TABLE
DES MATIERES
In Africa, there are conflicts
emerging from everywhere and the situation has been as such for the past 50 years.
The African Great Lakes Sub-region seems to be the place where those social
differences emerge the most. Rwanda as part of this sub-region does not make an
exception. Since the independency in 1962 and even some years before, the “country
of thousand hills” has undergone many interethnic confrontations. A deeper
analysis of the situation shows that the natural stratification of the Rwandan
society has been transformed into ethnic differences and has been manipulated by
the elites and colonists to serve as roots for genocide. The key role played by
internal and external actors in those conflicts is very important and most be
highlighted. Our aims in this work are to show in the first hand that the
genocide could have been avoided despite the existence of ethnic differences. On
the other hand, we ought to demonstrate that although the genocide is no more
on the table of national and international arena, the conflicts are not jet
finished in Rwanda. Finally, we show that what happens in Rwanda has an impact
on the others Great Lacks States. It is usually admitted that the conflicts
generated refugees, but for this case, we formulated the hypothesis that refugees
can also generated conflicts and we found that the first conflict (1959-1962)
generated refugees who stimulated the second conflict (1990-1994).
L’Afrique est définie
depuis ces cinquantes dernières années comme le continent par excellence de la
floraison des conflits dans le monde. Si certaines sous-régions africaines peuvent
se targuer de vivre une relative paix, la région des grands Lacs[1]
est cependant en revanche le prototype du théâtre d’expérimentation des conflits
de toute sorte. Le Rwanda, comme tous les autres pays de cette sous-région
(voir annexe 5) n’échappe pas à la règle. Ce travail sur les conflits au Rwanda
consiste non pas à étudier leur historicité, mais plutôt à les analyser sous un
angle cartographique (conflict mapping) dans le but de mettre en exergue les différents
protagonistes et leurs comportements. Cette analyse cartographique des conflits
au Rwanda consiste aussi à dévoiler les agendas cachés qui structurent les
rapports entre les différents acteurs depuis les indépendances.
Le Rwanda, encore
connu sous le nom du pays des mille collines[2]est
un pays de l’Afrique centrale situé au cœur de la région des grands lacs
africains. C’est un tout petit pays[3]
d’une superficie d’environ 26.338 Km2 pour un peu plus de 10,2
millions d’habitant. C’est donc un pays densément peuplé. Du point de vue des
ressources, le pays des mille collines, avec son importante réserve d’or, d’étain,
de béryl, de tungstène, de gaz naturel, de
faune, de forêt et son bassin hydroélectrique constitue une véritable manne économique
pour les pays de la sous-région et la communauté internationale. D’un point de
vue historique, à l’image des pays africains, il est constitué de plusieurs
groupes ethniques sur lesquelles se fondent la quasi-totalité des tensions
sociales.
Eu ayant situé ces
quelques éléments descriptifs devant nous permettre de comprendre les fondements
des conflits séculaires qui minent le Rwanda depuis plus de 50 ans, posons-nous
à présent quelques questions essentielles qui structureront notre
cheminement. Sur quelle base, les identités
ethniques Hutu et Tutsi se sont construites à travers le temps ? Et
comment influent-elles sur les différends? Quelles sont les différents
protagonistes dans les conflits et quels sont les agendas secrets? Enfin, la
fin du génocide marque-t-elle le début d’une nouvelle ère au Rwanda ? Pour
apporter des éléments de réponse à ces interrogations, nous étudierons dans une
première partie les différences sociopolitiques comme des constructions
sociales (chapitre 1). Ensuite, nous mettrons en lumière les acteurs et leurs
logiques (chapitre 2). Enfin, nous interrogerons le Rwanda post-génocide avant
de proposer quelques pistes de solutions (chapitre 3).
Le conflit rwandais
a été souvent différemment défini. Cette différence résulte de l'appréhension
que l'on se fait de la société rwandaise et de ses composantes. Les communautés
Hutu, Tutsi et Twa ont reçu des définitions différentes selon les auteurs et
les périodes. Elles ont tantôt été qualifiées de races, de tribus, d'ethnie, de
caste, d'état social ou de classes sociales[4].
Cependant, le qualificatif qui a réussi à faire l’unanimité est celui d’ethnie.
Dans ce chapitre, qui constitue la charpente de notre cartographie du conflit
rwandais, nous analysons à partir de l’histoire, l’avènement des ethnies Hutu, Tutsi et Twa puisqu’au XIVe
Siècle, ces peuples constituaient la même ethnie. C’est-à-dire l’ethnie
Banyarwanda et partage encore en commun le même territoire, la même langue
(kinyarwanda) et la même religion. S’il est aujourd’hui admis que ces entités
constituent trois groupes ethniques, il ne peut s’agir dès lors que d’une
construction sociale comme nous allons le montrer. Pour mémoire, rappelons qu’on
dit de deux groupes humains qu’ils forment deux ethnies différentes si et seulement
s’ils appartiennent chacun à une communauté différente de langue, de culture,
d'histoire et de territoire. Or dans le cas du Rwanda et même de toute la sous-région
des grands lacs africains, cette différence n’a jamais existé.
I. Hutu, Tutsi et Twa: des Banyarwanda
Il y a cinq siècles que le «royaume du Rwanda» s’est dessiné. Jusque-là il
était constitué de chefferies autonomes. Le pouvoir central s’affermit alors et
une hiérarchie sociale se cristallisa dans les trois groupes qui composent la
population: Les Tutsis sont des éleveurs, les Hutus cultivent la terre et les
Twa vont à la chasse, vivent de la cueillette et de la poterie. Tous les rwandais
parlent la même langue, ce qui est peu fréquent dans les pays d'Afrique, ont la
même foi traditionnelle en un Dieu unique, Imana, la même culture, vivent
ensemble sur les collines, et se marient entre eux. Puis, survint le moment où
le roi décida de classifier ses sujets suivant le nombre de vaches que possède
chacun d’eux. Qui a plus de 8 vaches est étiqueté Tutsi et qui a moins de 8
vaches en devient par la même circonstance Hutu. En d’autres termes, un Tutsi
qui perd ses vaches est aussitôt assimilé à un Hutu et un Hutu qui possède un
troupeau est assimilé à un Tutsi. Cette mobilité sociale est sans doute l’une
des raisons qui explique que le Rwanda précolonial n’ait jamais connu un
conflit généralisé. Non pas que la société de l’époque eut été un modèle
d’harmonie mais le pouvoir usait du consensus. Même si le roi par exemple était
d’origine Tutsi, son pouvoir était toujours contrebalancé par celui des sages
Hutu. Selon la tradition le roi doit prendre épouse dans chacun des clans du
pays, Hutu ennoblis ou Tutsi, et son héritier doit sortir de l’un de ses
clans : à chacun son tour de régner sur le Rwanda. En outre
l’Etat précolonial, émanation du corps social, avait mis en place des
mécanismes quotidiens de gestions des différents conflits. Quand il y avait un
quelconque problème qui se posait dans la société, il était porté soit devant
les sages des collines soit à la cour royale. Et jamais les différentes parties
en conflit ne pouvaient se séparer sans l’avoir réglé. Ces derniers, quoique
socialement différents de par leurs qualifications, vivaient dans une unicité
parfaite, parce qu’ils forment « un seul peuple, une seule ethnie, celle
des Banyarwanda ». Les Rwandais expliquent qu'il y avait traditionnellement
d'autres références sociales : les clans, qui regroupaient toutes les
catégories socioprofessionnelles et faisaient aussi ressortir des clivages
régionaux. La situation du Rwanda a cette époque est comparée à celle des
« ordres » dans l’Europe d’avant 1789, ce qui n'exclut pas
l'éventualité que des groupes d'origines diverses aient immigré au Rwanda dans
un passé lointain, sans qu'ils recouvrent nécessairement la distinction
Hutu-Tutsi, avant de s'assimiler les uns aux autres par le biais du mariage.
Par contre, l’arrivée des colons Belge dans les années 1916 a fortement
favorisée le développement du virus ethnique, avec l’appui de celle qui était
censée s’y opposer pour une cause morale, étique et de transcendance: l’église
catholique[5].
II. La politique coloniale : un catalyseur de la construction de la différence ethnique
L’ethnicisme au Rwanda date du temps du colonisateur
allemand, puis belge. Il constitue l’élément structurant de l’organisation
sociale et politique mise en place dans les années 1920 et 1930. Jusqu'à la fin des années 1950, les enseignants, les intellectuels, les
ethnologues et les universitaires accréditent le mythe d'une société rwandaise
composée de Tutsis évolués et de Hutus faits pour obéir. Le colon n’a rien vu d’autre
que cette stratégie comme facteur d’exclusion des « indésirables »
qui par la suite deviendront « désirables ». Il sera question pour nous
ici de montrer comment cette politique fut mise en exergue par le biais de ses
acteurs.
