dès lors Kanyarwanda peut-il être père de ceux qu’il a trouvés existants ? Est-il possible d'enfanter avant d'exister ? Les Bahutu ont prétendu que Kanyarwanda est notre père commun, le « Ralliant » de toutes les familles Batutsi, Bahutu et Batwa : or Kanyarwanda est fils de Gihanga, de Kazi, de Merano, de Randa, de Kobo, de Gisa, de Kijuru, de Kimanuka, de Kigwa.CeKigwa a trouvee les Bahutu dans le Rwanda. Constatez donc, s'il vous plaît, de quelle façon nous, Batutsi, pouvons être frères des Bahutu au sein de Kanyarwanda, notre grand père. L'histoire dit que Ruganzu a tué beaucoup de « Bahinza»(roitelets). Lui et les autres de nos rois ont tué les Bahinza et ont ainsi conquis les pays des Bahutu dont ces Bahinza étaient rois. On en trouve tout le détail dans l' « InganjiKalinga ».Puisque donc nos rois ont conquis le pays des Bahutu en tuant leurs roitelets et ont ainsi asservi les Bahutu, comment maintenant ceux-ci peuvent-ils prétendre être nos frères ? [ N.d.l.r. Lire l'entiéreté de l'écrit connu sous le titre de 'Voici le détail historique du règne des Banyiginya au Rwanda']



[1] La région des grands Lacs africains regroupe l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la RDC et la Tanzanie
[2]A ne pas confondre avec l’expression « Radio milles collines » qui est généralement utilisée pour designer Radio Okapi et qui peinte de coloration négative du fait de son rôle dans le génocide rwandais.
[3] L’un des plus petits pays d’Afrique
[4] Pages A., Un royaume hamster au centre de l'Afrique, Bruxelles, Marcel Hayez, 1933
[5] Le Rwanda fut tant imprégné de sentiments religieux, et la place sociale de l'église catholique était importante dans les structures politiques, sociales et éducatives de ce pays.

[6] Ces schémas racistes vont servir de backline à la politique coloniale belge
[7] Les revendications indépendantistes étaient essentiellement faite par les Tutsi. En effet, ils étaient pratiquement les seules à avoir été à l’école et occupaient des hautes fonctions dans l’administration coloniale. Ce qui n’était pas le cas pour les Hutu et encore moins les Twa.
[8]Shyaka, Atanase: le conflit rwandais, Article publié dans www.ndl.org, consulté le 16 juin 2012
[9]Op.cit
[10] Galtung, Johan: distingue quatre niveaux des conflits: les micro qui se situent entre les individus, les méso entre les groupes à l’intérieur d’un même pays ; les macro au niveau des Etats et enfin les méga qui sont des conflits de civilisations et de région. A chacun de ces niveaux s’applique également trois variances (simple, structurel, et complexe) Lire à ce sujet Typologie des Conflits : Une introduction au Métier de Médiateur, PUPA, 2010,
[11] Mouvement Démocratique Rwandais/Parti du Mouvement de l’Émancipation Hutu
[12]Nkurunziza, Charles: le conflit rwandais: origines, développement et stratégies de sortie. P.15, document PDF disponible en ligne
[13]Le terme utilisé dans la lettre est celui de race
[14]OUA: rapport sur au génocide rwandais.  Mai 2000
[15] OUA: op.cit, p.35
[16] Prunier, The Rwanda Crisis, 50
[17]Niwese, Maurice: Rwanda : La rationalité du génocide, P.1
[18] OUA: op.cit. p.36
[19]Niwese, Maurice: op.cit, p.2
[20] Front Patriotique Rwandais
[21]Shyaka, Atanase. Op.cit
[22]National Resistance Army, armée ougandaise
[23]Op.cit
[24] Mouvement Révolutionnaire National pour le Développement
[25]Op.cit
[26]Op.cit
[27]MASHIMANGO: “la dynamique polémologique du conflit rwando-rwandais” article publié dans http://aboumashimango.over-blog.com/ le mardi 2 mars 2010
[28]Table ronde, « La prolongation des conflits : Approche comparative des systèmes de guerre », Cultures & Conflits, 01, hiver 1990, [En ligne], mis en ligne le 01 février 2005. URL : http://conflits.revues.org/index147.html (Consulté le 18 juin 2012).
[29]Mashimango. Op.cit
[30] OUA : op.cit, p248
[31] OUA op.cit, p.204
[32] Lire gachacha
[33] J. Semujanga, Récits fondateurs du drame rwandais. Discours social, idéologies et stéréotypes, Paris- Montréal, L'Harmattan, 1998.p. 88
[34] S. M. Sebasoni, Les origines du Rwanda, Paris, Harmattan, 2000, p.117.
[35] Les Hutu étaient plutôt agriculteurs, les Tutsi plutôt éleveurs du gros bétail et les Twa, plutôt chasseurs, pêcheurs et potiers.
[36] Joseph, Stiglitz: “Towards a New Paradigm of Development”  in John H. Dunning: Making globalization good: The moral challenges of global capitalism, Oxford University Press, 2003 P. 104
[37] Op.cit. p. 92
[38] Kayser, Christiane : « travail de paix et espace de dialogue citoyen » in Kayser, Christiane et al. Travailler pour une paix durable au Cameroun, SCP/EED, 2011, p.12
[39] Source Jean-Pierre Chrétien : « Presse libre » et propagande raciste au Rwanda : Kangura et les 10 commandements du Hutu. Paris, Avril 1991

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