L’institutionnalisation ethnique des Rwandais n’est pas que le fait des
puissances coloniales, mais aussi et surtout de la puissance ecclésiastique
catholique en qui les populations avaient pleinement confiance. Dans les années
1934-1935 le gouvernement colonial belge va pour affermir ce qu’avait commencé
l’occupation Allemande, subdiviser la population rwandaise en trois catégories
figées. Dans la même perspective, les hommes d’église insiste sur la distinction raciale et conteste l'analyse
de classe, pour barrer la route aux sensibilités communistes qui auraient
pu s'éveiller alors dans les milieux populaires; rien ne devait entraver la politique du diviser pour mieux
cogner les têtes et régner. Dans la mise en place de cette manœuvre les
conseillers Hutus du roi sont expulsés du palais royal. En même temps de
nouveaux chefs, fraîchement christianisés et baptisés, sont nommés par
l’administration coloniale. Ils n’ont aucune légitimité sociale, perçoivent un
salaire. Ils doivent leur pouvoir non pas à leurs compatriotes mais au bon vouloir
des colons. Ces nouveaux
chefs, contrairement à ce qui se passait durant l’époque précoloniale, sont
tous choisis parmi les Tutsi. En effet en 1926 le pouvoir colonial belge
supprime la triple chefferie dans laquelle toutes les composantes de la nation
rwandaise étaient représentées. Elle est remplacée par une chefferie unique
issue de quelques familles Tutsi. A partir de ce moment le pouvoir traditionnel
sera perçu comme Tutsi, et les Tutsi considérés comme des féodaux. Au début du
siècle un médecin belge du nom de Sasserath décrit les Tutsis comme « un
peuple sémitique avec un nez droit et des lèvres minces appartenant à la race
des seigneurs, réservés, distants, polis et fourbes ». Et « les Hutus
plus timides, malpropres et flemmards » qui formeraient « la foule
des esclaves ». En 1930 Jean Jacques Maquet comme pour conforter les
schémas raciaux et racistes de Sasserath photographie des Hutu en plongée sur
fond d’herbes ou de terre, et des Tutsi en contre plongée, profils d’aigles sur
fond de ciel. L’église et l’administration coloniale vont aussi se faire les
véhicules de ces théories racistes. Monseigneur Léon Classe, premier évêque du
Rwanda, affirmera par exemple que « les Tutsi ont quelque chose du type
aryen et du type sémitique » et J. Ghislain, administrateur du Rwanda, renchérie
dans ce sens en ces termes «le Muhutu est, comme on l’a souvent répété pour le
nègre, un grand enfant superficiel, léger, volage… et des habitudes de
troupeaux de bêtes»[6]. Pour
affermir et pérenniser le pouvoir de ces nouveaux chefs, le pouvoir colonial
envoie leurs enfants à l’école pour en faire des intermédiaires et des
interprètes de l’administration coloniale. Ironie du sort ou de l’histoire, les
enfants Tutsi qu’on a envoyé à l’école se mettent à réfléchir contre la volonté
de leurs maîtres belges. Cette nouvelle élite n’a en réalité, rien de béni oui oui et dans les années 1950 elle
motte sur les créneaux pour réclamer l’indépendance. Face aux velléités indépendantistes de l’élite Tutsi, les
colons belges changent d’alliance et se tournent vers une élite Hutu naissante.
L’analyse faite dans
ce chapitre nous a permis de montrer que l’existence des ethnies Hutu, Tutsi et
Twa n’est qu’une pure imagination de l’esprit qui trouve ses fondements aussi
bien dans le Rwanda précolonial qu’au Rwanda colonial. Partant du fait que ces
distinctions sont aujourd’hui à la base de toutes les politiques sociales au
Rwanda, il est donc conséquent d’admettre qu’il existe présentement trois
groupes ethniques au Rwanda et c’est sur cette base que les différents conflits
s’étant déroulés au pays des mille collines seront analysés.
Le Rwanda a jusqu’à
nos jours connu deux conflits interethniques de dimensions non négligeable. Il
s’agit de la révolution et la guerre civile qui se sont respectivement déroulés
entre 1959-1962 et 1990-1994. Ce second chapitre de notre analyse se consacre
aux acteurs de ces deux conflits, à leurs comportements et aux conséquences des
conflits. Sans dissocier les protagonistes des
impacts causés par leurs actions, nous procèderons dans un souci
chronologique, de l’analyse d’un conflit à un autre.
I. Le premier conflit Hutu-Tutsi : la révolution de 1959
Le premier conflit
Hutu-Tutsi (1959-1962) tout comme le second se fonde principalement sur la
question du contrôle du pouvoir. Ce qui a donné naissance aux expressions
telles que « Hutu power » et le « Tutsi power » pour
marquer le désir de chacun des peuples de contrôler le pouvoir et pour lui seul.
Dans cette analyse des conflits au Rwanda, il n’est pas fait mention de
l’ethnie Twa parce ce peuple est non seulement considéré aussi bien par les
Hutu que par les Tutsi comme inexistant mais aussi, il est ne s’est pas
directement impliqué dans le conflit.
A. Les acteurs du premier conflit rwandais
Comme tous les
conflits du monde, ce conflit résulte des différences héritées de la période précoloniale
et coloniale. Il y a au-delà des acteurs internes, la communauté internationale
qui a apporté son soutien à l’une ou l’autre partie.
1. Les acteurs internes
Les principaux
acteurs de ce conflit sont les rwandais eux-mêmes. Nous avons d’une part les
Hutu et d’autre part les Tutsi. En effet, les raisons profondes de la tension
entre Hutu et Tutsi se situent bien au-delà la période coloniale car dès l’installation
des Tutsi sur les terres du Rwanda déjà occupées par les Twa et les Hutu, ils
s’engagèrent à conquérir les territoires occupés par les Hutu. La réalisation
de cette ambition fit finalement des Tutsi des seigneurs du Rwanda tandis que
les autres devenaient des subalternes. Ce leadership Tutsi trouve comme
susmentionné un écho favorable dans la politique coloniale jusqu’à la veille
des indépendances où le colon perçoit les revendications Tutsi comme une menace
de son autorité[7].
Les belges pour protéger leurs pouvoir, se servent de l’ignorance des Hutu en
leur faisant croire que si l’indépendance est remis au Tutsi, ils (Hutu)
resteront éternellement des esclaves. Dans cette perspective, l’administration
tutrice nomma pour la première fois des Hutu au poste de sous-chef et supprima
l’institution d’Ubuhake qui faisait des Hutu des esclaves[8]. Cet
acte ne fit pas du tout apprécié dans les milieux conservateurs Tutsi qui se liguèrent pour combattre cette évolution
pourtant irréversible. Les leaders Hutu nouvellement acquis aux idéaux
démocratiques réagirent en publiant en date du 24 mars 1957 un document resté
célèbre intitulé le « Manifeste des Bahutu » (voir annexe 4) dans lequel le système
féodo-monarchiste est publiquement mis en cause pour la première fois et la
question Hutu-Tutsi posée clairement[9].
Les dignitaires Tutsi en réponse au Manifeste des Bahutu réagirent très
négativement, par une lettre (voir annexe 5) du 17 mai 1958 adressée au
monarque d’alors. Dans cette lettre, les auteurs déclaraient que les Tutsi et
les Hutu n’avaient rien de commun par conséquent, les Hutu devaient rester
soumis aux Tutsi comme toujours. Dans ces conditions, il ne manquait qu’une occasion
pour déclencher les hostilités.
Le chemin de la
discorde étant ainsi tracé, l’agression en novembre 1959, par des jeunes gens
Tutsi contre un sous-chef Hutu sert d’élément déclencheur de la révolution de
1959 autrement qualifiée de génocide manqué. Dans ce premier front qui opposent
désormais Hutu et Tutsi, les premiers veulent reconquérir leur suprématie sur
le Rwanda d’avant l’arrivée des Tutsi et se venger des souffrances à eux infligés
par les derniers qui quant à eux désirent maintenir leurs mains mise sur le
Rwanda. Nous sommes donc face à un méso conflit simple[10]
qui oppose deux acteurs aux mêmes objectifs. C’est sur ce fond de tension que
Tutsi et Hutu s’affrontent jusqu’en 1962 où l’indépendance est proclamée avec à
la tête du jeune Etat un Hutu du nom de Grégoire Kayibanda, président du MDR/PARMEHUTU[11].
2. Les acteurs externes
Dans ce premier
conflit Rwandais, l’acteur externe majoritaire reste et demeure la Belgique
pour des raisons sus évoquées. Cependant, au-delà de l’instrumentalisation
faite par la Belgique, ajoutons que l’église catholique du Rwanda a joué un
rôle tout aussi déterminant dans ce conflit comme dans bien d’autres conflits
en Afrique. Dans son effort de « civilisation » et de domination, le colonisateur
et l’église ont forgé toute une gamme de mythes qui ont fait l'objet de
plusieurs publications dans les métropoles et qui seront cultivées dans les
colonies à travers l'enseignement à tel point que les intéressés eux-mêmes ont
fini par s'y identifier jusqu'à nos jours. Le missionnaire et le colonisateur,
croyant « civiliser » ces peuples d'Afrique et du Rwanda en particulier, les ont
vidés de l'essentiel de leurs valeurs avant de détruire leur cohésion et semer les germes d'une
altérité conflictogène[12].
La « Lettre
pastorale » du 11 février 1959 de Monseigneur Perraudin en poste au Rwanda est
considérée comme l’un des éléments déclencheurs du revirement de l'alliance
avec les Tutsi. Elle aboutira à la création du Parmehutu et à la révolution
sociale Hutu, dirigée par le secrétaire particulier de Monseigneur Perraudin,
Grégoire Kayibanda, qui deviendra le premier président du Rwanda. Dans cette
lettre, l’initiateur donne une caution morale à la dérivation du problème des
riches et des pauvres vers un problème ethnique[13]
Selon le rapport de
l’OUA sur le génocide rwandais publié en 2000, à la fin de l’année 1962, «Une petite bande de Hutu provenant du centre-sud
et, donc, pas même représentative
de l’ensemble de la nouvelle élite Hutu, a
remplacé la minuscule élite Tutsi.
Ils furent appuyés
par l’Église catholique
et par leurs anciens maîtres coloniaux
belges. En épousant les
prémisses racistes de
leurs anciens oppresseurs,
les Hutu traitaient désormais
tous les Tutsi
comme des envahisseurs
étrangers indignes de
confiance qui n’avaient aucun
droit et ne méritaient
aucune considération.[14] »
B. Les impacts
Les impacts de ce premier conflit Rwandais vont largement au-delà du seul
territoire Rwandais et de la période 1959-1962.
1. Impacts directs
A l’issue du
génocide manqué, le bilan humain est suffisamment lourd et contrairement à
l’acception de la majorité des Hutu qui pensaient avoir renverser les Tutsi, à part
le changement d’identité et de personnages dans la petite classe dominante, la
révolution n’a produit qu’un seul
autre changement majeur au
Rwanda: l’avènement de la violence
entre les deux groupes ethniques de plus en plus
séparés[15].
Le rapport des Nations Unies en 1961 constatait que «les événements de ces dix-huit derniers mois ont permis à un seul
parti d’établir une dictature sur une base raciale. Un système oppressif en a
remplacé un autre […] Il est fort possible qu’un jour nous soyons les témoins
de réactions violentes de la part des Tutsi »[16].
Durant cette première
confrontation Hutu-Tutsi, des maisons
furent brûlées, des gens battus à la matraque ou poignardés à mort. Dans le même temps, plusieurs centaines
de personnes furent
tuées, ce qui
est beaucoup pour un petit pays. Mais
la plupart des attaques furent
dirigées non pas contre tous les Tutsi, mais contre
les Tutsi riches
et puissants qui
avaient exploité et
profité de l’administration coloniale répressive. C’est pourquoi
il est plus
exact selon l’UA de voir
dans cette série
d’événements une insurrection
de classe plutôt que d’y voir l’ébauche d’un génocide manqué comme le
soutiennent certaines thèses. De très nombreux Tutsi quittèrent les contrées où
les plus violents combats avaient eu lieu; quelque 10.000 Tutsi se
réfugièrent dans les pays voisins
comme l’Ouganda et la RDC.
2. Les politiques nationales anti-Tutsi
Les 30 années qui ont
suivi la révolution de 1959 ont été fortement marquées à quelque exceptions près
par des politiques nationaux anti-tutsis. Sous la première république
(1962-1973) dirigée par Grégoire Kayibanda,
les exilés de l’ancien régime tentèrent à plusieurs reprises de renverser la jeune
République. Leurs attaques entraînaient chaque fois des représailles contre les
Tutsi de l’intérieur en donnant lieu à une double action: la cohésion entre les
Hutu qui se sentaient menacés et la marginalisation des Tutsi, considérés comme
la cinquième colonne des assaillants[17]. L’incident
le plus grave eut lieu
en décembre 1963
quand, à partir
du Burundi, un raid
raté et mal planifié
entraîna des représailles de la
part des Hutu qui firent plus de 10.000 victimes en quatre jours[18]. Avant que ne
cessent ces incursions,
plus de 20,000 Tutsi
furent tués et 300.000
se réfugièrent au Congo,
au Burundi, en Ouganda et en
Tanzanie. La nature des attaques de représailles changea cependant. Les responsables gouvernementaux Hutu (tous
les responsables gouvernementaux étaient
Hutu) commencèrent à accuser les Tutsi de complicité avec les attaquants.
Ainsi, tous les Tutsi furent considérés par les Hutu comme des envahisseurs étrangers
et firent écartés des sphères
supérieures du gouvernement
et de l’armée. Comme le secteur privé était très
peu étendu et que les liens internationaux étaient négligeables, le secteur public
était la seule possibilité d’avancement pour
les Tutsi puisque les emplois y étaient distribués aux groupes ethniques
en proportion de leur nombre or les
Tutsi ne représentent que 15% de la population. Les cartes d’identité
mentionnant l’ethnie (voir annexe 2),
qui avaient été introduites 30 ans plus tôt par les Belges, avaient été
conservées et cette pratique gouvernait presque toutes les
relations publiques et
commerciales. Notons cependant que même dans les cercles du pouvoir, l’homogénéité
des Hutu n’était pas admise car les Hutu du nord et du nord-ouest avaient
toujours pensé qu’ils
étaient avant tout
différents et supérieurs
aux autres Hutu. Ces dissensions
internes vont inéluctablement conduire la première république à sa perte au
profit de la seconde.
Le coup d’Etat du général
Juvénal Habyarimana en 1973 fut accueilli par tous même par les Tutsi. Il justifia
son action par sa volonté de mettre fin aux violences ethniques. Pour mettre
fin à ces violences, il introduisit le système de répartition régionale au sein
de l’administration publique. Tout compte fait, contrairement à la première république,
jusqu’en 1980, Habyarimana avait réussi à contenir les tensions à travers un
certain nombre de projets de développement accomplis. Cependant, progressivement
la corruption prenait son système en hottage et pendant que les proches du
pouvoir s’enrichissaient, la population s’appauvrissait et les cadres tant
militaires que politiques soupçonnés de s’opposer au régime furent soit emprisonnés,
soit assassinés, sans qu’aucune enquête ne puisse identifier les auteurs. En
dépit des difficultés que rencontraient des réfugiés rwandais dans les pays
d’accueil, leur droit au retour fut conditionné. En 1986, le Rwanda se déclara saturé
et incapable d’accueillir ses ressortissants exilés s’ils rentraient en masse[19]
pourtant, compte tenu de l’atmosphère sous régionale, le retour de ceux-ci
devenait un impératif. C’est sur ce fond de marasme économique, de morosité
politique, d’essoufflement des élites et du Tutsi
power contre le Hutu power que la
plus grande bêtise humaine de la fin du XXe est organisée.
II. Le deuxième conflit Hutu-Tutsi (1990-1994)
A. Les fondements
Si dans le premier
conflit, on pouvait directement mettre en cause l’instrumentalisation des puissances
colonisatrices, dans ce second cas, il faut aller chercher dans les
comportements des élites rwandaises elles-mêmes les raisons profondes de ce
drame humain. La révolution de 1959 est marquée
par le Hutu power tandis que celui
est l’heure de Tutsi power ou la reconquête
du pouvoir perdu.
1. Le retour des réfugiés Tutsi
Le second conflit rwandais est une résultante du premier
et en même temps une combinaison de plusieurs facteurs. Il émerge à partir des
années 1990 avec le retour massif des réfugiés rwandais installés en Ouganda et
survient alors même que la question des réfugiés Tutsi commençait à trouver un
solution car après de multiple tractations, il avait été convenu que: les réfugiés pouvaient visiter le Rwanda
pour se rendre compte de ses possibilités d’accueil (occasion sans pareilles
pour des opérations de reconnaissance par le FPR[20])
pour leur permettre, en définitive, soit de venir s’installer au Rwanda, soit
de rester à l’étranger avec des facilités de visiter les familles se trouvant
au Rwanda, soit enfin, d’acquérir une nouvelle nationalité, tout en jouissant
des mêmes facilités[21].
Or c’était sans compter avec l’agenda caché de ces derniers qui voulaient qu’après
s’être bien préparés et équipés et avec le concours maximum de l’Ouganda, les jeunes
Tutsi, membres de la NRA[22]
estimant que le moment était venu, déclenchèrent une guerre d’agression contre
le Rwanda en vue de reconquérir le pouvoir[23].
Le refus manifeste des refugiés Tutsi de trouver une solution au conflit plonge
définitivement le pays dans une violence sans merci. Cependant, avant les évènements
d’avril 1994 marqués par l’assassinat du président Habyarimana dont les
assassins courent toujours, les années 90-94 sont marquées par une véritable psychose
partout au Rwanda où d’un côté le FPR installe la guerre civile et de l’autre les
Hutu réagissent en ressuscitant les vieux démons ethniques tel que le démontrent
les 10 commandements du Muhutu (voir annexe 1) dans lesquels toute relation
entre ces deux groupes sont interdites.
2. L’accord de paix « indésiré » d’Arusha
Cette situation pousse les autorités étatiques à
l’adoption de nouvelles mesures parmi lesquelles l’adoption d’une nouvelle
constitution qui introduit le
multipartisme dans les pays et le MRND[24]
cesse d’être le parti unique sur la scène politique. Elle créé une nouvelle
institution, à savoir le poste de Premier Ministre, Chef du Gouvernement qui
devait partager les pouvoirs avec le Président de la République. Comme on s’en
aperçoit, ces changements étaient de nature à permettre l’avènement d’un régime
démocratique auquel même les réfugiés rwandais pouvaient participer. Et de ce
fait, le conflit rwandais allait, encore une fois, trouver une solution
adéquate. Mais hélas! C’était méconnaître le Tutsi qui, comme on l’a vu, avait
depuis très longtemps, écarté l’idée de partager le pouvoir avec le Hutu. Il
était déterminé, par conséquent, à s’emparer, tôt ou tard, de ce pouvoir même par
force[25].
L’accord de paix signé à Arusha en aout 1993 dans un contexte politique particulièrement
tendu n’y changera rien. Pourtant, malgré les avantages exorbitants que l’Accord
de Paix d’Arusha accordait au FPR, ce dernier n’était pas disposé à
l’appliquer, car le Tutsi aurait été amené, un tant soit peu, à partager le
pouvoir avec le Hutu, alors que pour lui, cela lui est culturellement prohibé. C’était
donc se tromper sur le Tutsi qui n’avait jamais abandonné sa logique de
gouverner seul et ne se sentait donc par conséquent pas lié à cet accord de
paix qui ne lui servait que de tremplin pour accéder au pouvoir et déraciner
les Hutu qui le lui avait volé en 1959. Au sujet de cet accord, le pouvoir
actuel de Kigali s’exprime en ces termes dans le journal Imboni No 003:
Cependant, à
part que cet accord d’Arusha nous reconduit sous le pouvoir semblable à celui
d’Ikinani [le président Juvénal Habyarimana], il ne présente aucun autre
avantage. Il n’a pas empêché la guerre de reprendre, alors qu’il avait été
conclu pour cela. Il n’a pas pu écarter le génocide [itsembabwoko] alors qu’il
avait été conclu pour empêcher Ikinani de le commettre. Il n’a pas réussi le
retour des réfugiés et leur réinstallation comme il le prétendait…Arusha
n’existe plus, il est mort. Il est mort et il ne peut pas ressusciter. Tout
cela se passe de commentaire[26].
Rappelons que la période du génocide ne correspond qu’au
trois derniers mois de la guerre civile. Considérée comme menace pour la paix
et la sécurité internationales, la guerre du Rwanda (1990 – 1994) n’est autre
que l’aboutissement de rapports politiques et géostratégiques. C’est également
l’expression des contradictions internes et externes d’une société qui se
manifestent au niveau des conflits infra et/ou interétatiques, desquelles
contradictions se dessinent deux dynamiques complémentaires et
interdépendantes.
B. Les dynamiques géopolitiques et polémologiques du conflit
Quel que soit l’auteur de ce second conflit, les acteurs
sont plus nombreux comparé au premier conflit et ceci s’explique aisément à
travers l’analyse des dynamiques qui sous-tendent ce type de conflit. Le rôle de la communauté
internationale (de l’ONU à l’UA en passant par les pays tiers) dans la guerre
civile ayant aboutie dans sa phase terminale au génocide a largement et été
critique parce qu’elle savait ce qui se tramait au Rwanda et n’a que
tardivement réagi. Plus récurrentes encore sont les critiques faites à la l’Ouganda,
France, la RDC et la Belgique parce que de façon plus ou moins ouverte, ces
quatre pays ont directement été impliqués dans le conflit. Le premier à cause
du financement des refugiés Tutsi et les seconds pour la proximité de leurs armées
avec le régime d’Habyarimana. Les dynamiques géopolitiques nous permettent de
comprendre d’avantage ce qui se jouait au-delà des combats.
1. Les dynamiques géopolitiques
Les conflits ont généralement trois
sources profondes: la lutte pour le contrôle des ressources (richesses sol et
sous-sol), la lutte pour le contrôle des espaces géographiques et la lutte pour
la domination idéologique ou ethno-identitaire. Mais très souvent, derrière
cette dernière motivation se cache la réalité des intérêts matériels. Le
référent ethno-identitaire ne joue alors qu’un rôle méthodologique car, même
pour un conflit dit interne, la finalité est d’atteindre un avantage tactique
sur le plan aussi bien local que régional et mondial[27]. Ce
qui, en concomitance et dans une logique de dilemme de sécurité, oblige l’autre
acteur des relations internationales à se positionner dans le camp local
adverse pour maintenir ce que Didier Bigo appelle « un pat stratégique[28] ».
Les conflits sont donc régulés par des intérêts géopolitiques et géostratégiques
des puissances locales, régionales et mondiales. Pour le cas du Rwanda, l’étude
sous l’angle géopolitique permet de mettre en évidence des acteurs ou groupes
d’acteurs, étatiques et/ou non étatiques, qui se disputent un enjeu. A cet
effet, l'enjeu des conflits au Rwanda et même dans la région des Grands Lacs
est territorial. Nous l’avons souligné depuis l’introduction que le Rwanda
était un petit pays riche et densément peuplé. Donc la question de qui contrôle
quoi se pose avec acuité. L’aspect géopolitique du conflit se manifeste par le
fait que chaque groupe d’acteurs (Tutsi et Hutu) cherche à reproduire à son
profit la logique de contrôle étatique sur les populations, en prélevant une
partie des biens économiques et taxant les flux des mouvements transnationaux
des ONG et des diasporas. Trois niveaux d’analyse permettent de
définir comment les réseaux d’acteurs transcendent les frontières étatiques et
structurent autrement, par le jeu d’alliances identitaires, l’évolution des
formes conflictuelles[29].
Il s’agit notamment de :
Ø
Le niveau local des combattants qui, relativement
indépendant, fonctionnent pour rogner les pouvoirs économique et politique de
l’Etat.
Ø
Le niveau des puissances régionales (RDC,
Ouganda, Tanzanie, etc.) qui jouent les intérêts politiques et géostratégiques
hégémoniques,
Ø
Le niveau général ou englobant : celui des
grandes puissances, notamment les puissances coloniale. C’est-à-dire la
Belgique, la France qui jouent la carte des ressources et alliés idéologiques.
2. Les dynamiques de guerre
Il a existé au
Rwanda pendant les périodes du conflit, les processus de politisation de l’ethnicité ou de l’ethnicisassion du politique
puisque, au-delà de la dimension politique et géostratégique, les guerres
induisent la régulation sociale ainsi que la correction des déséquilibres
causés par la modernité idéologique, financière et technique. Dans le contexte
du Rwanda, le conflit est aussi d’ordre structurel et sociologique: c’est
l’organisation sociale qui, également, est polémogène. L’emploi de la terreur
par les différents belligérants, étatiques ou non étatiques, ne relève pas
seulement de la cruauté volontaire. Comme on l’a vécu avec le FPR, c’est aussi
une stratégie délibérée et rationnelle pour atteindre des objectifs politiques
et économiques, une stratégie consistant à faire régner la discipline militaire
et civile, d’accéder aux ressources naturelles et d’assurer le contrôle des
infrastructures économiques. Contrairement à d’autres mouvements
rebelles, le mouvement FPR, dans leurs luttes armées, avaient développé un
système d’encadrement des populations, se voulant ainsi un
« quasi-Etat » dans les zones occupées. Aussi, faut-il mentionner que
les financements des diasporas et l’aide humanitaire contribuèrent pour
longtemps à la prolongation des conflits avant que les Accords de Paix d’Arusha
ne viennent constituer un prélude à la mobilisation politique et
militaire qui a abouti au Génocide des Tutsi et massacres des Hutus en 1994.
Dans ce second chapitre entièrement
consacré aux conflits rwandais, nous avons mis en lumière les différents
acteurs tels qu’indiqués dans la carte ci-dessous et leurs agendas cachés
surtout au niveau du second conflit dont l’ampleur des conséquences a été de
nature à faire oublier le premier. Il est évident que sans les volontés inaffichées
des uns et des autres, la guerre civile puis le génocide aurait pu été évité.
Cependant la fin des atrocités en 1994 marque-t-elle la fin des conflits au
Rwanda ?
NB : la taille des ethnies est fonction de leur pourcentage dans la société rwandaise. Ainsi les Hutu avec 80% représentent le plus grands nombre, puis viennent les Tutsi avec 15% et enfin les Twa avec 5%. Ceci permet de mettre en relief les rapports déséquilibrés que ces populations entretiennent entre elles.
cartographie des conflits au Rwanda jusqu'en 1994
Nous consacrons ce
dernier chapitre de la cartographie des conflits au Rwanda post-génocide car
lorsque la barbarie humaine prend fin, la reconstruction est toujours non
seulement difficile, mais aussi s’inscrit dans le long terme. Il est ici
question de montrer que malgré la fin des hostilités, les rwandais sont
toujours en conflit, mais cette fois-ci avec eux-mêmes. La question des
conflits dans les grands lacs sera également au menu. Enfin, en notre qualité
de spécialistes des questions de paix et de développement, nous proposerons
quelques solutions pour que plus jamais le Rwanda ne fasse parler de lui de la
sorte.
I. La sous-régionalisation des conflits Hutu-Tutsi
A. Le Rwanda actuel et les micro conflits
Le
conflit rwandais est considéré comme l’un des pires conflits à caractère
génocidaire qu’a connu l’histoire de l’humanité et en particulier celle de
l’Afrique. Le Rwanda qui fut l’un des pays dont la cohésion sociale avant
l’arrivée du colonisateur était considéré comme un exemple avec une population
ayant la même origine, le même passé, la même culture et partageant même
religion avec une seule distinction qui ne s’opérait que par rapport à la
profession exercée. Force est de constater que ce pays qui, jadis uni est
divisé. En effet le Rwanda post génocide est tout simplement un pays déchiré
par des conflits identitaires, les uns ne se sentant toujours pas en sécurité
les uns par rapport aux autres. Aussi, sur le plan social, la population est
complètement divisée et fait face aux problèmes sociaux, de chômage de famine d’immigration et
d’insécurité de tout ordre alors que le pays a atteint son point le plus bas.
Sur le plan politique on essaye tant bien que mal d’intégrer aussi bien le
Tutsi que le Hutu dans la gestion des affaires du pays pour éviter des tensions
malgré des démissions successives de
certains membres du gouvernement accusés parfois d’être des incitateurs à de
nouveaux conflits qui peuvent faire renaitre l’épuration ethnique qu’a connu le
pays.
De
même, la plupart de ses problèmes ont
été créés ou vivement exacerbés par le génocide, la guerre subséquente en
Afrique centrale et la détermination constante des anciens génocidaires, que la
communauté internationale a refusé de désarmer, à poursuivre la lutte pour
déstabiliser le gouvernement actuel. La situation des réfugiés en donne un
exemple flagrant. À une époque, ils étaient jusqu’à 3 millions de rwandais
réfugiés dans les pays voisins; ils sont maintenant moins de 100.000. En 1999,
38.000 ont regagné leur pays. S’il s’agit là d’une étape importante vers une
situation normale, elle s’accompagne également de problèmes à résoudre. Le
retour des réfugiés dans leur pays présente des difficultés liées à l’accueil,
à la réadaptation, à la propriété foncière, aux droits fonciers, aux tensions
sociales, à l’emploi[30]etc.
Mais ce retour comporte d’autres inconvénients. Les autorités rwandaises
craignent que parmi les réfugiés légitimes ne se trouvent des agents des
milices pro génocide. Malgré les politiques d'Unité Nationale
et de Réconciliation qui portent d'ailleurs des fruits, le risque pèse encore
sur le Rwanda post-génocide. En effet, les plaies non cicatrisées du génocide
et la peur de l’«Autre nocif » restent une contrainte importante qui peut faire
que, pour maximiser les garanties de sécurité, les postes clés sont souvent
confiés à des Tutsi. Il ne faut pas nier qu’aujourd’hui, il existe bel et bien
trois ethnies au Rwanda ce qui n’était pas le cas avant l’arrivée du colon.
B. La région des grands lacs après le génocide : la première guerre continentale d’Afrique
Le conflit
rwandais ne s’est pas uniquement limité dans ce pays, on remarque qu’après le
génocide de 1994, la région des grands lacs a vu le conflit se rependre dans
ces autres pays si bien qu’on a assisté à une régionalisation du conflit de
même envergure. La fin du génocide ne marque pas la fin du plus terrible
conflit qu’aura connu le peuple rwandais. On assiste au contraire à l’ouverture
d’un tout nouveau chapitre, presque aussi cruel que le précédent, mais qui
englobe cette fois toute la région des Grands Lacs dans un conflit brutal qui
devient une guerre impliquant directement ou indirectement des gouvernements et
des armées de chaque partie du continent. Le génocide ne fut donc que le
commencement.
Lorsque
le «Hutu Power» se dirige armé vers le
Zaïre, l’inévitable fut ensuite accéléré par la réapparition de Mobutu comme
acteur central de la tragédie. Ce dernier fut soutenu par les puissances
belges, américaines et françaises qui étaient tous d’accord pour placer les réfugiés
et ceux qui avaient planifié et exécuté le génocide. Cette politique eut pour
résultat non seulement de protéger les génocidaires, mais également de rétablir
le pouvoir de Mobutu au Zaïre et de réhabiliter l’homme aux yeux du monde. C’est ainsi qu’il fut invité en 1994
au sommet franco-africain duquel le nouveau gouvernement du Rwanda était banni
(ce qui est compréhensible parce que le nouveau gouvernement est Tutsi or l’armée
française apportait son soutien au régime Hutu soutenu par la RDC). Pourtant,
la position de Mobutu pouvait difficilement être plus transparente. Partisan
d’Habyarimana et de sa clique depuis le début, Mobutu s’associait désormais aux
génocidaires, les défendait sur le plan diplomatique et leur procurait des
armes. Comme le démontra la Commission d’enquête des Nations Unies, le réseau
de Mobutu alimentait désormais régulièrement en armes les criminels de guerre
réfugiés dans les camps de l’est du Zaïre. Le conflit aurait pu prendre fin après
la fuite des dirigeants extrémistes Hutu au Zaïre, mais la résurrection de
Mobutu réduisit cet espoir à néant. Au cours de l’année qui suivit leur fuite
du Rwanda, ils s’attaquèrent principalement à des cibles économiques au Rwanda.
Les génocidaires basés dans les Kivu modifièrent leur stratégie d’une manière
qui allait aggraver davantage les tensions régionales. Toutefois, dès que les
forces armées du FPR purent développer une stratégie anti insurrectionnelle
efficace, les dirigeants extrémistes Hutu changèrent de stratégie et ciblèrent
désormais les autorités civiles locales et les survivants du génocide. Même
s’ils réussirent à tuer un grand nombre de personnes, dès 1996, les incursions
étaient devenues contre-productives pour ce qui était de rallier la population
locale[31].
Les génocidaires optèrent donc pour une troisième stratégie qui consistait à
assurer la sécurité de leurs bases dans l’est du Congo en effectuant une
purification ethnique totale aux dépens des Tutsi congolais, dont certains
vivaient dans la région depuis des générations. Tous ces événements connexes à
savoir le refus de désarmer les génocidaires, leur détermination à poursuivre
le génocide par d’autres moyens, le retour de Mobutu, furent le résultat d’une
politique délibérée d’omission ou de commission de la part de la communauté
internationale. En conséquence, ces événements, se combinèrent pour déclencher
une série de développements épouvantables, notamment deux guerres successives
centrées sur la RDC. Les ramifications de ces conflits dans l’ensemble de la
région et par rapport à l’engagement de régler les conflits pris par l’Union Africaine
ont suscité de l’inquiétude, car la présence des troupes armées en RDC est au
cœur du conflit sous régional et menace la sécurité des autres Etats. Ce
conflit a été baptisé « première guerre continentale d’Afrique » ou
encore « première guerre mondiale d’Afrique ». Le nombre de mort n’a
pas été réellement déterminé, mais on sait que le bilan est tout de même
stupéfiant.
Les populations de souche rwandaise devenues
congolaises ou Ougandaises, deviennent aujourd'hui des facteurs
insurrectionnels chaque fois que leur
nationalité est remise en question. En RDC, par exemple, elles ont été au
centre de la rébellion qui renversa en 1997 l'ancien dictateur Mobutu et sont
encore l'une des sources majeures du conflit qui déchire ce pays pour les mêmes
raisons. En Ouganda, les crises des années 70 et 80 se ressourçaient aussi dans
la « rwandophobie » et les
populations associées, à tort ou à raison, à l'identité rwandaise devenue des
cibles potentielles de la violence dans ce pays pour différentes raisons. La
situation est aussi susceptible de devenir explosive en Tanzanie si rien n'est
fait. Suite à leur association à l'identité rwandaise, à tort ou à raison,
quelques personnalités politiques ont perdu leur légitimité citoyenne et, à
l'ouest du pays, des populations tanzaniennes d'expression rwandaise sont
sujets de menaces et de rejet. C'est le cas du Burundi, après 1965 mais surtout
après 1972, où les Tutsi, suite aux tentatives hutues de prendre le pouvoir par
la force, se sont résolus à les exclure complètement de l'exercice du pouvoir
deux décennies durant, provoquant ainsi la cristallisation du ressentiment et
de la frustration des Hutu et leur détermination à entrer en conflit ouvert. L’Ouganda
n'y a pas non plus échappé. La disparité entre le sud riche et favorisé et le
nord pauvre, pousse les groupes des régions défavorisées à se rebeller.
II. Quelques pistes de solutions
Le génocide
rwandais a été un conflit sans précédent dont aura connu l’Afrique après les
grands malheurs de son histoire à savoir la traite négrière et la colonisation.
Le rwandais se sont entretués et aujourd’hui il s’agit de trouver des solutions
pour revivre ensemble même si la situation ne redeviendra plus comme celle
d’avant, il faut tout simplement essayer de reconstruire l’unité nationale (A),
opérer une réconciliation basé sur l’histoire (B) et trouver des stratégies de réduction de la
pauvreté comme base de développement et
de réconciliation nationale(C).
A. La reconstruction de l’unité nationale
Après la guerre au Rwanda, le pays extrêmement meurtri
par les violences et maux de toutes sortes se veut de retrouver ou de rebâtir
les liens entre tous les rwandais.
Les guerres
identitaires n'auraient pas lieu aujourd'hui au Rwanda si les leaders
postcoloniaux n'avaient pas systématiquement construit leur discours politiques
sur des thèmes communautaires divisionnistes. La mauvaise gouvernance comme
facteur causal des conflits s'est constituée autour de trois structures
fondamentales: le mauvais départ des indépendances; la distribution inéquitable
de la rente nationale et les systèmes politiques conflictogènes. L'environnement régional caractérisé
par une rwandophobie grandissante et les alliances avec les forces génocidaires
par certains gouvernements et/ou organisations politiques et les risques de
confrontation militaire. Le Rwanda, qui
marqua l'Afrique toute entière par le génocide de 1994, a fait preuve
d'ingéniosité dans la gestion et la résolution de ses conflits grâce notamment
aux politiques d'Unité et de Réconciliation Nationale et sa justice
participative et innovatrice dite Gacaca[32].
Il a donné honneur et fierté à l'Afrique lorsqu'il fut consacré N°1 mondial de
la bonne gouvernance pour l'année 2002 sur près de la moitié du nombre de pays
que compte le système onusien. Le prix mondial du leadership est revenu à son
Président, et à travers lui à tout le leadership rwandais, pour la même année.
Le génocide de 1994, par la radicalisation des perceptions identitaires, a
rendu complexe et compliquée la notion d'unité et de réconciliation des
Rwandais, telle qu'évoquée dans les accords d'Arusha de 1993. Cette nouvelle
situation rendait pressante et incontournable la création d'une telle
commission pour essayer de ressouder la société déchirée. C'est dans cet esprit
que la loi établissant la Commission non judiciaire pour l'Unité et la
Réconciliation a été adoptée par le parlementent en mars 1999. Le
Gouvernement d'Union Nationale installé en juillet 1994 a placé l'unité et la
réconciliation des Rwandais au cœur de sa mission. Mais rien n’est encore fait
car il s’agit d’un long processus qui prendra du temps pour que les plaies se
cicatrisent et que le pays retrouve au moins un minimum de cohésion sociale.
B. La réconciliation avec l’histoire
Il
s’agit pour les entités identitaires du Rwanda de retourner dans l’histoire
c'est-à-dire dans leur passé avant
l’arrivée du colon afin de reconstruire cette même cohésion sociale qui
existait dans le Rwanda précolonial. Car nous devons comprendre que les entités
Hutu et Tutsi sur lesquelles se sont fondés les conflits dans la société
rwandaise contemporaine ne constituaient ni races, ni castes, ni tribus, ni
ethnies à l’époque, elles partageaient la même culture, la même langue et
cohabitaient sur un même territoire, avaient les mêmes clans et vénéraient le
même Dieu. Cet ensemble de liens était donc un élément de cohésion sociale
important. Pour ces raisons, tous se reconnaissaient comme étant Banyarwanda et
chacun reconnaissait à l'autre ce droit. Par conséquent, Hutu, Tutsi et Twa
n'étaient pas des classes sociales au sens européen du terme. Les Tutsi eux-mêmes
vivaient dans des conditions sociales différentes. Economiquement,
politiquement et même socialement ils étaient hiérarchisés les uns par rapport
aux autres et c'était pareil pour les Hutu[33].
De même tous les Tutsi n'appartenaient pas à la noblesse et dans maintes
contrées, des familles aristocratiques Hutu étaient au pouvoir, de manière
héréditaire. Pour construire donc une réconciliation basée sur le retour à leur
histoire, les rwandais doivent ainsi tenir compte des de tous ces facteurs qui
les liaient auparavant, car même si les idéologies divisionnistes ont
déstructuré le Rwanda, force est de constater que la communauté de langue et de
culture a résisté jusqu'ici à l'épreuve du discours déstructurant et à la
fracture identitaire[34].
Si l'altérité de langue et de culture est un élément constructif de l'ethnie,
il faut alors admettre qu'il n'existe qu'une seule ethnie au Rwanda, en
l'occurrence l'ethnie des Banyarwanda. Même si les appartenances Hutu,
Tutsi et Twa ont existé avant la colonisation, il n’y a pas doute que cela ne
renvoyaient pas à des références identitaires primaires tel que préconisé par
le discours colonial. Ces appartenances relevaient en fait des activités
économiques accomplies[35].
B. La reduction de la pauvreté et la promotion du développement comme méthode de réconciliation nationale
Cet
aspect concerne la réduction de la
pauvreté et le développement comme moteur de réconciliation nationale. Il faut
donc réduire la pauvreté d’une jeunesse
désœuvrée afin de lui éviter de mettre son potentiel au service de la violence
pour survivre. Car il faut noter que l’extrême pauvreté, la précarité des
ressources, le chômage, les conditions de vie difficiles, la grave violation
des besoins humains, figurent parmi les facteurs importants qui ont aggravés et
intensifiés les violences lors du
conflit rwandais. Il faudrait par conséquent élaborer des stratégies qui
prennent en compte la satisfaction des besoins ontologiques ; Pour qu’il n’y
ait plus de clivages sociaux comme auparavant. Qu’aussi bien le Tutsi, le Hutu
que le Twa soient tous pris en compte et de façon équitable dans la gestion et
la répartition de la chose publique pour promouvoir la réconciliation nationale
car reforms often bring advantage to some groups while
disadvantaging others. There
is likely to be greater acceptance of reforms—and a greater participation in
the transformation process—if there is a perception of equity, of fairness,
about the development process; if there is a spirit of trust, commitment and
reciprocity abound; and there is a sense of ownership derived from participation
if there has been an effort at consensus formation[36]. Mais il faut cependant savoir que
développement que nous prônons ici est celui that provides individuals and
societies with more control and influences over their own destiny. Development enriches the lives of
individuals by widening their horizons of choice and freedom and reducing their
sense of isolation. It reduces the afflictions brought on by disease and
poverty and environmental degradation, not only increasing life spans, but
improving the quality and vitality of life[37].
Ce chapitre sur le Rwanda post génocide nous a permis de
comprendre que malgré la fin de celle-ci, il existe toujours comme une peur des
lendemains désastreux au Rwanda. De façon plus spécifique, le conflit du Rwanda
a démangé vers toute la sous-région où la question de la cohabitation
Hutu-Tutsi se pose de plus en plus avec acquitté. Pour mettre progressivement
un terme à ces peurs, nous avons faits quelques propositions qui peuvent
permettre de rétablir la vérité non seulement au Rwanda, mais aussi dans la région
des grands lacs.
Ce travail sur la
cartographie du conflit rwandais nous a permis en trois chapitres de mettre en lumière,
les jeux, les enjeux, les contres jeu et les rejeux des acteurs directs et de
leurs différents alliés. Dans le chapitre 1, nous avons avec précision montré
l’ethnicité au Rwanda n’est qu’une construction sociale mais que compte tenu du
contexte actuel, il devenait impératif d’admettre qu’il existe véritablement
plusieurs groupes ethniques au Rwanda de peur de mal interpréter les relations
entre Hutu et Tutsi. Dans le second chapitre, nous avons mis en lumière les
acteurs des différents conflits rwandais et leurs logiques. Il convient de
reconnaitre qu’habituellement, il est admis que les conflits engendrent les
réfugiés, mais le cas rwandais, qui en constitue un cas d’école du fait de son
exceptionnalité au monde vient de nous montrer que les réfugiés peuvent aussi
engendrer les conflits. Malgré la surdétermination de chacun de ces deux
peuples à refouler l’autre jusqu’à ne lui offrir que l’exil, on constate qu’il
existe une différence d’approche chez les Hutu et les Tutsi. Tandis que les
Hutu sont plus enclins à coopérer avec les Tutsi, ces derniers sont véritablement
déterminer à ne partager le pouvoir avec aucun autre groupe. Or il n’a très
souvent été que question de Tutsi et Hutu oubliant qu’au Rwanda, il existe
aussi des Twa qui doivent être également pris en compte. Dans le dernier chapitre
de ce travail, nous avons enfin mis en lumière la situation du Rwanda actuelle
dans laquelle nous avons montré que les conflits n’étaient pas finis et pire
encore, les conflits ont déménagé vers les grands lacs où on assiste à une
sorte de rwandophobie d’une part et à la peur réciproque du Hutu et du Tutsi.
Quelques solutions ont été ensuite proposées pour la reconstruction du Rwanda
car s’il est admis que ce pays est sur une bonne pente économique, il ne faut
cependant pas oublier que tout peut encore basculer du fait des blessures non cicatrisées
et des vieux démons des années 1959-1962 et 1990-1994. Nous préconisons enfin
le renforcement de la société civile rwandaise car il admit qu’elle un rôle
d’avant-garde pour les pouvoirs publics en ce sens que son travail permet grâce
à la dénonciation d’identifier les conflits assez tôt. N’oublions pas que les « révoltes violentes sont souvent liées au
fait qu’un groupe – dans ce cas une bonne partie de la population – n’arrive ni
à articuler ni à défendre ses intérêts face à un pouvoir écrasant. Jusqu’au
jour où ces injustices deviennent insupportables et cela explose »[38].
v
Jean-Pierre
Chrétien : « Presse libre » et propagande raciste au
Rwanda : Kangura et les 10 commandements du Hutu. Paris, Avril 1991
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01 février 2005. URL : http://conflits.revues.org/index147.html
(Consulté le 18 juin 2012).
Annexe 1 : les 10 commandements du Bahutu[39]
1. Tout
Muhutu doit savoir
que Umututsikazi où
qu’elle soit, travaille
à la solde de son
ethnie tutsi. Par conséquent, est traître tout Muhutu:
- qui épouse
une mututsikazi;
- qui fait
d’une Umututsiltazi sa
concubine;
- qui fait
d’une Umututsikazi sa
secrétaire ou sa
protégée.
2. Tout Muhutu
doit savoir que nos filles Bahutukazi sont plus dignes et plus
consciencieuses dans leur rôle
de femme; d’épouse
et de mère de famille. Ne
sont-elles pas jolies, bonnes
secrétaires et plus honnêtes!
3. Bahutukazi,
soyez vigilantes et ramenez
vos maris, vos frères et vos fils
à la raison.
4. Tout
Muhutu doit savoir
que tout Mututsi est malhonnête
dans les affaires. I1 ne vise
que la suprématie de
son ethnie. RIZABARA UWARIRAYE. Par conséquent,
est traître tout Muhutu :
- qui fait alliance
avec les Batutsi
dans secs affaires;
- qui investit
son argent ou
l’argent de 1’Etat
dans une entreprise
- qui prête
ou emprunte de l’argent
à un Mututsi;
- qui accorde aux
Batutsi des faveurs dans
les affaires (l’octroi des licences d’importation, des prêts bancaires, des parcelles de construction, des
marchés publics...).
5. Les postes
stratégiques tant politiques, administratifs, économiques, militaires et de sécurité doivent
être confiés aux
Bahutu.
6. Le secteur de
l’Enseignement (élèves, étudiants, enseignants) doit être majoritairement Hutu.
7. Les Forces Armées Rwandaises doivent être
exclusivement Hutu. L’expérience de la
guerre d’octobre 1990 nous
l’enseigne. Aucun militaire
ne doit épouser
une Mututsikazi. D‘un Mututsi;
8. Les Bahutu doivent cesser d’avoir pitié
des Batutsi.
9. Les
Bahutu, où qu’ils soient, doivent être unis, solidaires
et préoccupés du sort
de leurs frères Bahutu.
- Les Bahutu de l’intérieur et de
l’extérieur du Rwanda doivent rechercher constamment des amis
et des alliés pour
la Cause Hutu, à commencer
par leurs frères bantous.
- Ils doivent
constamment contrecarrer la
propagande Tutsi.
- Les Bahutu doivent
êtres fermes et vigilants contre leur ennemi commun tutsi.
10. La Révolution Sociale de 1959,
le Referendum de 1961, et 1’idéologie
Hutu, doivent être
enseignés à tout Muhutu et
à tous les niveaux. Tout Muhutu doit
diffuser largement la
présente idéologie. Est traître tout Muhutu qui persécutera son frère Muhutu
pour avoir lui, diffusé et
enseigné cette idéologie.
Annexe 2 : une carte d’identité ethnique du Rwanda avant le génocide de 1994
Annexe 3 : quelques images du génocide de 1994
Annexe 4 : Extrait du manifeste des Bahutu
OBJECTIONS PRETEXTES CONTRE LA PROMOTION MUHUTU
Contre l’ascension du Muhutu, nombreuses sont les
objections qu’on présente. Sans ignorer les déficiences du Muhutu, nous pensons
que chaque race et chaque classe a les siennes et nous voudrions une action qui
les corrige au lieu de refouler systématiquement les Bahutu dans une situation
éternellement inférieure. On prétexte spécialement :
a) « Que les
Bahutu furent chefs dans le pays ». Anachronisme raffiné que le présent ne peut
confirmer suffisamment.2
b) Les vertus sociales du Mututsi qui le présenteraient
comme « natus ad imperium » ! La même vertu peut être présentée autrement par un
Italien que par un Allemand, par un Anglais que par un Japonais, par un Flamand
que par un Wallon.
c) « Qu’ont fait
les Bahutu évolués pour l’ascension de leurs congénères ? » – C’est une
question d’atmosphère et du buhake particulièrement qui a souvent influencé le système
des nominations. Ensuite, le manque de liberté suffisante d’initiative dans une
structure absolutiste, l’infériorité économique imposée au Muhutu par les structures
sociales, les fonctions systématiquement subalternes où ils sont tenus, handicapent
tout essai du Muhutu pour ses congénères.
d) « Que diable ils présentent leurs candidatures ou
attendent que le complexe d’infériorité soit liquidé ». – Les candidatures supposent
un sens démocratique, ou alors il faut ignorer ce que ce prétexte peut laisser
entendre de tendance au buhakeque les gens ont abandonné (sans pour cela
abandonner le respect de l’autorité). A ce sujet, il faudrait rappeler la
réflexion d’un hamite notable : « il ne faudrait pas que les Bahutu soient
élevés par les soins du blanc, mais par la méthode traditionnelle du Mututsi !
» Nous ne pensons pas que l’ancien ennoblissement soit une pratique à
ressusciter dans la rencontre Europe-Afrique.
e) « Et les foules
suivront ». – L’interaction élite-masse est indéniable, mais à condition que
l’élite soit la masse. Au fond du problème, il s’agit d’un colonialisme à deux
étages : le Muhutu devant supporter le hamite et sa dominatin et l’Européen et
ses lois passant systématiquement par le canal mututsi (letambirigi et letantutsi)
! La méthode de la remorque « blanc – hamite – muhutu » est à exclure. Des
exemples ont pu montrer que « les foules » ne suivent pas automatiquement
toujours.
f) « L’union,
condition du front commun et unique pour l’indépendance du pays, doit faire
taire toutes les revendications bahutu ». – Il est fort douteux que l’union de cette
manière, le parti unique, soit vraiment nécessaire si en fait l’émancipation
est fruit mûr ! – Ajoutons que la section de la population que le départ de
l’Européen pourrait réduire dans une servitude pire que la première, aurait
tout au moins le droit de s’abstenir de coopérer à l’indépendance autrement que
par des efforts de travail acharné et de manifestations des déficiences qu’il
lui semble nécessaire desoigner d’abord.
Annexe 5 : Extrait de la lettre des dignitaires Tutsi du 17 mai 1958
…comment les Bahutu réclament maintenant leurs droits au
partage du patrimoine commun. Ceux qui réclament le partage du patrimoine
commun sont ceux qui ont entre eux des liens de fraternité. Or les relations
entre nous (Batutsi) et eux (Bahutu) ont été de tous temps jusqu' à présent
basées sur le servage ; il n'y a donc entre eux et nous aucun fondement de
fraternité. En effet quelles relations existent entre Batutsi, Bahutu et Batwa
? Les Bahutu prétendent que Batutsi, Bahutu et Batwa sont fils de KANYARWANDA,
leur père commun. Peuvent-ils dire avec qui Kanyarwanda les a engendrés, quel
est le nom de leur mère et de quelle famille elle est ? Les Bahutu prétendent
que Kanyarwanda est père des Batutsi, Bahutu et Batwa;or nous savons que Kigwa
est de loin antérieur à Kanywarwanda et que conséquemment Kanyarwanda est de
loin postérieur à l' existence des trois races Bahutu, Batutsi et Batwa, qu’il
a trouvées bien constituées. Comment dès lors Kanyarwanda peut-il être père de
ceux qu’il a trouvés existants ? Est-il possible d'enfanter avant d'exister ?
Les Bahutu ont prétendu que Kanyarwanda est notre père commun, le « Ralliant »
de toutes les familles Batutsi, Bahutu et Batwa : or Kanyarwanda est fils de
Gihanga, de Kazi, de Merano, de Randa, de Kobo, de Gisa, de Kijuru, de
Kimanuka, de Kigwa.CeKigwa a trouvee les Bahutu dans le Rwanda. Constatez donc,
s'il vous plaît, de quelle façon nous, Batutsi, pouvons être frères des Bahutu
au sein de Kanyarwanda, notre grand père. L'histoire dit que Ruganzu a tué
beaucoup de « Bahinza»(roitelets). Lui et les autres de nos rois ont tué les
Bahinza et ont ainsi conquis les pays des Bahutu dont ces Bahinza étaient rois.
On en trouve tout le détail dans l' « InganjiKalinga ».Puisque donc nos rois
ont conquis le pays des Bahutu en tuant leurs roitelets et ont ainsi asservi
les Bahutu, comment maintenant ceux-ci peuvent-ils prétendre être nos frères ?
[ N.d.l.r. Lire l'entiéreté de l'écrit connu sous le titre de 'Voici le détail
historique du règne des Banyiginya au Rwanda']
[1] La région des grands Lacs africains
regroupe l’Ouganda, le Rwanda, le Burundi, la RDC et la Tanzanie
[2]A ne pas confondre avec l’expression
« Radio milles collines » qui est généralement utilisée pour designer
Radio Okapi et qui peinte de coloration négative du fait de son rôle dans le
génocide rwandais.
[3] L’un des plus petits pays d’Afrique
[4] Pages A., Un royaume hamster au centre de
l'Afrique, Bruxelles, Marcel Hayez, 1933
[5] Le Rwanda fut tant
imprégné de sentiments religieux, et la place sociale de l'église catholique
était importante dans les structures politiques, sociales et éducatives de ce
pays.
[6] Ces
schémas racistes vont servir de backline
à la politique coloniale belge
[7] Les revendications indépendantistes
étaient essentiellement faite par les Tutsi. En effet, ils étaient pratiquement
les seules à avoir été à l’école et occupaient des hautes fonctions dans
l’administration coloniale. Ce qui n’était pas le cas pour les Hutu et encore
moins les Twa.
[9]Op.cit
[10] Galtung, Johan: distingue quatre niveaux
des conflits: les micro qui se situent entre les individus, les méso entre les groupes
à l’intérieur d’un même pays ; les macro au niveau des Etats et enfin les
méga qui sont des conflits de civilisations et de région. A chacun de ces
niveaux s’applique également trois variances (simple, structurel, et complexe)
Lire à ce sujet Typologie des
Conflits : Une introduction au Métier de Médiateur, PUPA, 2010,
[11] Mouvement Démocratique Rwandais/Parti du
Mouvement de l’Émancipation Hutu
[12]Nkurunziza, Charles: le conflit rwandais:
origines, développement et stratégies de sortie. P.15, document PDF disponible
en ligne
[13]Le terme utilisé dans la lettre est celui
de race
[14]OUA: rapport sur au génocide rwandais. Mai 2000
[15] OUA: op.cit, p.35
[16] Prunier, The Rwanda Crisis, 50
[17]Niwese, Maurice: Rwanda : La rationalité
du génocide, P.1
[18] OUA: op.cit. p.36
[19]Niwese, Maurice: op.cit, p.2
[20] Front Patriotique Rwandais
[21]Shyaka, Atanase. Op.cit
[22]National Resistance Army, armée ougandaise
[23]Op.cit
[24] Mouvement Révolutionnaire National pour
le Développement
[25]Op.cit
[26]Op.cit
[27]MASHIMANGO: “la
dynamique polémologique du conflit rwando-rwandais” article publié dans http://aboumashimango.over-blog.com/ le mardi 2 mars 2010
[28]Table
ronde, « La prolongation des conflits : Approche
comparative des systèmes de guerre », Cultures
& Conflits, 01, hiver 1990, [En ligne], mis en
ligne le 01 février 2005. URL : http://conflits.revues.org/index147.html
(Consulté le 18 juin 2012).
[29]Mashimango. Op.cit
[30] OUA : op.cit, p248
[31] OUA op.cit, p.204
[32] Lire gachacha
[33] J. Semujanga,
Récits fondateurs du drame rwandais. Discours social, idéologies et
stéréotypes, Paris- Montréal, L'Harmattan, 1998.p. 88
[34] S. M. Sebasoni,
Les origines du Rwanda, Paris, Harmattan, 2000, p.117.
[35] Les Hutu
étaient plutôt agriculteurs, les Tutsi plutôt éleveurs du gros bétail et les
Twa, plutôt chasseurs, pêcheurs et potiers.
[36]
Joseph, Stiglitz: “Towards a New
Paradigm of Development” in John H.
Dunning: Making globalization good: The
moral challenges of global capitalism, Oxford University Press, 2003 P. 104
[37] Op.cit. p. 92
[38] Kayser, Christiane :
« travail de paix et espace de dialogue citoyen » in Kayser,
Christiane et al. Travailler pour une paix durable au Cameroun, SCP/EED, 2011,
p.12
[39] Source Jean-Pierre Chrétien :
« Presse libre » et propagande raciste au Rwanda : Kangura et
les 10 commandements du Hutu. Paris, Avril 1991
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